La réalité de la migration existe et les pays du nord de la Méditerranée ne peuvent égoïstement fermer leurs frontières vers le sud ou l’est
À la rencontre des migrants ; ceux qui se trouvent en Algérie.
Aujourd’hui et demain (ou après demain) je donne à lire les éléments d’un dossier paru dans l’Écho du diocèse de Constantine et Hippone.
L’Echo du diocèse de Constantine
et Hippone, février 2018, écrit :
« La présence des migrants nous trouble, nous déstabilise. Confusément, nous sentons qu'il est normal que chacun puisse choisir de rester ou de partir, ou que ce n'est pas normal que certains le puissent et d'autres non. Mais les difficultés qu'ils rencontrent nous affolent. Nous savons la déstabilisation de leurs pays par les guerres, les changements climatiques, un ordre économique international injuste, des régimes qui ne servent pas leurs peuples. Mais le partage est difficile. Et le pape nous presse, nous bouscule : il faut accueillir, protéger, promouvoir, intégrer ! »
Parcours de migrants, Mosango et Salifou
Mosango et Salifou sont deux Camerounais rencontrés juste à côté du marché de fruits et légumes de Sétif. Le premier a un bac en mathématiques et le second a fait les beaux-arts et en a obtenu le CAP (certificat d’aptitude professionnelle). Tous les deux n'ont qu'un seul et unique rêve : mettre les pieds en Europe.
Mosango : « Cela fait déjà 10 ans que je tente d'aller en Espagne, mais en vain. Après une collecte d'argent au village, je prends mon courage à deux mains et je fonce vers le Nigeria comme première étape du voyage puis le Niger. Ce voyage est dur et long ! Je passe à In Guezzam, ville à la frontière algéro-nigérienne, puis je fais plus de 400 km pour atteindre Tamanrasset.
À Tamanrasset, on m'arrête et on me déporte à la frontière algéro-malienne, à Tin Zaouatine. Un grand nombre de migrants entassés dans des camions-cages pour faire plus de 600 km dans le désert. Je passe beaucoup de temps à Tin Zaouatine, avant de pouvoir revenir une autre fois à Tamanrasset et continuer en direction du nord vers In Salah à 700 km. Ma joie fut courte. On m'arrête à In Salah et me voilà reconduit à Tin Zaouatine. Un long séjour au ghetto. Je tente cette fois-ci un autre chemin. De Tin Zaouatine, je vais à Kidal. Des passeurs nous conduisent jusqu'à El-Khalil entre l'Algérie et le Mali puis on continue : Bordj Badji Mokhtar, Reggane, Adrar puis Ghardaïa.
De Ghardaïa, je prends la direction de l'ouest. J'arrive à Tlemcen, puis Maghnia et me voilà au Maroc à Oudjda. Je m'approche de plus en plus de mon but.
À Nador, dernière ville avant l'Espagne, il n'y a pas de travail. On vit donc de la mendicité. Le passage de Nador à Benissa (Espagne) s'avère impossible. Fil barbelé, chiens entraînés et gardes armés.
Salifou intervient : « Beaucoup de mes frères ont perdu la vie ici en essayant de prendre le risque de passer. »
Mosango reprend : « N'ayant pas d'argent et voyant qu'il m'était impossible de passer, je fais volte-face pour revenir en Algérie : Maghnia, Oran puis Sétif.
À Sétif, on dormait dans ce dortoir de fortune à côté du marché. Une centaine de migrants dans une grande salle sans chauffage et on payait 500 dinars la nuit. Maintenant que ce dortoir est fermé, on dort dehors, à l'air libre, sous le froid et la pluie, à côté du marché. On n'ose pas y entrer car c'est gardé et puis on ne veut pas avoir de problèmes.
Salifou : « Un jour, un de nos frères y est entré pour y trouver refuge et le pauvre s'est vu verser de l’essence sur les pieds et....
Je ne veux plus aller en Europe, ni rester en Algérie non plus. J'ai perdu ma jeunesse à courir derrière un rêve qui ne se réalisera jamais. Je ne veux que rentrer chez moi et être libre dans mon pays. »
Témoignages recueillis par notre ami Abdeljalil