Peut-on désobéir à ceux qui affirment que la France n’a pas vocation à accueillir les migrants économiques ?
La tradition catholique informe qu’il faut obéir au pouvoir public. Saint Paul le recommande : « Que chacun soit soumis aux autorités supérieures, car il n’y a d’autorité qu’en dépendance de Dieu, et celles qui existent sont établies sous la dépendance de Dieu ; si bien qu’en se dressant contre l’autorité, on est contre l’ordre des choses établi par Dieu, et en prenant cette position, on attire sur soi le jugement. En effet, ceux qui dirigent ne sont pas à craindre quand on agit bien, mais quand on agit mal. Si tu ne veux pas avoir à craindre l’autorité, fais ce qui est bien, et tu recevras d’elle des éloges. Car elle est au service de Dieu pour t’inciter au bien ; mais si tu fais le mal, alors, vis dans la crainte. En effet, ce n’est pas pour rien que l’autorité détient le glaive. Car elle est au service de Dieu : en faisant justice, elle montre la colère de Dieu envers celui qui fait le mal. C’est donc une nécessité d’être soumis, non seulement pour éviter la colère, mais encore pour obéir à la conscience. C’est pour cette raison aussi que vous payez des impôts : ceux qui les perçoivent sont des ministres de Dieu quand ils s’appliquent à cette tâche. Rendez à chacun ce qui lui est dû : à celui-ci l’impôt, à un autre la taxe, à celui-ci le respect, à un autre l’honneur (Romains 13, 1-7).
Le catéchisme catholique écrit, n° 2234 : Le quatrième commandement de Dieu nous ordonne aussi d’honorer tous ceux qui, pour notre bien, ont reçu de Dieu une autorité dans la société. Il éclaire les devoirs de ceux qui exercent l’autorité comme de ceux à qui elle bénéficie.
Je m’interroge !
Les politiques qui nous gouvernent veulent-ils vraiment le bien de tous ? Notre bien ? J’en doute de plus en plus. Et si, cadre de l’Eglise je souhaite garder l’écoute sympathique des politiques, j’entrevoie des démarches diplomatiques proches du mensonge. Pour être en bon terme avec eux, faut-il se taire ? Ne pas mettre le doigt là où ça fait mal ? Ne pas dénoncer ? Obéir aux lois imposées sans rien dire ?
Je me livre à l’exercice de ces questions en mettant en parallèle des mots de Gérard Collomb A, et de François, le pape B.
A
Le Parisien, avec AFP, 8 novembre 2017 :
Interrogé à l’Assemblée nationale, le ministre de l’Intérieur a fait le point sur sa politique en matière d’immigration.
Le nombre d'étrangers en situation irrégulière en France est estimé à «autour de 300000», a indiqué mercredi le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb, qui a souligné que les éloignements avaient augmenté «de 6,5 %» cette année.
Pressé par les députés de droite et d'extrême droite, lors d'un débat à l'Assemblée nationale consacré au budget 2018 de l'immigration, Gérard Collomb a assuré qu'il n'y avait «aucun mystère dans les chiffres de l'immigration». «Nous essayons de mener une politique pour que ceux qui sont déboutés du droit d'asile puissent être l'objet d'une obligation de quitter le territoire», a-t-il déclaré.
Le nombre de personnes en situation irrégulière est généralement apprécié par le biais des bénéficiaires de l'Aide médicale d'État.
Les éloignements «en hausse de 6,5%»
«En septembre 2017, sur les éloignements, nous sommes en hausse de 6,5%» et «la hausse est de 124%» pour ceux qui sont censés retourner vers le pays européen où ils ont laissé une trace.
Le Point, AFP. 10/11/2017 :
La pression s'accroît sur les migrants enregistrés ailleurs en Europe
Eloignements en hausse, placements en rétention... Depuis son arrivée au ministère de l'Intérieur, Gérard Collomb s'emploie à accélérer les renvois des migrants s'étant enregistrés dans un autre pays d'Europe, dans un contexte où leur nombre augmente en France.
Depuis le début de l'année, "40 %" des migrants venant s'enregistrer en préfecture pour une démarche d'asile "avaient déjà demandé l'asile dans un autre pays et souvent en avaient été déboutés", a indiqué le ministre de l'Intérieur fin octobre devant une commission de l'Assemblée nationale.
Le phénomène peut être localement plus marqué : à Paris, le centre de premier accueil a vu arriver 70 % de ces migrants depuis son ouverture. A Cergy près de Paris, le pourcentage atteint 88 % parmi les 250 migrants accueillis depuis octobre, selon le préfet de police de Paris Michel Delpuech.
Les renvoyer vers leur pays d'entrée, comme prévu par le règlement dit "Dublin", est complexe, avec un taux de succès de 10 % seulement l'an dernier en France.
La crainte des autorités concernant ces migrants "dublinés" est que le phénomène ne s'amplifie, d'une part venant d'Allemagne qui a débouté "entre 400 et 500000 migrants" depuis 2015 mais "en a reconduit 80000" seulement, selon les chiffres de M. Collomb.
Les Afghans notamment peuvent être tentés par la France, où leurs chances d'obtenir l'asile sont plus élevées (80 % l'an dernier contre 50 % en Allemagne).
Autre inquiétude, la frontière franco-italienne avec un flux de "1.000 à 1.400 migrants" non admis à entrer en France: "vous multipliez (ce chiffre) par le nombre de semaines, cela donne une idée du problème auquel nous pourrions être confrontés", selon M. Collomb.
Même s'ils sont enregistrés dans un autre pays, les demandeurs d'asile "dublinés" peuvent être hébergés et touchent l'allocation pour demandeurs d'asile.
Le raisonnement fait soupirer Jean-Claude Mas, secrétaire général de la Cimade, pour qui "le gouvernement est en droite ligne d'une pensée unique de supposé appel d'air".
Car le gouvernement s'emploie, dans le sillage des demandes d'Emmmanuel Macron, à reconduire plus : M. Collomb a fait état mercredi d'une hausse de 124 % des transferts "Dublin" depuis le début de l’année.
Pour la seule Ile-de-France, le nombre de transferts a atteint 850, selon M. Delpuech.
"Assignation à résidence ».
Dans cette démarche, le ministre de l'Intérieur avait reconnu fin octobre qu'un arrêt de la cour de Cassation allait "causer un certain nombre de difficultés", puisqu'il juge illégal le placement en rétention des dublinés en l'absence de définition objective, dans la loi, du risque de fuite.
Une décision largement ignorée dans les faits, assurent les associations d'aide aux étrangers (Cimade, LDH, Mrap...), pour qui nombre de dublinés "sont encore convoqués dans les préfectures pour y être interpellés et placés en rétention".
"Nous allons essayer de présenter juridiquement mieux les procédures", a assuré M. Collomb.
D'une part dans le projet de loi sur l'immigration attendu pour 2018, qui définit le "risque non négligeable de fuite" -- le texte porte par ailleurs la durée maximum de la rétention à 90 jours, voire 135 en cas d'obstruction.
Mais dès le 7 décembre, une proposition de loi déposée par les députés Les Constructifs sera soumise à l'Assemblée pour "sécuriser le placement en rétention" des migrants sous procédure Dublin, via une définition précise du risque de fuite.
Depuis plusieurs mois, les pouvoirs publics cherchent aussi à rationaliser l'accueil des "dublinés", en les regroupant dans les centres d'hébergement. Ce qui n'est pas sans inquiéter les associations.
Le défenseur des droits Jacques Toubon s'est récemment dit "particulièrement préoccupé" par le Programme d'accueil et d'hébergement des demandeurs d'asile (Prahda), dont "l'un des objectifs de préparer le transfert des personnes sous procédure Dublin".
Le gouvernement pourrait enfoncer le clou, puisque le projet de loi de finances 2018 évoque, dans ses annexes, la création éventuelle de "nouveaux types d'hébergement", notamment "des centres d'assignation à résidence près des aéroports pour les demandeurs d'asile relevant du règlement Dublin".
L'Observatoire de l'enfermement des étrangers voit là une "quête obsessionnelle de l'enfermement des exilés". "La précipitation avec laquelle ce gouvernement expulse et amplifie les dispositions passées (...) mérite la plus ferme dénonciation", a affirmé l'association dans un communiqué.
Lyon Capital, 11 novembre 2017
Gérard Collomb se veut ferme sur l'immigration irrégulière - Par Benjamin Roure
Lors des débats à l'Assemblée nationale cette semaine, le ministre de l'Intérieur a annoncé une hausse des budgets pour mieux accueillir les réfugiés et mieux reconduire les clandestins.
Sur le sujet de l'immigration, Gérard Collomb se veut ferme et s’appuie sur des chiffres pour mieux faire porter sa voix. Selon lui, cité par l'AFP, les étrangers en situation irrégulière seraient environ 300000 sur le territoire français. C'est ce qu'il a dévoilé cette semaine, lors des débats sur le budget 2018 à l'Assemblée nationale, pressé par des députés de droite et d'extrême droite.
À ce chiffre de 300000, l'ancien maire de Lyon et actuel ministre de l'Intérieur associe celui de l'augmentation du nombre de reconduites à la frontière. "En septembre 2017, sur les éloignements nous sommes en hausse de 6,5%." Et selon lui, la hausse atteint même 124% pour ceux que l'on nomme "les dublinés", qui sont censés retourner vers le pays européen où ils ont laissé une trace. Balayant l'idée d'une régularisation massive, Gérard Collomb œuvre "pour que ceux qui sont déboutés du droit d'asile puissent être l'objet d'une obligation de quitter le territoire ».
Le budget bondit
Sur le droit d'asile, le gouvernement veut faire en sorte d'accélérer les procédures et les réponses, avec la création de 15 postes à l'Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides), de 35 à l'Ofii (Office français de l'immigration et de l'intégration) et de 51 à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA).
De plus, 7500 places d'hébergements supplémentaires seront créées en 2018 et 2019. Ces mesures seront rendues possibles par une augmentation de 26% à 1,38 milliard d'euros des crédits dans le projet de loi pour la mission "immigration, asile et intégration ».
Un nouveau tour de vis
Ces efforts budgétaires s'accompagnent, en miroir, d'un durcissement de certaines règles ou usages. Approuvé par les députés, le texte prévoit de réduire d'un mois la durée de versement de l'allocation pour demandeurs d'asile (ADA) aux personnes définitivement déboutées de leur demande. Car selon Gérard Collomb, "il n'est pas cohérent" que ces personnes reçoivent encore cette allocation "après que la décision définitive sur leur statut a été notifiée".
Par ailleurs, un amendement au projet de loi, adopté, demande, lorsqu'un refus d'entrée sur le territoire a été prononcé, que les frais de prise en charge et de réacheminement de l'étranger "incombent à l'entreprise de transport qui l'a débarqué en France". Aujourd'hui, cette redevance est fréquemment avancée par l'État et jamais remboursée.
Enfin, Gérard Collomb a élevé au rang de priorité la coopération avec les pays d'émigration, pour "empêcher qu'un certain nombre de migrants économiques puissent venir". Il se rendra pour cela en décembre au Niger notamment.
Les echos.fr
Gerard Collomb doit se rendre notamment au Niger, pays d'origine d'un certain nombre de migrants économique. - Lionel BONAVENTURE/AFP
« Mesures drastiques »
« Je me rendrai en décembre au Niger et dans un certain nombre d'autres pays », en soulignant que d'ores et déjà grâce aux « mesures drastiques » prises par les autorités nigériennes, « la grande route des migrants » qui passait par Agadez au Niger « n'est plus empruntée ».
Le projet de loi prévoit une hausse de 26 % à 1,38 milliard d'euros des crédits de la mission « immigration, asile et intégration » car « nous voulons une meilleure intégration » des réfugiés, via notamment l'apprentissage du français, le logement ou l'insertion sociale et professionnelle, a rappelé Gérard Collomb.
B
RFI, 29 octobre 2017 :
Le pape François plaide pour une Europe plus solidaire
Le pape François lance un nouveau plaidoyer pour une Europe unie et solidaire. En concluant samedi 28 octobre une rencontre de deux jours organisée au Vatican sur le thème « repenser l'Europe », qui a réuni hauts responsables européens et évêques d'Europe, le souverain pontife a montré encore une fois son attachement au Vieux Continent et souhaité qu'elle face place à plus de dialogue et d'attention aux personnes.
Dans les mots du pape, pas de « grand-mère fatiguée » comme il avait défini l'Europe devant le Parlement de Strasbourg il y a trois ans, mais toujours la même exigence.
Devant l'assemblée où figuraient le président du Parlement européen, Antonio Tajani, ou le vice-président de la Commission, Frans Timmermans, François a d'abord fustigé une Europe trop « technocratique » : « Il n’y a pas les citoyens, il y a les suffrages. Il n’y a pas les migrants, il y a les quotas. Il n’y a pas les travailleurs, il y a les indicateurs économiques. Il n’y a pas les pauvres, il y a les seuils de pauvreté ». La contribution des chrétiens, a-t-il dit, est de rappeler que l'Europe est faite de personnes et non de chiffres.
Les chrétiens sont selon lui aussi appelés à favoriser le dialogue, là où trop souvent résonnent les « hurlements des revendications ». Le pape a ainsi regretté que dans de nombreux pays, les formations extrémistes et populistes n'aient rien d'autre à offrir que leur protestation.
Redonner du sens au travail
Pour le souverain pontife, l'Europe ne pourra affronter ses défis qu'en redevenant un « espace de solidarité » - il a rappelé l'importance de l'accueil des migrants, « une ressource, plus qu'un poids » -, un espace aussi où « le travail », en particulier pour les jeunes, retrouve sa vraie valeur.
Enfin, l'Europe est pour François une « promesse de paix », qui exige créativité. Rappelant le centenaire de la bataille de Caporetto, l'une des plus meurtrières de la Grande Guerre, il a expliqué que c'est en se retranchant derrière ses propres positions que l'on finissait par succomber. Ce n'est donc pas le moment de construire des tranchées.
François : « pour comprendre les migrants, il faut se mettre à leur côté ». Lire cet entretien avec Marco Impagliazzo, (La Croix, lundi 23 octobre)
Devant l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le pape François a appelé à « introduire dans le langage de la coopération internationale la catégorie de l’amour ». Voir ici.
voir le Le plaidoyer du pape François pour l’intégration des réfugiés et des migrants
MESSAGE DU PAPE FRANÇOIS POUR LA JOURNÉE MONDIALE DU MIGRANT ET DU RÉFUGIÉ 2018
[14 janvier 2018] :
« Il serait opportun de prévoir des visas temporaires spéciaux pour les personnes qui fuient les conflits dans les pays voisins. Les expulsions collectives et arbitraires de migrants et de réfugiés ne constituent pas une solution adéquate, surtout lorsqu’elles sont exécutées vers des pays qui ne peuvent pas garantir le respect de la dignité et des droits fondamentaux »…
« C’est pourquoi, je souhaite que, dans le respect de leur dignité, leur soient accordés la liberté de mouvement dans le pays d’accueil, la possibilité de travailler et l’accès aux moyens de télécommunication. Pour ceux qui décident de retourner dans leur pays, je souligne l’opportunité de développer des programmes de réintégration professionnelle et sociale. La Convention internationale sur les droits de l’enfant offre une base juridique universelle pour la protection des mineurs migrants. Il faut leur éviter toute forme de détention en raison de leur status migratoire, tandis qu’on doit leur assurer l’accès régulier à l’instruction primaire et secondaire. De même, quand ils atteignent l’âge de la majorité il est nécessaire de leur garantir une permanence régulière et la possibilité de continuer des études. »