Une terrible force d'attraction du mal fait juger normales et inévitables beaucoup d’attitudes aux effets dévastateurs des consciences
Bertrand Foucher, territoire zéro chômeur de longue durée - Villeurbanne Saint-Jean. Marc Uhry, consultant, auprès des collectivités, des bailleurs sociaux, des associations - politiques des solidarités - MJC Monplaisir LYON 8
Lundi dernier, j’étais présent à la MJC Monplaisir, Lyon 8 pour la table ronde ; Solidarité en danger. Une rencontre très dynamique avec des propos bien concrets.
Aujourd'hui, le modèle classique de la charité ne suffit plus pour que les personnes sortent durablement de la précarité et de la pauvreté.
Nous vous proposons une soirée débat autour de deux initiatives innovantes dans la lutte contre le chômage et le mal logement
Qu'en pensez-vous ?
Un auditeur a donné son avis au cours de l’échange. C’était à quelques minutes de la fin de la rencontre. Il a parlé de structures du péché. Cette expression a laissé, au moins selon ma perception, perplexes ou silencieux les orateurs. Je crois avoir entendu dire : je ne connais pas ce que sont les structures du péché. Bref, je regrette que personne à la tribune n’ait repris le propos et j’ai ressenti un silence pesant.
Assurément, par crainte de pessimisme humanitaire ou par peur des visions apocalyptiques de fin du monde où les méchants sont conduits en enfer, nous pouvons avoir tendance à douter de l’existence de Satan. Le Mal existe-t-il vraiment en lui-même ? Satan existe-t-il vraiment en tant que personne (spirituelle) agissant dans le monde ? Un Diable, diviseur faisant tout ce qu’il peut pour semer parmi les humains, la haine, la violence, l’égoïsme, le mépris d’autrui, la mort.
J’avoue préférer le questionnement à l’affirmation ce qui laisse entendre que je peux estimer plausible l’existence de Satan tout en affirmant qu’il n’est pas aisé de comprendre la chute d’Adan et Ève et ses conséquences exprimées dans le péché originel.
L’adhésion à la doctrine du péché originel laisse perplexe de nombreux croyants. Mais, il y en a, par exemple parmi les écologistes objecteurs de croissance, qui affirment, vu l’actuel état du Monde : « pour qu’il en soit ainsi, une réalité personnelle maléfique, diabolique ne peut qu’exister ». Seule l’action d’un Diable peut donner à penser que tant de haines structurelles, systémiques soient actuellement en œuvre.
C’est à ce Diviseur que je pense quand j’observe qu’une Arabie Saoudite arrive à continuer l’anéantissement de familles au Yémen sans que les États influents réagissent vraiment. Ceux-ci songent surtout à préserver leur économie dynamisée par les ventes d’armes.
Ne sommes-nous pas, là, au plein milieu des structures du péché ? Comme j’aurais aimé que la table ronde de ce lundi à la MJC, développe cette réalité en restant, bien sûr dans le cadre de la soirée : territoire zéro chômeur - politique de solidarité.
L’argent est le fumier du diable, dit François, le pape reprenant une expression de l’un des Pères de l’Église, Basile de Césarée, un ascétique précurseur du christianisme social.
Jean-Michel Dumay, dans le Monde diplomatique de septembre 2015, a écrit : « Devant un auditoire dense réuni au parc des expositions de Santa Cruz, la capitale économique de la Bolivie, un homme en blanc fustige « l’économie qui tue », « le capital érigé en idole », « l’ambition sans retenue de l’argent qui commande ». Ce 9 juillet, le chef de l’Église catholique s’adresse non seulement aux représentants de mouvements populaires et à l’Amérique latine, qui l’a vu naître, mais au monde, qu’il veut mobiliser pour mettre fin à cette « dictature subtile » aux relents de fumier du diable ».
Nous voilà totalement au sein des structures du péché, royalement encadrées par le libéralisme économique si bien soutenu par de nombreux chrétiens. Si j’avais l’occasion de prendre la parole au sien d’une communauté chrétienne catholique, j’ouvrirais avec eux les ouvrages de la doctrine sociale de l’Église. Je verrai d’où viennent les structures du péché. J’expliquerai que l’accumulation d’actes personnels mauvais conduit souvent à la production de structures sociales, économiques et juridiques qui s’enracinent et qui en viennent ensuite à faciliter l’accomplissement d’autres actes mauvais, avec un effet boule de neige. « Le concept de « structure de péché » provient d’une réflexion sur la façon dont le mal se structure et en vient finalement à « se bétonner » à cause de l’accumulation d’acte personnel mauvais au niveau le plus élémentaire, avec un effet d’entraînement : plus nous commettons de péchés, plus nous renforçons les structures de péché qui nous conduisent au mal. » Voir ici pour approfondir cette question.
Et, comme le disent les entrepreneurs et dirigeants chrétiens, je rappellerai que Jean Paul II utilisa la notion de structure de péché dans le discours introductif à la conférence de Puebla (1979). Il la développa dans ses deux encycliques Sollicitudo Rei Socialis (1987) et Centesimus Annus (1991). Voir ici -.
https://www.lesedc.org/eclairage/structures-de-peche-frein-bien-commun/
Dans son audience du 25 août 1999, Jean-Paul II exhorte à combattre le péché personnel et les «structures du péché» . « Il existe une terrible force d'attraction du mal qui font juger «normales» et «inévitables» beaucoup d'attitudes. Le mal grandit et influence avec des effets dévastateurs les consciences, qui restent désorientées et ne sont même pas en mesure d'opérer un discernement. Si l'on pense ensuite aux structures du péché qui freinent le développement des peuples les plus désavantagés du point de vue économique et politique (cf. Sollicitudo rei socialis, n. 37), on aurait presque envie de baisser les bras face à un mal moral qui semble inéluctable. Beaucoup de personnes ressentent un sentiment d'impuissance et d'égarement face à une situation écrasante, qui paraît sans issue. Mais l'annonce de la victoire du Christ sur le mal nous donne la certitude que même les structures du mal les plus enracinées peuvent être vaincues et remplacées par des «structures de bien» (cf. ibid., n. 39).
Pour terminer cette page, je citerai les propos d’Oscar Romero prononcés au Salvador quelque jour avant sa mort.
« Cette vérité fondamentale de la foi chrétienne, nous la voyons tous les jours dans la vie de notre pays. On ne peut offenser Dieu sans offenser le frère. Ce n’est pas une routine de souligner une fois de plus l’existence de structures de péché dans notre pays. Elles sont péché parce qu’elles produisent les fruits du péché : la mort des Salvadoriens, la mort rapide par la répression, ou la mort plus lente, mais non moins réelle, par l’oppression exercée par les structures. C’est pour cela que nous avons dénoncé dans notre pays l’idolâtrie de la richesse, de la propriété privée considérée comme un absolu dans le système capitaliste, l’idolâtrie du pouvoir politique dans les régimes de Sécurité nationale au nom de quoi on institutionnalise l’insécurité des individus ».
Bien évidemment, réflexion et méditation à suivre.