REGARD D'ENFANTS
Denise Bergeron, RESF, dédie ce texte à Guillherme Hauka Azanga et à sa famille qui a grand besoin du soutien le plus large possible.
Pour tous les enfants qui vivent l'horreur sans avoir la parole !
Au centre de rétention
Ses grands yeux noirs me regardent fixement
mais il ne dit rien ;
Puis d'un coup il questionne : maman elle va pas revenir ?
L'angoisse qui l'étreint envahit l'espace.
Je rassure : maman va revenir ce n'est qu'une question de jours.
Et cette fois c'est vrai !
Maman est partie, pour obéir aux exigences de la préfecture,
faire refaire en Albanie le passeport qu'on lui a volé.
Qu'importe au préfet l'angoisse d'un enfant.
Mais aussitôt ses yeux m'en rappellent d'autres !
Ceux d'une petite fille aux yeux bleus qui crie « police ! caché ! » au beau
milieu de son jeu parce qu'une sirène a retenti dans la rue à côté.
Non elle ne vient pas d'un pays en guerre !
Elle a juste vu son père embarqué par la police française devant ses yeux
et, depuis, il n'est pas revenu.
Elle l'attend, elle hurle et pleure dès qu'elle le voit sur internet.
Mais j'ai aussi dans la tête le regard tellement trop sérieux
d'un petit bonhomme noir de 4 ans lui aussi.
La police lui a pris son papa alors que sa maman est malade et ne peut pas s'occuper seule de lui et de ses trois frères et sœurs.
Pourtant ils étaient bien ensemble.
Papa a plein d'amis ici, du travail ;
lui est né ici comme ses frères et sœurs ;
Il a entendu parler de papiers que maman aurait et pas papa .
Mais il ne comprend pas.
M. le préfet allez vous venir les regarder en face ces enfants
et leur expliquer vos bonnes raisons ?
Mais vous ne regardez même pas en face
ceux qui tentent de vous interpeller
de vous expliquer ; alors des enfants !
Les regards d'enfants vous sont inaccessibles !
A nous qui tentons de nous mettre à leur hauteur,
ils nous disent : ne nous laissez pas,
vous êtes notre dernier rempart contre la folie,
le dernier muret sur lequel nous appuyer
pour construire notre avenir et celui du monde.
Il dépend de chacun de nous que ce muret devienne un mur
et que s'y brisent enfin les armes de la haine,
du racisme du rejet de l'autre.
Il nous faut beaucoup de mains pour porter ces regards d'enfants,
Nous n'avons pas le droit de laisser faire ni de nous habituer.