Où est la voix qui remettra l’homme sur ses pieds, méditant un avenir solidaire et fraternel et léguant la terre en bonne santé aux générations à venir ?
Je rédige ces lignes pour l'éditorial du prochain trimestriel de Confluences le jour de la fête de Saint Jean le baptiste, alors en mon imaginaire se dresse le prophète inouï qui obtient des pharisiens et scribes englués dans leurs lois et coutumes un complet retournement.
Jean le Baptiste au prise des pharisiens (Paolo Veronese)
Ils idolâtrent leurs convictions, considèrent comme intouchables leurs modes de vie et les voilà humblement prosternés (ce que cette peinture ne dit pas encore) devant Jean pour recevoir dans une symbolique immersion, le pardon de leurs erreurs, s’engageant à suivre les « consignes » de Jean :
Les foules demandaient alors à Jean :
« Que devons-nous donc faire ? » Il leur répondait : « Que celui qui a deux chemises partage avec celui qui n'en a pas ! Que celui qui a de la nourriture fasse de même ! » Des collecteurs d'impôts vinrent aussi se faire baptiser. Ils dirent à Jean : « Maître ! Que devons-nous donc faire ? » Il leur répondit : « N'exigez pas plus que ce que demande la loi! » Des soldats lui demandaient aussi : « Nous, que devons-nous faire ? » Jean leur répondit : « Ne faites ni violence ni tort à personne; contentez-vous de votre salaire ! »
S’il existait, le prophète du XXIe siècle pourrait dire :
« ne travaillez pas plus, car cette nuit même ta vie sur terre s’arrêtera ! »
Il dirait aussi :
« Vous entendez dire “relançons la croissance pour résoudre la crise“. Mais cela est une illusion. Car de croissance durable sur une terre limitée, il n‘y a point ».
Les hommes sont aveugles. De Rio à Tokyo en passant par Monaco, ils s’entêtent à maintenir des systèmes défunts. En conséquence, rien ne va plus. Les institutions sont noyées dans les lourdeurs bureaucratiques et, même le Vatican a ses fuites.
Où est-elle cette voix qui remettrait l’homme sur ses pieds, la tête humblement penchée dans une méditation d’un avenir solidaire et fraternel où la terre sera léguée en bonne santé aux générations à venir ?
J’ai bien aimé ce que Bernard Podvin a écrit dans la Croix de ce dimanche 24 juin : « Cette année 2012 nous marque à plusieurs titres. La crise planétaire a de quoi nous laisser sans voix. Nos réflexions sur la nouvelle évangélisation pourraient nous laisser succomber à la tentation orgueilleuse de “parler dans le vide”. Attention à ce piège du verbiage anesthésiant nos vides angoissés. L'Évangile n'est pas un pis-aller. Il est pour le salut de l'homme en son intégralité ! Je prie pour que nos langues se délient à bon escient. Je prie pour que Dieu seul soit celui qui les délie de toute crainte. La crédibilité du peuple de Dieu est dans sa pauvreté à consentir un prophétisme dont il n'est pas source, mais serviteur… Nous sommes des Zacharie. Notre tradition est riche. Mais nous butons sur sa transmission aux nouvelles générations. »
Cette voix prophétique n’est-elle pas ce que dégagent les pages de ce numéro de Confluences ? Attention au patrimoine. Attention à l’art contemporain. Attention à la rencontre de l’autre dans une agréable et studieuse détente, la force du loisir. Moins de biens pour plus de liens. Moins de labeurs (negotium –le négatif) pour plus loisir (otium, le positif) : lecture, écriture, création, art, dialogue, engagement civique, méditation, contemplation. Le léger poids du spirituel. Bref, tout le programme d’ « Ecout & voir » est contenu dans cette attitude humaine fondamentale.
Aujourd’hui, les voix des prophètes annoncent que le changement des modes de vie contemporaine est inéluctable. Gouvernements nationaux ou mondiaux vont légiférer dans des secteurs précis entraînant des bouleversements intimes. Tenons-nous prêts pour un juste discernement. Les expressions artistiques nous y aident. Sachons les entendre.