L’expérience montre que le sentiment de révolte n’est pas assez grand pour qu’une opposition se dresse efficacement contre les Oligarchies
Assurément parce que je n’ai pas assez de connaissance précise sur les réalités économiques, politiques (ou autres) actuelles, je demeure rempli d’admiration devant le travail de l’écrivain qui donne à lire des synthèses concises et précises, bien documentées sur un problème déterminé. En une cent cinquantaines de pages avoir un profil complet d’une situation précise permet de tracer un rapide tableau qui invite à une prise de décision. Beau travail de journaliste qui sait prendre de la distance face à l’évènementiel.
Le lecteur, en effet, peut à son tour rédiger une nouvelle synthèse en fonction de ces choix personnels et collectifs et s’engager, en dialogue avec d‘autres, dans une action de transformation de l’inacceptable. Pour lutter contre le fatalisme ambiant entretenu par un individualisme propre au libéralisme, il convient d’en connaître le visage.
C’est ce que nous offre la lecture des textes de Hervé Kempf. D’où ma satisfaction et mon intérêt dans la plongée que je fis récemment dans l’oligarchie ça suffit, vive la démocratie et Fin de l’occident, naissance du monde.
Des choses y sont dites que je connaissais déjà. Je pourrais même ressentir une certaine lassitude d’être devant des descriptions de situations évidemment inacceptables. Mais, les avoir ainsi rassemblées en quelques pages et organisées selon leurs caractéristiques affermit la pensée et donne de la clarté, sinon dans une action éventuelle ou immédiate, au moins dans un diagnostique.
Seulement un diagnostic, une claire vision de la situation ?
Pourquoi, soudain ce pessimisme alors que je souhaiterais tant voir le monde s’améliorer ? Tout simplement parce que l’expérience montre que le sentiment de révolte n’est pas encore assez grand en Occident pour qu’une opposition se dresse efficacement contre les Oligarchies. Hollande après Sarkozy aurait pu nous donner du courage. Tel n’est pas le cas. Même l’Institution Eglise qui a dans son enseignement évangélique tous les arguments propices à une conversion, qui possède, grâce à la force de la prière de ses membres et de l’action de L’Esprit Saint, du dynamisme et de l’audace, à cause de ses problèmes structurels d’argent, n’ose pas engager une opération claire par crainte de perdre de riches donateurs, membres du club des puissants du monde économique. En quête de mécènes pour ses œuvres, en vue de perfectionner ses entrées financières elle s’entoure de conseillers et d’avocats des affaires qui ne peuvent en même temps quémander des ressources et mettre le doigt sur les diverses dominations injustes d’éventuels donateurs. Il me semble que ce j’écris ici explique pourquoi les médias chrétiens donnent peu, ou pas, ou pas assez la parole à des journalistes qui disent sans l’enrober l’inacceptable des positions économiques mettant en danger et l’Homme et la Nature. Ces situations injustes n’existent pas à l’état pur dans les cités où vivent les hommes. Elles sont portées et entretenues par des groupes qui se maintiennent au pouvoir – même un petit pouvoir dans une petite commune – et qu’il faudrait avoir le courage de regarder en face.
Tout montre encore que nous ne sommes pas prêts à engager des changements profonds. Selon H. Kempf, « l’évidence de l’inégalité planétaire finit par s’imposer au regard de tous, et les habitants des sociétés occidentales, même grugés par l’oligarchie, se savent des privilégiés, ce qui crée une solidarité paradoxale avec la classe dirigeante qui profite cyniquement de la fragilité générale » (L’oligarchie ça suffit, vive la démocratie, p. 113).
Or c’est effectivement là que devrait agir la force de l’Évangile. Chrétiens nous devrions saisir l’urgence de la situation largement mise en évidence par les objecteurs de croissance, et comprendre, d’une part que Dieu songe à la protection des plus pauvres de la Terre, d’autre part que la solidarité que nous ne souhaitons pas ébranler existe effectivement, mais seulement à l’intérieur et en faveur du groupe des plus riches. Un tout petit nombre dont la grande majorité des peuples sont exclus. On devrait relire Isaïe 5, 8 ; 20 : « Malheur à ceux qui ajoutent maison à maison, qui joignent champ à champ jusqu’à ne plus laisser de place et rester seuls habitants au milieu du pays.
Malheurs à ceux qui appellent le mal bien et le bien mal, qui font des ténèbres la lumière et de la lumière les ténèbres ».
Les écologistes indiquent, rappelle H. Kempf, que « la crise écologique est d’une gravité telle qu’il faut prendre des mesures radicales pour la prévenir. Mais les citoyens d’aujourd’hui refusent de changer leur mode de vie destructeur. Dès lors, les dirigeants qu’ils élisent ne prennent pas les mesures qui s’imposent. La démocratie est défaillante. Ce raisonnement renforce involontairement les tendances autoritaires du capitalisme » (L’oligarchie ça suffit, vive la démocratie, p. 29). L’engagement du groupe Chrétiens et pic de pétrole se situe sur ce chantier avec le colloque de novembre 2014 en bonne voie de préparation. Voir son site.
J’encense H. Kempf ? Ses livres ont du succès, alors je me laisse tromper par la publicité dont il bénéficie. J’avoue que cela demeure possible. Un esprit plus critique que le mien, d’avantage connaisseur des complexes réalités économico-politiques pourra avoir un regard moins docile. Il trouvera à redire sur certaines analyses. Je le concède. Cela n’empêche pas que, notamment avec l’appareil des références qui permet de prolonger l’enquête, on a un bon outil de travail.