Dialogue ? Il s’est risqué à employer des expressions très percutantes : « hydre islamiste », « islam dévoyé », « islamisme souterrain »…

Publié le par Michel Durand

Dialogue ? Il s’est risqué à employer des expressions très percutantes : « hydre islamiste », « islam dévoyé », « islamisme souterrain »…

Je pense important de mettre dans le filet de la réflexion, suite à la rencontre avec Vincent Feroldi, cette tribune de Christian Delorme.

 

Tribune de La Croix 14 octobre 2019

Christian Delorme, Délégué épiscopal pour le dialogue interreligieux à Lyon :

 

Et maintenant, on fait quoi ?

 

On ne saurait reprocher à un président de la République de chercher à rassurer la nation quand celle-ci se trouve fragilisée une fois encore en raison d’un nouvel attentat lié au « terrorisme islamiste ». Tout en précisant qu’il ne s’agissait « en aucun cas (de mener) un combat contre une religion », Emmanuel Macron, rendant hommage mardi 8 octobre aux quatre policiers tués par un collègue fanatisé, a néanmoins utilisé des éléments de langage volontairement empruntés au Georges Clemenceau de 1917 appelant, en temps de guerre, à la mobilisation de tout le peuple.

Surtout, il s’est risqué à employer des expressions très percutantes : « hydre islamiste », « islam dévoyé », « islamisme souterrain », qui peuvent paraître adaptées à la situation mais qui ne sont certainement pas comprises de la même façon, selon que l’auditeur est musulman ou non. Pour la plupart des musulmans, en effet, l’islam est obligatoirement pur, parfait par nature, et il ne saurait exister « d’islam dévoyé ». Chez eux, la distinction qu’essayent de faire nombre de chercheurs, de politologues, de sociologues, de responsables politiques entre « islam » et « islamisme », est généralement incomprise. Manifestement, le président de la République, dont on dit que chaque mot du discours a été « pesé au trébuchet », n’a guère eu le souci de la réception de celui-ci chez nos compatriotes musulmans.

De nombreux échos, déjà, rendent compte de l’inquiétude des musulmans de France dans la situation présente. Ceux-ci craignent ce que l’islamologue Rachid Benzine définit comme un possible « maccarthysme musulmanophobe ». Ils voient bien que la France a de plus en plus peur d’eux… et ils ont peur de cette France qui a peur ! Sensibles plus que d’autres aux discours « complotistes », manipulés par des idéologues et des prêcheurs qui gagnent à entretenir chez eux une certaine paranoïa, ils risquent de se réfugier de plus en plus dans le communautarisme.

Auditionné, ce même mardi, par la commission des lois de l’Assemblée nationale, le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, a d’ailleurs tout fait pour les conforter dans leurs inquiétudes ! Ainsi a-t-il cru pouvoir lister parmi les signaux pouvant indiquer une radicalisation religieuse : « Le port de la barbe, le fait de ne pas faire la bise (aux femmes) ou plus, la pratique régulière et ostentatoire de la prière rituelle, la tabaâ (marque) au milieu du front… » Or ces signes d’appartenance et de pratique religieuses sont arborés par des centaines de milliers de musulmans de France, qui ne sont pas pour autant des « radicaux » ou des « islamistes » !

L’impression qui domine, c’est que le pouvoir politique, aujourd’hui comme depuis au moins trente ans, se montre complètement dépourvu en face du développement de plus en plus accéléré et massif d’un islam identitaire se prétendant ultra-orthodoxe. Un islam identitaire qui peut être la matrice au sein de laquelle peuvent surgir des comportements fanatiques criminels, mais qui, la plupart du temps, produit surtout une sorte de société parallèle où des valeurs religieuses clairement délimitées viennent remplacer et contester les valeurs démocratiques pluralistes. Depuis 2002, date de parution d’un ouvrage collectif portant ce titre, il est courant d’entendre parler de « territoires perdus de la République ». Mais, avant les territoires, n’a-t-on pas perdu une grande partie des « musulmans de la République », et n’est-on pas en train de les abandonner tous ?

Les responsables de l’État se sont focalisés, depuis au moins trente ans, sur la promotion d’instances représentatives de l’islam de France, sans s’inquiéter suffisamment de ce qui se passait réellement au sein des familles musulmanes de notre pays, qui représentent pourtant aujourd’hui presque 10 % de la population. Alors qu’on cherchait à mettre en place une organisation centralisatrice dont personne ne voulait, un islam « non officiel » s’est lui fortement organisé, la plupart du temps dans le refus des valeurs véhiculées par la société démocratique libérale. La question urgente qui se pose dès lors est celle-ci : comment allons-nous faire pour reconquérir le cœur des musulmans de France ? Comment allons-nous réintroduire ceux qui se sont éloignés dans le sein de la République ?

Emmanuel Macron a appelé à se lever contre « cet islamisme souterrain qui corrompt les enfants de la France », en repérant « ces petits riens qui deviennent des grandes tragédies ». Le « combat de toute une nation » « à l’école, au travail, dans les lieux de sa vie quotidienne ».

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