Préparation au mariage particulière et coûteuse

Publié le par Michel Durand

Avant la théologie, il y a la morale ou la spiritualité

Ce n’est pas la réflexion théologique qui est première, mais la sensibilité personnelle qui s’inscrit dans une spiritualité particulière. Autrement dit, existent d’abord ses propres désirs qui s’inscrivent dans un mode de vie précis, et ensuite une théorie que l’on va bâtir pour étayer ses convictions et engagements. C’est dans cette ligne que j’ai entendu dire que la théologie succède à la spiritualité. Cela donne des options pastorales adaptées aux sensibilités et éducations nécessairement typées.

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Comme l’art de vivre selon l’Évangile n’est pas obligatoirement en accord avec une morale particulière, déterminée par l’éducation d’un milieu précis de vie, il arrive que les maîtres spirituels invitent à quitter des habitudes trop marquées par son milieu de naissance. Antoine Chevrier parlait du renoncement à son propre esprit pour revêtir l’Esprit de Dieu. Il souffre de voir qu'au séminaire, pour former les prêtres on se croyait obligé de donner des manières et une mentalité bourgeoise à des jeunes d'origine populaire.

Ce préambule établi, je souhaite vous partager une rencontre pastorale qui m’a profondément marqué et attristé. Attristé parce que j’y ai vu l’imposition d’une morale pudibonde particulière plus qu’une vision d’Église. L’étude de ce qui est pratiqué se montre, comme nous le savons, révélatrice d’une conception théologique précise, laquelle dépend d’une morale, d’une spiritualité préalable.

Voilà le fait. Cela remonte à plus d’un mois.

Une jeune fille, très jeune et très belle à voir, très élégante dans ses vêtements, très sure d’elle-même, se présente à la permanence paroissiale en me disant qu’elle rencontre un problème dans la préparation de son mariage programmé en août 2011. Avant de lui répondre quoi que ce soit, je l’invite à me dire ce qu’elle souhaite pour que je la connaisse mieux et comprenne davantage sa demande. On aborderait ensuite son « problème ».

Elle a une formation chrétienne largement plus complète que la moyenne des candidats au mariage. Confirmée dans l’établissement scolaire qu’elle fréquentait adolescente, elle fréquente toujours un groupe de prière qualifiée de « prière de louange ». Je m’imaginais qu’elle appartenait au mouvement des communautés dites nouvelles du renouveau charismatique. Ce n’était pas le cas. Par contre, elle a participé avec son fiancé à des retraites à la Flatière. Je crois même qu’elle y a vécu seule des temps de prière, des récollections spirituelles.

Avec son ami, ils se sont fiancés depuis peu et veulent se marier. Ils ne vivent pas ensemble. Le garçon est dans un appartement entre Rhône et Saône ; la fille sur les pentes de la colline de la Croix-Rousse.

Fréquentant la paroisse du garçon, ils se sont adressés à un prêtre de cette paroisse pour la préparation du mariage qui sera célébré dans la maison familiale du garçon qui se trouve dans le sud de la France. Ils auraient pu se rendre dans la famille de la jeune fille, mais celle-ci se trouvant dans le nord, il est facile à comprendre que, point de vue climat, pour un mariage à la campagne, le sud est nettement moins aléatoire. Si je me rappelle bien, ils connaissent un prêtre, disons un ami de la famille, totalement disposé à célébrer ce mariage « au pays ». Mais, voilà, la préparation doit se faire à Lyon, dans la ville où habitent les fiancés.

Comme dans la paroisse où je suis curé, il n’y a pas (ou très peu) de mariage, donc pas de groupe de mariage, je n’ai pu pour les inviter à une préparation que leur proposer des rencontres individuelles tout en leur indiquant, en plus, les propositions du CPM et des Jésuites, le Châtelard.

Par ailleurs, vu leur parcours religieux selon une morale très catholique, je les voyais mal en groupe avec les parents de plus de trente ans, ceux que je rencontre habituellement, qui à la suite de la préparation du baptême du petit envisagent, éventuellement, de recevoir le sacrement de mariage.

Vous comprenez très bien que, tout en les écoutant, j’avais sans cesse en moi cette question :  « pourquoi venir ici, après avoir été dans une autre paroisse  ? » Je m’imagine cette jeune fille directement sortie d’un rallye dûment organisé par des parents de bonne famille pour que leurs jeunes se rencontrent ; des jeunes qui ont « tout fait » dans le domaine du catholicisme, donc qui seraient tout de suite aptes au mariage catholique. Ils ne pourraient que répondre avec une belle spontanéité à la question du pourquoi ils souhaitent recevoir le sacrement du mariage que je pose habituellement.

Or, elle et son fiancé, qui ne vivent pas ensemble (quoique les fins de semaines…), rencontrent un problème dans la préparation de leur mariage. La jeune fille se voit obligée de s’adresser à la paroisse voisine qui est en fait, la paroisse où elle aurait dû s’adresser en premier puisque c’est celle de son domicile. Selon la tradition, le mariage se fait dans la paroisse du domicile de la jeune fille, à défaut du domicile de ses parents. Passons.

Je n’ai pas eu à poser la question. Dans le climat du dialogue entrepris, l’explication est venue de suite. Voilà. Dans la paroisse du fiancé où ils se sont adressés en premier, il faut absolument faire une préparation au mariage avec les structures mises en place sur cette paroisse. Or, ces jeunes fiancés se sont présentés trop tard. Les sessions proposées sont déjà complètes. Mais, dit le prêtre, cela ne pas de problème majeur. En effet, en Charente maritime, avant l’été, il y a une session organisée par le Chemin Neuf qui peut encore les recevoir. Il suffit de s’y rendre. À la suite de quoi, il sera possible de remplir et de signer le dossier administratif.

Or, les jeunes ne veulent pas aller si loin. Cela leur coûtera trop cher et il faudra beaucoup de temps libre. Quand ils demandent s’il est possible de suivre un week-end chez les jésuites du Châtelard, proche de Lyon (ils connaissaient), on leur répond qu’il n’y a plus de week-end disponible. Donc les voilà dans l’impasse ; ce prêtre n’assumera le dossier administratif que s’ils se rendent en Charente Maritime dans une session organisée selon leur pédagogie charismatique.

Et  la jeune fille de conclure : « Je viens auprès de vous, car nous avons besoin qu’un prêtre nous accompagne pour remplir notre dossier de préparation au mariage, le prêtre ne veut signer le dossier que si nous allons là-bas. »

Il est vraisemblable que les mots employés ne soient pas exactement ceux-là. C’est ce que la jeune fille a retenu.

Au final, cette rencontre pastorale m’invite à poser la question de la dimension universelle de l’Église. Dans le cas présenté, le sacrement ne peut être donné que sous la condition que les candidats à les recevoir (les fidèles) passent par les exigences d’un groupe spirituel particulier où l’autorité cléricale s’impose absolument.


Publié dans Témoignage

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