LES RICHESSES D’UNE ENQUETE

Publié le par Michel Durand

Ensemble, une Eglise pour demain.

La  paroisse lyonnaise Saint Maurice-Saint Alban a conçu avec l’aide de  professionnels qualifiés un questionnaire, titré : « Ensemble, une Eglise pour demain », expression pleine d’espérance, envoyé à 650 familles ou personnes du quartier, par le moyen de son mensuel « Côté-Soleil »

Aujourd’hui, le même mensuel publie, sous le n° 170, les 286 réponses exprimées par écrit, dépouillées, classées… avec rigueur professionnelle.

286 réponses sur 650 questionnaires donnent un taux de 44%  de participation : ce qui est déjà un vrai succès et le succès n’est pas que dans les chiffres, mais aussi dans les richesses d’informations fournies par la somme de ces réponses.

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1 - DES  CONFIRMATIONS…

     Ce que disent les paroissiens de Saint Maurice-Saint Alban confirme des constats faits ailleurs sur le territoire de l’agglomération, par exemple :

     

    1.1. Les communautés paroissiales rassemblent des personnes plus âgées que la moyenne des habitants du quartier… les femmes y sont en majorité… les personnes de milieux socio-professionnels du haut de l’échelle s’expriment volontiers… les ouvriers ne s’expriment pas (alors que sur le quartier de St Maurice, ils représentent 15% de la population), constat susceptible de poser la question vitale pour la fidélité de l’Eglise à sa mission : « les pauvres sont-ils évangélisés ? ». Cf. Lc. 4, 18-19 ; Mt. 11,5.

    1.2. Comme celle de Saint Maurice-Saint Alban, les communautés actuelles essaient de rassembler des hommes et des femmes dont le parcours personnel respectif : familial, social, culturel, optionnel… peut être différent, voire opposé à celui du voisin, avec qui le « vivre ensemble » ne va pas nécessairement de soi, déjà dans la Cité. Pour le prêtre qui a charge pastorale de conduire la communauté, de « rassembler » des personnes ainsi marquées, relève du challenge. Qui s’en étonnerait ? Il en fut ainsi dès les débuts du christianisme. Cf. Ac. 15, 1-19 ; 1 Co. 1, 10-17 ; 11, 17-34.

    1.3. Les réponses confirment encore un phénomène aperçu ailleurs, d’une nette évolution de mentalité, même si, ici ou là, il y a encore des retards dont il serait pastoralement honnête d’analyser les causes et de les mettre au jour – d’une mentalité confortable du chrétien consommateur de liturgie et de paroisse – comme dans les décennies précédentes – à une mentalité d’acteur responsable de la vie de la Communauté qui se limite aux seuls espaces liturgiques…

     

    Ces trois exemples n’épuisent certainement pas la liste des réalités pastorales traitées dans les réponses à l’enquête « ensemble, une Eglise pour demain » qui se retrouvent ailleurs sur la table des réflexions de discernement pastoral d’autres paroisses et secteurs urbains. Ces réalités comportent des appels à la conversion et des propositions pour préparer demain.

     

    2 - APPELS A LA CONVERSION :

     

    Le terme « conversion » ne renvoie pas en l’occurrence à un combat spirituel pour assurer une meilleure gouvernance de sa propre vie personnelle, il renvoie à des changements opportuns des postures pastorales communautaires et, spécialement, dans la relation à Vatican II ; à la mission des laïcs et à la communication avec les hommes et femmes d’aujourd’hui.

     

    2.1.   La conversion à Vatican II.

    Avec le franc-parler qui caractérise l’ensemble des écritures-réponses au questionnaire, il est question de la fidélité ou de l’infidélité à l’Esprit et aux textes de Vatican II par exemple, un paroissien écrit : « l’Eglise institutionnelle ne semble t-elle pas, avoir tourné (ou un peu) le dos à Vatican II… »

     

    En d’autres termes, le Cardinal COTTIER, lié au Vatican, dénonce le colossal oubli de Vatican II… une perte massive de la mémoire . Cf. « Le concile de Vatican n’est pas terminé »  Le journal de La Croix du 20.05.10.

     

    De différents côtés des voix, aussi autorisées que celle du Cardinal romain, s’élèvent pour inviter à re-visiter le Concile. Il est encore très heureux qu’à ces premières voix, viennent s’ajouter d’autres voix, issues de laïcs, comme celle du paroissien de Saint Maurice qui l’a dite en répondant à l’enquête. VOX POPULI, VOX DEI.

    Les développements que l’Eglise en marche, guidée par l’Esprit-Saint, a approuvés et publiés, au terme du Concile ont maintenant besoin de l’assentiment de tous.

    Le prochain anniversaire, en 2012, de son ouverture au Vatican, à Rome, sera une occasion providentielle à saisir pour effectuer une « véritable conversion » pastorale aux textes conciliaires.

     

    2.2.   La conversion a donner aux laïcs la place qui doit être la leur.

    D’une manière massive, les assertions suivantes, proposées par le questionnaire, à savoir :

    « l’Eglise catholique est davantage  une institution pyramidale qu’une communauté de frères et de sœurs co-responsables de l’annonce de l’Evangile »  et « la compétence des laïcs n’est pas assez prise en compte » ;

    Ont reçu : la première 61% des suffrages d’approbation ; et, la seconde, 71%. Il est difficile de récuser les chiffres et le sérieux avec lequel les premiers intéressés se sont exprimés.

    La difficulté pratique à reconnaître aux chrétiens laïcs leur identité théologale et sacerdotale, exercée au sein de la Communauté chrétienne et dans le monde ne date certainement pas d’aujourd’hui. Il y aura bientôt 50 ans que le P. CONGAR o.p., théologien engagé dans la préparation du Concile, non seulement constatait que des prêtres ne croyaient pas assez à l’apostolat des laïcs, mais il essayait encore sans donner une raison : « si les prêtres ne croient pas assez à l’apostolat des laïcs c’est, sans doute, parce que d’abord ils ne croient pas assez à l’homme » cf. « les laïcs dans la vie de l’Eglise » Paris, 1963, p.131.

     

    Pour conclure ce point, quelques rappels opportuns de Vatican II :

    1) les baptisés participent, eux aussi à l’unique sacerdoce du Christ, cf. L.G. 9 et 10, avec appui sur He. 5, 15 ; 1 P. 2,  4 à 10 ; Ap. 1,6 ; 5, 9-10 ;  

    2) ils jouent un rôle propre  dans l’action liturgique, cf. L.G. 9, 11 ;  

    3) Ils consacrent le monde à Dieu, cf. L.G. 12, 34-35 ; G.S. 43/1 ; 

    4) ils sont habilités à prendre les décisions qui s’imposent dans leur milieu de vie, cf. G.S. 43/2 ;  1 P. 2,5 et L.G. 34.

    La reconnaissance de la dignité et de la mission du chrétien est une  des conditions certaine de bon fonctionnement des relations entre prêtres et laïcs.

    D’une autre façon toute aussi prégnante, le Pape Benoit XVI lui-même, confirme qu’il y a nécessité d’un changement de mentalité – de conversion – dans l’Eglise, « surtout à l’égard des laïcs pour promouvoir dans le respect des vocations et des rôles… la co-responsabilité de tous les membres du Peuple de Dieu ».  cf. Benoit XVI, en visite pastorale dans la paroisse Saint-Jean de la Croix, à Rome, le 7 mars 2010. cité par « Côté-Soleil » n° 170, juin 2010.

     

    2.3.   La conversion à un langage plus proche de celui des hommes et femmes de ce temps :

    Au temps du Saint Curé d’Ars, particulièrement honoré cette année, le problème de la communication entre lui, le pasteur et les fidèles, les habitants du village ne se posait pratiquement pas parce que l’un et les autres participaient tous à la même société, paysanne, rurale, encore marquée par les ressources d’un humus chrétien peu atteinte pour l’heure, par des médias extérieurs.

    Aujourd’hui, les paroissiens de Saint Maurice – Saint Alban sont à longueur de semaine, voire de journée, informés par plusieurs médias, reflets de la Cité humaine actuelle, incertaine. Le langage sociétal qu’ils diffusent et finissent par imposer « n’est plus le nôtre » écrit un paroissien. Il y a un vrai problème de communication que la politique de l’autruche ne saurait résoudre.

    Par ailleurs, la conviction est que « l’Eglise doit rester au cœur de ce monde et des hommes… s’adapter pour maintenir le chemin ».

    Si la Pastorale est aussi une discipline, ses agents évêques, prêtres, baptisés, doivent consentir à « se mettre assidûment à l’étude pour assumer leur responsabilité dans le dialogue avec le monde et les hommes de toutes opinions ». Cf. G.S. 43/5 .  Un exemple source :  Le nazaréen, fils de Joseph le charpentier a pris plusieurs décennies de sa vie d’insertion dans la vie économique, sociale, religieuse, politique… pour acquérir au fil des jours un langage humain capable de compréhension pour tous, à tel point que « jamais homme n’a parlé comme cet homme » selon l’expertise policière de ceux qui avaient été chargés de l’arrêter, cf. Jn. 7, 46. Bien plus, son langage de berger est devenu celui dans lequel les brebis se reconnaissent, vivent et avancent, cf. Jn. 10, 1-5.

     

    CONCLUSION

    La problématique de l’enquête « Ensemble, une Eglise pour demain » est d’abord paroissiale. Il serait opportun que d’autres communautés chrétiennes de la Cité entreprennent des enquêtes dont la problématique serait plus globale qui engloberait à la fois et l’inter-paroissial et la présence à la ville.


    Robert  Beauvery

    Publié dans Eglise

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