L’Église du Christ qui est actuellement en grande déshérence ne peut se convertir sans faire les frais d’une sortie d’une culture cléricale

Publié le par Michel Durand

Parabole des aveugles, Pieter Brueghel l’Ancien, 1568, détrempe sur toile, 86 x 154 cm, Musée Capodimonte, Naples

Parabole des aveugles, Pieter Brueghel l’Ancien, 1568, détrempe sur toile, 86 x 154 cm, Musée Capodimonte, Naples

Source de l'image - une page à lire absolument

Comme indiqué dimanche dernier, je prolonge ma méditation, mettant en avant l’expression  : « nous voulons du concret. » En ajoutant : dans tous les domaines.

Pour en tracer le contexte, suite au sommet pour la protection des mineurs dans l’Église, je cite Mgr Georges Pontier, archevêque de Marseille et président de la Conférence des évêques de France (CEF) : « L’appel du Pape à être concret raisonne tout particulièrement pour nous tous : “Le saint Peuple de Dieu nous regarde et attend de nous, non pas de simples et faciles condamnations, mais des mesures concrètes et efficaces à préconiser. Il faut être concret” ».

Il importe que le regard porté sur le monde tel qu’il est suscite un authentique discernement, une volonté de positionnement critique qui soit constructeur d’une nouvelle humanité. Dans le Nouveau Testament, Jacques a écrit :

Ayant rejeté tout ce qui est sordide et tout débordement de méchanceté, accueillez dans la douceur la Parole semée en vous ; c’est elle qui peut sauver vos âmes. Mettez la Parole en pratique, ne vous contentez pas de l’écouter : ce serait vous faire illusion (Jacques 1,21-22).

On ne peut pas trouver meilleur page d’Évangile que Luc 6 pour éclairer ce propos. Afin de porter son regard vers ce qui est, vers les conversions à opérer, il importe de bien voir.

Un aveugle peut-il guider un autre aveugle ? Ne vont-ils pas tomber tous les deux dans un trou ?

Qu’as-tu à regarder la paille dans l’œil de ton frère, alors que la poutre qui est dans ton œil à toi, tu ne la remarques pas ?

Regardons, scrutons, discernons et agissons concrètement. C’est tout le travail de la traditionnelle révision vie que, même les plus anciens parmi nous, semblent avoir oublié. Cela aussi, comme je le disais dimanche dernier, vous me l’avez déjà entendu dire et redire. Voir, Juger Agir ! Les trois mots clés de l’Action Catholique actuellement noyés dans des flots liturgiques de louanges.

Ne fais pas l’éloge de quelqu’un avant qu’il ait parlé, c’est alors qu’on pourra le juger, cite le livre de Ben Sira le sage.

Pour que nous ne soyons pas des aveugles conduisant dans des impasses le peuple de Dieu -l’humanité, les hommes et les femmes que nous rencontrons au quotidien- nous devons convertir nos pratiques ecclésiales, nos rapports avec le clergé, notre perception de la religion qui, souvent (parfois), se réduit à la pratique dominicale ou au soucis de bien recevoir les sacrements. Je vous livre le texte qui sous-tend ma pensée. Il est  encore question de la rencontre à Rome qui se termina le 24 février.

« L’intervention du cardinal de Chicago Blase Cupich, le deuxième jour du sommet, s’est centrée sur la responsabilité et la synodalité : “Ce que nous devons chercher est une conversion des hommes et des femmes dans l’Église entière : parents et prêtres, catéchistes et religieux, animateurs paroissiaux et évêques ; et la conversion des cultures ecclésiales sur chaque continent ! Seule une vision synodale, enracinée dans le discernement, la conversion et la réforme à tous les niveaux, peut susciter dans l’Église l’action à laquelle nous appelle la grâce de Dieu :  une action intégralement vouée à la défense des plus vulnérables parmi nous…” 

Soyons vigilants. Sachons regarder. Ne devenons pas des aveugles dans le but de conserver notre confort ou de ne pas ébranler les tabous. Osons observer ce qui obstrue notre capacité à bien voir. La fameuse poutre qui accapare notre œil.

Des tentes sur les pelouses des espaces verts de la ville apparaissent toujours, tantôt ici, près des archives départementales, tantôt le long du cimetière de la Guillotière, près du Jet d’eau. Ou encore sous le pont de la Mulatière. Ce sont des familles qui s’y abritent, car elles n’ont pas trouvé mieux et que régulièrement leur maison précaire (bidonville) est détruite. Concrètement que faire ? Nous organiser pour trouver de l’argent afin de louer des appartements à mettre à leur disposition. Nous en reparlerons prochainement.

Nous organiser pour qu’aucun mineur, aucune personne, ne devienne la proie d’un esclavage moderne.

Et là encore, la culture cléricale que nous connaissons se doit d’être convertie. Je cite de  nouveau, par souci d’être proche de l’actualité, une personne ayant intervenue au Sommet sur les abus sexuels. Sœur Véronica Openibo, religieuse nigériane a dit :

« Essentielle sans aucun doute serait, dans les séminaires et la formation permanente des prêtres, des religieux/religieuses et des évêques, une instruction claire et équilibrée sur la sexualité… »– « Je m’inquiète quand je vois, à Rome ou ailleurs, traiter les jeunes séminaristes comme s’ils étaient plus spéciaux que quiconque : ça les encourage, dès le début de leur formation, à se faire une idée fausse de leur statut… »

J’avoue. Nous, les anciens, ressentons mal certaines paroles et comportements de jeunes prêtres. On ne peut l’ignorer. Certes, il faudrait reprendre tout cela en petit groupe pour l’approfondir et en déceler les conséquences. Alors, j’insiste et invite au débat. L’Église du Christ qui est actuellement en grande déshérence ne peut se convertir sans faire les frais d’une sortie d’une culture cléricale, celle-ci étant portée même par des laïcs. J’imagine que les membres des équipes CVX ont déjà, depuis très longtemps, planché sur cette question.

Seconde lecture

Suite à la préparation de cette Eucharistie, un membre de CVX, communauté de vie chrétienne, m’a demandé de regarder attentivement la deuxième lecture. Voici ce que j’en retire en étant assurément influencé par mes propres pensées.

Dimanche dernier nous avons évoqué l’homme de terre, Adam, invité à revêtir l’Homme de Lumière, Christ. Je retrouve cette même idée dans ce passage de la lettre de Paul aux Corinthiens lue aujourd’hui. Le corps charnel est appelé à la victoire de la résurrection. Uni à Jésus-Christ, il devient entièrement spirituel. Il surpasse, par don divin, toutes les pulsions égoïstes. La Loi ne fait qu’indiquer où est le péché. Elle le dévoile sans le contenir ou le supprimer. Alors, le péché devient l’arme (l’aiguillon) qui incite à agir dans le sens de la mort. Mais le Christ est là. Son Esprit convertit les cœurs. La grâce divine agit et la mort, l’absence de résurrection, le périssable lié au péché, l’Adam terreux est définitivement vaincu. Ô mort, où est ta victoire ? Avec Christ toute désespérance est anéantie.

C’est dans cette espérance due à la grâce de Dieu que je place l’indispensable conversion culturelle de l’Église.

Ainsi, mes frères bien-aimés, soyez fermes, soyez inébranlables, prenez une part toujours plus active à l’œuvre du Seigneur, car vous savez que, dans le Seigneur, la peine que vous vous donnez n’est pas perdue.

 

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