Quant aux difficultés pour vos études, nous verrons. Confiance ; le temps nous instruit, chaque chose doit se faire au moment où Dieu le veut
Lettre n°65 (68) [5]
J.M.J, [Prado,] 12 juin 1868
Cher frère et ami
Vous devez bien penser qu'il n'y a plus ni encre ni papier au Prado, veuillez m'excuser de ma négligence et, si je ne vous ai pas écrit, croyez que je pense bien toujours à notre bon frère Joseph.
J'ai vu votre mère avant-hier. Elle voudrait nous envoyer un peu de l'argent, je pense qu'à la fête de St Pierre nous nous trouverons peut-être une occasion pour vous en faire parvenir, pour faire votre voyage de retour pour les vacances. Puisque, dans une de vos lettres, vous nous dites que les frais sont à peu près les mêmes, soit que vous restiez à Rome, soit que vous veniez, et puis je ne vois pas d'inconvénient à ce que vous veniez passer quelque temps avec nous.
M. Boulachon nous a dit que si vous vous adressiez à l'ambassade vous pourriez obtenir votre passage gratis sur mer, voyez si cela peut se faire.
M. Gourdon entre définitivement au Prado la semaine prochaine. J'en remercie le bon Dieu; il sera pour nous un bon aide, pour tout et pour nos chers latinistes.
Nous avons aussi, depuis 4 mois, un prêtre de Genève qui nous aide pour le catéchisme ; vous ferez connaissance avec lui, quand vous viendrez.
M. Sagne est venu passer deux semaines à Pâques et il est rentré à Nancy, dans son école, je pense qu'en juillet il rentrera et achèvera ses études à la maison.
Pour quant aux difficultés que vous avez pour vos études, nous verrons, quand vous serez ici, comment nous rangerons tout cela. Ayons toujours confiance pour tout, le temps nous instruit, et chaque chose doit se faire au moment où le bon Dieu le veut.
Je fais faire quelques réparations sur le Prado : une petite tribune au-dessus de la porte de la chapelle pour nos petits clercs et, de chaque côté, il y aura des cellules et un grand corridor, c'est 1à ou nous pourrons faire notre petit noviciat, si le bon Dieu le permet. Le Prado est élevé de deux mètres sur toute la longueur de la rue Dumoulin, et ces chambres sont prises entre l'espace qui restait entre le dortoir et la rue. Nous pourrons loger 1à une vingtaine de novices. Que Dieu le fasse, si c'est sa volonté.
Continuez à bien faire votre oraison, votre chemin de croix et votre rosaire. Courage, mon bien cher frère, courage. Quant à votre vocation, ne vous laissez pas aller à l'ennui ; vous savez bien que, dans une maison, on a besoin de tout et, comme dit St Paul, il y a des vases pour servir à toutes espèces de choses, et tout est utile. Travaillons à devenir des saints, c'est là l'essentiel, acquérons la science compétente ; et puis nous travaillerons sur le petit, si nous ne pouvons sur le grand ; il y a toujours des pauvres, des ignorants à instruire et à édifier. J'ai toute confiance qu'un jour vous serez un bon prêtre du Seigneur. Corrigez-vous des petits défauts que je vous ai signalés, de ces petites manières enfantines, de cette précipitation d'esprit et de jugement quelquefois, prenez des manières sérieuses, sans être triste et maussade. Représentez-vous souvent Notre-Seigneur avec vous, agissant, parlant ; et demandez-lui comment il ferait s'il était à votre place ; et, dans vos communions, priez Jésus-Christ de s'unir tellement à vous que vous ne soyez qu'un avec lui dans tout ce que vous faites.
Nous vous envoyons tous bien le bonjour, ma mère, M. Berne et tous ces autres messieurs. Nous vous verrons tous avec plaisir aux vacances.
Tout à vous.
A. Chevrier