La Passion du Christ et la Pâque permettent à Manessier de retrouver les traces du chemin initiatique qui va des ténèbres à la Lumière

Publié le par Michel Durand

La Passion du Christ et la Pâque permettent à Manessier de retrouver les traces du chemin initiatique qui va des ténèbres à la Lumière
La Passion du Christ et la Pâque permettent à Manessier de retrouver les traces du chemin initiatique qui va des ténèbres à la Lumière

Hugues Rousset, de Lyon – arts, cultures et foi communique :

Voici une invitation à vous rendre au Musée d’art religieux de Fourvière, pour voir l’exposition de deux séries de Lithographies d’Alfred Manessier (1949, 1978) inspirées par la fête de Pâques.

Quelques notes sur Alfred Manessier - Pâques et la lumière.

Alfred Manessier (1911-1993) s’inscrit dans l’histoire de la peinture par son appartenance à l’« Envolée Lyrique » des années 50 qui caractérise la peinture non-figurative, informelle ; abstraction « chaude », qui caractérise le mouvement auquel il appartient avec, à l’Ecole de Bissière, d’autres grands peintres : Le Moal, Bazaine, Ubac, Estéve…

A la rigueur de l’abstraction géométrique (abstraction « froide ») portée par exemple par Pietr Mondrian, il exprime son « être au monde », dont il tente de saisir le surgissement informel, non pas pour le maitriser, (comme les cubistes par exemple), pour le reproduire (peinture figurative), mais pour dans un va et vient entre extérieur et intérieur en saisir les correspondances intimes, les rythmes et la musique, comme le compositeur avec des notes ou le poète avec des mots. Le jeu des couleurs traversées par la Lumière, qui émerge du noir qui, en surplomb de ses compositions, exprime ainsi l’Espérance, face à un monde où d’autres (poètes, artistes plasticiens, philosophes…), au lendemain de la guerre, en sont restés à l’expérience d’un univers dépourvu de sens, les assigne au néant et au choix de l’absurde et de la dérision.

La Passion du Christ et la Pâques permettent à Manessier de retrouver les traces de ce chemin initiatique qui va des ténèbres à la Lumière.

Cela n’est possible qu’après, le bonheur d’une enfance dans la Baie de Somme, (où il perçoit la circulation de la Lumière, qui conditionne l’ouverture au monde de l’Invisible que la peinture rendra Visible), une expérience fondatrice de la Foi à la Trappe à 22 ans, et un travail acharné tout au long de sa vie pour nourrir une palette exceptionnelle.

Et pour revenir à Pâques et vous engager à voir cette exposition :
1943, Soligny, avec Camille Bourniquel, à la Trappe, il assiste de la tribune au Salve Regina, dans l’obscurité totale de la chapelle trouée par la lumière du Saint-Sacrement. Tu ne me chercherais pas si tu ne m’avais pas trouvé. Plus d'info sur Manessier et l'art sacré dans l'art contemporain ; voir aussi ici.

A mettre en résonance avec Pâques, passage des ténèbres à la lumière, ce qu’exprime ce poème de saint Jean de la Croix, La nuit obscure.

Ah, je sais la fontaine qui coule et bruit,
Encore que ce soit de nuit.

Son origine ne la sais, n’en a point,
Mais sais que d’elle toute origine vient,
Encore que ce soit de nuit.

Je sais qu’il ne peut être chose si belle
Et que les cieux et la terre boivent en elle,
Encore que ce soit de nuit.
Sa clarté au grand jamais n’est obscurcie,
Et sais d’elle toute lumière sortie,
Encore que ce soit de nuit.

Je sais tant abondants être ses courants,
Qu’enfers, cieux et peuples vont irriguant,

Encore que ce soit de nuit.

Bien sais qu’en elle on ne saurait trouver pied,
Et que nul ne pourrait la passer à gué,
Encore que ce soit de nuit.

Or le courant qui naît de cette fontaine
Bien sais qu’il est aussi puissant qu’elle entraine
Encore que ce soit de nuit.

Là, elle appelle les créatures
Qui de cette eau s’abreuvent, encore qu’à l’obscur,

Parce que c’est bien la nuit.

 

Entretiens de Manessier avec Jean Clay, 1962

Je commence à peindre quand je ressens une coïncidence très étroite entre le spectacle que j’ai sous les yeux et mon état intérieur. J’oscille continuellement du monde intérieur au monde extérieur. Je dois m’épauler au réel, lire dans la lumière, les chants, les arbres, les pierres, cette Joie, cet amour qui m’habitent. Du même coup, le monde prend son sens. Puisqu’il y a harmonie entre l’interne et l’externe, c’est la preuve que des lois nous dépassent et nous englobent.

Je guette, j’attends à l’affût comme un chasseur. Je mets un peu de peinture ici… ou bien là… je tâtonne, je cherche des coïncidences des rapports entre les formes et les couleurs… et puis, brusquement quelque chose se lève devant moi… je le sens très fort… le dialogue s’est noué… je n’ai plus qu’à suivre… c’est tellement rapide… Alors la toile commence à vivre… On se parle… je ne suis plus seul. Je suis dans ma vérité de peinture… Parfois vous perdez la piste… C’est cela, on commence à souffrir. Cette liberté qu’on avait acquise, cette aisance, cette course en avant, çà s’épuise. L’ouverture est devenue impasse. Vous êtes dans un piège. Angoisse : plusieurs fois dans ma vie, je me suis dit : c’est fini. Spirituellement, l’œuvre d’un artiste se développe sur toute une existence, comme une plante.

Je suis là. Je piétine, et puis, j’ai un choc, un paysage, des fleurs, une pierre que j’ai ramassé, et qui coïncide en moi avec quelque chose, et c’est reparti.

C’est chaque fois pareil, chaque toile est une mort et une résurrection.

Pâques, coïncide au printemps, avec la renaissance de la terre, un sentiment d’exaltation religieuse trouve sa correspondance dans le spectacle verdoyant de la nature qui s’éveille. Qui ressuscite. Voilà le nœud de ma peinture.

Jusque sur la Croix, l’angoisse du Christ n’a pas cessé. La Nuit des Oliviers est une nuit d’angoisse. « Et sa sueur devint comme du sang qui tombait jusqu’à terre »… Le christianisme a donné sens à cette angoisse.

Je veux garder en moi une tension, car je veux exprimer à la fois la frénésie de mon siècle et la lumière d’espérance dont je me sais porteur.

1949-1978 : C’est une symphonie que j’ai voulu écrire ici, la Symphonie de Pâques, avec la vie, la mort, la résurrection, la joie de Pâques.

Alleluiah les derniers mots d’Abbeville.

 

 

Publié dans Art

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J
Cher Michel, <br /> Alfred Manessier est pour moi un ami - un peu intimidant, qui sait - mais tellement proche, tellement 'accompagnant', et finalement tellement aimant, oui. Il est le peintre - avec bien d'autres encore - de la 'Traversée', et, en bon maître de navire, il nous entraîne avec lui, aimablement : il nous ouvre ainsi le large horizon qui fait que nous devenions nous-même, pleinement, à la plus haute note chantée, et lumineuse - en Christ.<br /> Très bon dimanche à toi, Michel ; très belle Semaine Sainte.<br /> Avec toutes mes amitiés, ainsi qu'à tous tes amis.<br /> Jean-Marie Delthil.
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M
Très bonne semaine à toi Jean-Marie. Bravo pour toutes tes photos.