Le jardin partagé : au service d’un "royaume durable"

Publié le par Michel Durand

jardins partagés dans Lyon 8ème
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Un texte de Régis, publié dans la revue du Prado Quelqu'un parmi nous, N° 224, p.25

Depuis quelques années, je participe, aux côtés d'autres jardiniers, à la vie et au développement d'un jardin partagé associatif dans une commune de l'agglomération lyonnaise. Ce jardin comprend 18 parcelles individuelles, plusieurs parcelles collectives et une parcelle pédagogique utilisée par les centres de loisirs des centres sociaux. Il est situé en contrebas d'un petit quartier classé "politique de la ville" il y a encore peu de temps, mais toujours en "vigilance" pour l'État et la commune.

Le jardin partagé est bien évidemment un espace privilégié pour l'apprentissage du respect de l'environnement. La charte et l'esprit qui animent notre jardin associatif reposent sur une culture naturelle. Pour l'arrosage, l'eau de pluie est préférée à l'eau du réseau urbain. L'amendement de la terre et le traitement contre les parasites sont réalisés avec des méthodes naturelles (compost, purins, association des végétaux entre eux...) plutôt qu'avec des produits chimiques. Plus généralement, les jardiniers vivent la philosophie du "slow gardening" (comme il y a le "slow fooding"), en français : le "jardinage lent" qui rime avec décontraction (mais pas paresse !), consommation responsable, éco-jardinage et patience ! Mieux vaut ne pas être adepte de la rentabilité immédiate !

Mais, le jardin partagé est aussi et peut-être même surtout un lieu d'échange et de convivialité, un lieu de mixité sociale où se rencontrent différents quartiers de la commune, différentes générations et différentes cultures (certains jardiniers sont originaires du Maghreb, de l'Europe de l'Est, d'Inde, de l'Asie du Sud-Est...). Également ouvert sur un quartier dit "sensible", qui cumule certaines difficultés sociales, économiques, urbanistiques... le jardin cherche à participer modestement, et avec l'aide de partenaires associatifs ou institutionnels, à une certaine cohésion sociale et au vivre ensemble. En organisant des fêtes, en recevant des scolaires, en développant des activités avec les habitants, nous cherchons à témoigner de "ce vivre ensemble dans notre maison commune".

Cette expérience du jardin partagé, comme d'autres expériences similaires, peut rappeler aux chrétiens, citoyens et/ou militants associatifs et/ou politiques, que l'écologie, notamment quand elle est inspirée de l'Évangile, ne peut être seulement naturelle et technique. La préservation de notre bien commun ne se fait que si l'on tient compte des équilibres sociaux. C'est d'ailleurs ce que rappelle François dans sa dernière encyclique Laudato si :

"Les possibilités de solution requièrent une approche intégrale pour combattre la pauvreté, pour rendre la dignité aux exclus et simultanément pour préserver la nature » (n° 139).

On ne peut se contenter de proposer « un remède technique à chaque problème environnemental qui surgit », car « c'est isoler des choses qui sont entrelacées dans la réalité, et c'est se cacher les vraies et plus profondes questions du système mondial » (n° 111).

Notre petit et modeste jardin ne participe ni au Grenelle ni aux conférences mondiales sur l'environnement, dont on peut regretter parfois les portées et les décisions limitées ou peu audacieuses. Mais ce qui s'y vit, ce qui s'y expérimente parfois avec tâtonnement, est un petit témoignage de ce que peut être et doit être le développement durable - appellation très politique - ou peut-être mieux que cela... le "Royaume durable". Ce Royaume que Dieu nous appelle à faire naître ici et maintenant n'est pas un monde ultérieur, mais une réalité qui demande une réponse audacieuse et immédiate. Quelle mission ! Mission qui commence peut être avec un arrosoir, une binette, une bêche, une fourche, un râteau... et surtout quelques jardiniers.

Alors que je termine cet article, résonnent dans ma tête les paroles de ce chant du Père Aimé Duval :

"Le Ciel n'est pas au bout du monde. Et pas plus au fond des nues. Le Ciel n'est pas au bout du monde, il est juste au coin de ma rue [et dans un petit jardin partagé] ajouterais-je.

Régis

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