L’écologie radicale est d’une urgente nécessité. De même la pratique radicale de l’Évangile, l’accueil radical du migrant
L’usage du mot “radical” se multiplie. Il me semble que, de plus en plus, on l’emploie en le détournant de son véritable sens. Pour moi, radical est ce qui s’apparente à la racine. Est radicale, la réalité qui se rapproche au plus près de son origine. Donc de sa vérité. Conviendrait alors l’expression de fondamental. Est radical, celui assume le fondement de son être.
Acceptant pour qualifier mon mode d’être le fait d’être radical, je suis pourtant dérangé par les expressions, fondamentalisme et radicalisme. En effet, je me trouve devant des expressions qui, au lieu de s’attacher à la réalité vivante d’une philosophie, d’un attachement à un maître spirituel, décrivent l’adhésion à une doctrine.
En littérature, il est usuel, me semble-t-il, de faire la distinction entre la lettre et l’esprit. Ce qui compte dans un texte, ce n’est pas les mots qui sont écrits (bien que ceux-ci soient indispensables), mais l’idée, la philosophie, l’art de vivre qui s’en dégage. La perception de l’esprit d’une Révélation écrite demande que l’on sache lire, d’une certaine façon, entre les lignes. Je note que cela est plus aisé avec un texte relevant du genre de la parabole qu’avec une description qui se veut historique. Ainsi, dés le moment où j’ai pleinement pris conscience de la volonté de l’Israël actuel de n’avoir qu’une seule nation du Jourdain à la Méditerranée, la déclaration biblique prononcée avec une conviction religieuse me trouble : « lève-toi, passe le Jourdain que voici, toi avec tout ce peuple, vers le pays que je donne aux fils d’Israël. Tous les lieux que foulera la plante de vos pieds, je vous les ai donnés, comme je l’ai dit à Moïse ; votre territoire s’étendra depuis le désert et le Liban que voici jusqu’au Grand fleuve, l’Euphrate, tout le pays des Hittites, jusqu’à la Méditerranée, au soleil couchant » (Josué 1, 1). La Terre promise !
Cette parole de Dieu doit-elle être prise à la lettre ou devons-nous en comprendre l’esprit alors que nous savons que Dieu est l’unique Père de tous les humains habitants la terre ? Autrement dit, pour moi, revenir à la racine de l’histoire biblique, c’est communier à l’amour universel que le Créateur exprime au travers des diverses péripéties connues par celles et ceux qui sont en contact avec lui, contact spirituel, mystique.
Je veux bien parler de radicalisme, d’engagement radical, mais pas dans une perception matérialiste, chosiste de l’expression littéraire de la pensée humaine et/ou divine.
Quand on parle des « jeunes qui se radicalisent », notamment dans les prisons, ou sur le web, je pense qu’il serait préférable d’employer un autre mot. En effet, s’ils recherchent un manque à combler, ils ne rejoignent pas la racine d’une révélation. Farhad Khosrokhavar écrit : « Chez les jeunes désaffiliés, le moteur est surtout la transcription de leur haine de la société dans une religiosité qui leur donne le sentiment d’exister et d’inverser les rôles. D’insignifiants, ils deviennent des héros. De jugés et condamnés par la justice, ils deviennent juges d’une société qu’ils qualifient d’hérétique et d’impie. D’individus inspirant le mépris, ils deviennent des êtres violents qui inspirent la peur. D’inconnus, ils deviennent des vedettes… » Si effectivement, ils atteignaient la racine d’une motivation religieuse, alors cette religion serait à combattre, car contre l’humanité en générale. Dieu n’est créateur que d’une humanité universelle, une mondiale fraternité. En ce sens, je pense également que l’expression « extrémisme » n’est pas adéquate. Si l’appel à tuer est l’extrême d’une attitude religieuse, l’appel est présent dans cette révélation. Il est actif dans sa racine. Alors, cette religion n’est pas humainement acceptable ; l’hérault et héros est celui qui radicalement répond à l’appel reçu, tuer.
Distinguer l’esprit de la lettre est indispensable.
Ceci fait, je revendique l’usage du mot radical dans tous les domaines de nos existences. En ce XXIe siècle, l’écologie radicale est d’une urgente nécessité. De même la pratique radicale de l’Évangile. Écrivant cela je repense aux paroles de François, en Corée ; le chrétien est un disciple qui ne craint pas de suivre radicalement son maître, Jésus-Christ : « Quelque temps après que les premières semences de la foi aient été plantées en cette terre, les martyrs et la communauté chrétienne ont dû choisir entre suivre Jésus ou le monde. Ils avaient entendu l’avertissement du Seigneur, que le monde les haïrait à cause de lui (Jn 17, 14) ; ils savaient le prix d’être disciples. Pour beaucoup cela a signifié la persécution et, plus tard, la fuite dans les montagnes, où ils formèrent des villages catholiques. Ils étaient prêts à de grands sacrifices et à se laisser dépouiller de tout ce qui pouvait les éloigner du Christ : les biens et la terre, le prestige et l’honneur, puisqu’ils savaient que seul le Christ était leur vrai trésor. Aujourd’hui, très souvent, nous faisons l’expérience que notre foi est mise à l’épreuve du monde, et, de multiples manières, il nous est demandé de faire des compromis sur la foi, de diluer les exigences radicales de l’Évangile et de nous conformer à l’esprit du temps. Et cependant les martyrs nous rappellent de mettre le Christ au-dessus de tout, et de voir tout le reste en ce monde en relation avec lui et avec son Royaume éternel. Ils nous provoquent à nous demander s’il y a quelque chose pour laquelle nous serions prêts à mourir. »
Pour vivre la radicalité évangélique, comment le journaliste de La Vie : « le pape souligne qu'il faut marcher sur une ligne de crête : « Jésus demande au Père de nous consacrer dans la vérité et de nous garder du monde. Avant tout, il est significatif que, alors que Jésus demande au Père de nous consacrer et de nous garder, il ne lui demande pas de nous retirer du monde. Nous savons qu’il envoie ses disciples pour qu’ils soient un levain de sainteté et de vérité dans le monde : le sel de la terre, la lumière du monde ».
Etre radical, c’est n’accepter aucun compromis sur la foi ; cet esprit de foi que, croyant, nous dégageons de la lettre d’un texte révélé, agissant au maximum possible pour ne pas diluer les exigences radicales de l'Évangile, sans se retirer du monde. Le christianisme radical, jamais ne sera tiède ; il acceptera vivre la tension existentielle du chrétien : être de son temps sans être du monde. « Aimer passionnément la vie mais accepter, s'il le faut, de mourir pour l'Évangile ».
Agissant ainsi, les chrétiens arriverons à sortir de leur impasse les gouvernants qui mènent actuellement l’humanité droit dans le mur dans tous les secteurs.
Qu’en dites-vous ? Je garde en tête cette méditation toute cette semaine et surtout ce mercredi, au moment de tenir, exceptionnellement, le cercle de silence mensuel devant la préfecture.