La joie de tous les pauvres gens qui se sentent reconnus par cette rencontre
Le pape François et Mgr Jacques Gaillot au Vatican, mardi 1er septembre 2015. Photo prise avec le portable du P. Daniel Duigou. Daniel Duigou à Skoura
Pour avoir rencontré Jacques Gaillot et Daniel Duigou, je me suis vu très ému en lisant dans La Croix, le récit de leur visite à François dans la maison vaticane Sainte-Marthe. Aussi, je ressens le besoin de déposer ici, ci-dessous, l’article de Anne-Bénédicte HOFFNER, après celui de Sébastien Maillard
J’ai dialogué avec Jacques Gallot au cours d’une retraite donnée au monastère cistercien d’Aiguebelle. Daniel Duigou, ordonné prêtre par Mgr Gaillot (si mon souvenir est juste), je l’ai vu dans son « ermitage » marocain, comme j’en parle sur en manque d’Eglise.
Un dimanche après l’office eucharistique, des fidèles du Christ vivant à Paris, pendant le rituel apéritif, sont venus me dire combien l’ambiance de la communauté leur faisait penser à Saint-Merri. Daniel Duigou est actuellement présent en cette communauté très ouverte au monde artistique. Bref, malgré les différences, je me sens très proche d’eux. Pour plus d’informations, je vous invite à aller voir leur site.
L’ancien évêque d’Évreux, Mgr Jacques Gaillot, se dit ému de sa discussion à bâtons rompus au Vatican, mardi 1er septembre, avec un pape « très à l’écoute »
LE PAPE EST ENTRÉ AVEC UNE LARGE AVANCE
Au lendemain de sa rencontre, mardi 1er septembre après-midi, au Vatican avec le pape François, Mgr Jacques Gaillot était encore « sous le charme ». Accompagné du P. Daniel Duigou, curé de la paroisse Saint-Merri, à Paris, il a raconté à La Croix cette rencontre dont le pape avait d’emblée donné le ton, dès sa lettre manuscrite du 13 août. Il donnait alors à son « bien cher frère » un rendez-vous à Sainte-Marthe, sa résidence vaticane. « Est-ce que pour vous tout va bien ? », l’interrogeait-il au sujet de la date et de l’heure proposées, s’excusant de son français hésitant en bas d’une carte signée « Fraternellement, François ».
« Nous sommes frères », a confirmé Jorge Bergoglio, alors qu’il prenait un fauteuil dans la salle d’attente de la maison Sainte-Marthe où venaient d’arriver Mgr Gaillot et le P. Duigou. Seul, sans se faire annoncer, le pape est entré avec une large avance. L’ancien évêque d’Évreux lui fait alors part de « la joie de tous les pauvres gens qui se sentent reconnus par cette rencontre » : « Vous êtes un cadeau de Dieu pour le monde », lance-t-il à François. « Vous êtes évêque de Partenia, depuis 20 ans », remarque le pape, comme étonné.
Mgr Gaillot ne s’était pas retrouvé au Vatican depuis une audience avec Jean-Paul II, en janvier 1996, à la suite de son renvoi forcé d’Évreux. Mais du passé, il n’en fut pas question. « Le pape s’est intéressé au présent, à ce que représente Mgr Gaillot aujourd’hui auprès des exclus, des migrants. Il l’a encouragé dans sa mission », a retenu le P. Duigou, surpris d’être admis à cette rencontre.
À UN VOYAGE EN FRANCE, LE PAPE PRIVILÉGIE LES BALKANS
Le curé de Saint-Merri a expliqué les spécificités de sa paroisse devant un pape, « très à l’écoute » et qui a rappelé qu’il se sentait « d’abord prêtre ». À aucun moment, Mgr Gaillot ne s’est senti « jugé ou bloqué ». L’évêque français a évoqué qu’il lui arrivait de bénir des couples de divorcés et parfois homosexuels. « La bénédiction, c’est Dieu qui est bon pour tout le monde », lui a répondu le pape. S’il leur a confié avoir « beaucoup de travail », le chef de l’Église catholique n’a pas épargné son temps, dont Mgr Gaillot l’a prévenu à plusieurs reprises ne pas vouloir abuser : « Il avait l’air à l’aise, heureux, comme un temps de récréation ».
Une détente de plus de 45 minutes, sans requête ni enjeu. « Je n’avais rien à lui demander », assure l’évêque. Sauf de s’enquérir s’il viendrait en France. Le pape François leur a répondu privilégier « les petits pays, qui ont des difficultés », évoquant un autre déplacement possible dans les Balkans.
La conversation s’est poursuivie à bâtons rompus avec « ce pape avec qui on oublie d’être avec le pape », selon une expression d’un cardinal français. C’est la même impression que décrivent Mgr Gaillot et le P. Duigou. Ce pape à la simplicité confondante a demandé à ses hôtes, à l’issue de la rencontre, s’ils étaient venus avec un photographe. Devant la réponse négative, il est sorti, seul, voir s’il ne s’en trouvait pas un présent à Sainte-Marthe. Revenu bredouille, les trois se sont débrouillés avec le portable du P. Duigou, qui a fixé de son mieux l’événement.
Ancien évêque d'Évreux, démis de sa charge en 1995 pour non-respect de son « ministère d'unité », Mgr Jacques Gaillot doit s'entretenir cet après-midi avec le pape François. Il lui avait écrit en novembre 2014 pour lui dire sa « reconnaissance ».
Mgr Jacques Gaillot, démis de sa charge d'évêque d'Évreux en 1995 et, depuis, évêque de Partenia (Mauritanie), doit s'entretenir avec le pape aujourd'hui à 16 heures. « Il s'agira de la rencontre personnelle entre deux hommes, proches par leur sensibilité et leur engagement au service des pauvres », indique le P. Daniel Duigou, qui a pris en charge la communication de l'événement.
Mgr Gaillot, qui aura 80 ans le 11 septembre, avait adressé une « lettre de soutien » au pape François en novembre 2014. Il lui disait sa « reconnaissance pour tous les efforts que vous faites afin que l'Église catholique rencontre son temps, (…) pour ouvrir des portes aux familles de nos sociétés modernes: familles divorcées, sans enfants, monoparentales, recomposées, de même sexe… » Il jugeait toutefois « décevant » le texte adopté après la première phase du Synode sur la famille.
Après avoir sondé son entourage, le pape François a décidé de répondre à l'ancien évêque d'Évreux. Il lui a d'abord téléphoné, puis lui a adressé un courrier écrit de sa main, l'invitant à venir le rencontrer à Rome. Le rendez-vous a été pris pour le 1er septembre. La durée et le contenu de la rencontre sont inconnus à ce stade. Seule certitude, Mgr Gaillot s'est refusé à toute déclaration publique avant.
Ordonné en mars 1961 pour le diocèse de Langres (Haute-Marne) après avoir effectué son service militaire en Algérie, Mgr Jacques Gaillot s'était d'abord vu confier plusieurs responsabilités pastorales au séminaire de Reims, à Saint-Dizier puis dans le diocèse de Langres, avant d'être nommé évêque d'Évreux en 1982.
Très vite, le jeune évêque se fait remarquer par une série de prises de position personnelles: en faveur d'un jeune objecteur de conscience poursuivi devant le tribunal d'Évreux en 1983; contre le texte de l'épiscopat sur la dissuasion nucléaire la même année; pour le soulèvement palestinien des territoires occupés en 1985; pour l'ordination d'hommes mariés en 1988, etc.
En raison de ces engagements politiques et de sa forte présence dans les médias, il se voit reprocher de fréquentes absences de son diocèse. Mgr Joseph Duval, président de la Conférence des évêques de France (CEF), et le cardinal Albert Decourtray, tentent à plusieurs reprises de l'alerter et de « lui rappeler ses devoirs d'évêque catholique ». Finalement, le 13 janvier 1995 – en l'absence de Jean-Paul II à Rome, notent ses proches –, la décision de la Congrégation pour les évêques tombe: Mgr Jacques Gaillot devient évêque titulaire de Partenia, en Mauritanie, un siège auquel n'est plus attachée aucune responsabilité concrète depuis des siècles.
Dans l'opinion, Mgr Gaillot demeura longtemps « l'évêque des pauvres ». Logé d'abord dans un squat puis chez les spiritains dans le 5e arrondissement de Paris, dont il partage la vie communautaire et de prière, il continue à œuvrer auprès des sans-papiers et des mal-logés. Le site Web partenia.org lui permet de maintenir le lien avec ses amis. En décembre 1995, il est reçu par Jean-Paul II à Rome: une rencontre interprétée par son entourage comme le signe que le pape « n'y était pour rien ».
En mai 2000, à l'occasion de l'année du Jubilé, Mgr Louis-Marie Billé, président de la Conférence des évêques de France et archevêque de Lyon, prend l'initiative de l'inviter à Lyon pour une rencontre œcuménique. Dans une lettre, il lui écrit qu'il reste « bien notre frère dans l'épiscopat ». De son côté, l'ancien évêque d'Évreux, parce qu'il n'est pas invité aux Assemblées plénières à Lourdes, a toujours le sentiment d'être « au ban » de la CEF.
Sur son site Internet, mis à jour cet été, Mgr Gaillot indique qu'à bientôt 80 ans, il compte désormais « laisser maintenant davantage la place au silence et à la prière ». Mais vendredi 28 août, le journal Le Parisien rapportait encore sa venue à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), en soutien à une famille rom expulsée d'un camp d'insertion et qui, depuis, campe devant la mairie. « Quand on lutte ensemble, on gagne toujours », leur a-t-il lancé.