François : Il est triste d'entendre proposer, comme solution, l’utilisation de fonds communs pour construire des murs, des fils de fer barbelés
Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées, le 18 décembre à Calais, à l’appel du Mouvement Emmaüs et de l’Organisation pour une Citoyenneté Universelle
Cette photo date de décembre 2014 : Solidarité avec les migrants à Calais. À l'occasion de la Journée internationale des migrants, le jeudi 18 décembre, le Mouvement Emmaüs et plusieurs associations de solidarité ont organisé une manifestation contre le "mur de la honte" à Calais.
D’année en année, les manifestations de soutien aux migrants se multiplient et les gouvernements maintiennent leur positon répressive. Nous avons vu les lumières vertes aux fenêtres de maisons polonaises pour signifier que là, les exilés seront accueillis. N’empêche que l’armée refoule de l’autre côté de la frontière. Murs de soldats et murs de barbelés. On dit que la question migratoire est complexe.Assurément ! Mais en quoi la complexité entraînerait un mépris des droits humains fondamentaux ?
C’est que les élus veulent rester au pouvoir et que les électeurs montrent leur haine xénophobe. Ce que j’entends à propos des élections présidentielles pour la France est terrible. Droite et extrême droite, selon les sondages, rassemblent bien plus de monde que les rassemblements de soutien aux exilés par détresse. Et que de jeunes parmi le profil « identitaire » ! On dit aussi qu’ils fréquentent en nombre les rangs des catholiques traditionalistes. Le sondage La Croix/Le Pèlerin indique que le vote des catholiques s’ancre à droite. Les candidats LR, RN, R! savent où regarder.
Ceci dit, j’ai écouté avec grande attention et émotion le discours de François de Rome donné à Lesbos. Depuis combien d’années parlent-ils avec des mots aussi forts et justes ? Si lui n’est pas écouté par les chefs d’États, que peuvent faire les citoyens manifestant leur soutien aux migrants ? Bloquer complètement l’économie par une grève générale pour détrôner le dieu PNB et ses prêtres ministres des banques ? Avec l’aide de Covid-19, même cette espérance n’a pas abouti. Les citoyens, plus que modifier leur mode de vie dans le sens d’une sobriété heureuse, veulent que tout soit comme avant : produire, consommer, produire et pour cela que l’on demeure entre nous, les riches ou pauvres des pays riches. Domine l’idée que les exilés par détresse n’ont pas vocation à vivre en France même si les expatriés français entretiennent les fortunes privées européennes à l’étranger.
J’invite à lire ce que François, qui n’a pas peur de la proximité des étrangers, a dit à Lesbos.
En voici des extraits, texte intégral
Combien de hotspot où les migrants et les réfugiés vivent dans des conditions à la limite de l’acceptable, sans entrevoir de solutions ! Pourtant, ce respect des personnes et des droits humains, surtout sur le continent qui les promeut dans le monde, devrait toujours être sauvegardé, et la dignité de chacun passer avant tout ! Il est triste d'entendre proposer, comme solution, l’utilisation de fonds communs pour construire des murs, des fils de fer barbelés. Nous sommes à l’époque des murs et des fils de fer barbelés. Bien sûr, les peurs et les insécurités, les difficultés et les dangers sont compréhensibles. La fatigue et la frustration se font sentir, exacerbées par les crises économique et pandémique, mais ce n'est pas en élevant des barrières que l’on résout les problèmes et que l’on améliore la vie en commun. Au contraire, c’est en unissant nos forces pour prendre soin des autres, selon les possibilités réelles de chacun et dans le respect de la loi, en mettant toujours en avant la valeur irrépressible de la vie de tout homme, de toute femme de toute personne…
Il s’agit de s'attaquer aux causes profondes, et non aux pauvres personnes qui en paient les conséquences et qui sont même utilisées pour la propagande politique ! Pour éliminer les causes profondes, il ne suffit pas de camoufler les urgences. Il faut des actions concertées. Il faut aborder les changements d'époque avec une vision large. Parce qu'il n'y a pas de réponses faciles aux problèmes complexes. Il est en revanche nécessaire d'accompagner les processus de l'intérieur pour surmonter les ghettoïsations et favoriser une intégration lente et indispensable, afin d’accueillir les cultures et les traditions des autres de manière fraternelle et responsable…
“Quel monde voulez-vous nous donner ?” Ne fuyons pas trop vite les images crues de leurs petits corps gisants sur les plages. La Méditerranée, qui a uni pendant des millénaires des peuples différents et des terres éloignées, est en train de devenir un cimetière froid sans pierres tombales. Ce grand plan d'eau, berceau de tant de civilisations, est désormais comme un miroir de la mort. Ne permettons pas que la mare nostrum se transforme en une désolante mare mortuum, que ce lieu de rencontre ne devienne pas le théâtre de conflits ! Ne laissons pas cette “mer des souvenirs” devenir la “mer de l’oubli”. Frères et sœurs, je vous en prie, arrêtons ce naufrage de civilisation !…
C’est Dieu que l’on offense en méprisant l'homme créé à son image, en le laissant à la merci des vagues, dans le clapotis de l'indifférence, parfois même justifié au nom de prétendues valeurs chrétiennes. La foi, au contraire, exige compassion et miséricorde – ne l’oublions pas que c’est le style de Dieu : proximité, compassion et tendresse. La foi exhorte à l'hospitalité, à cette filoxenia qui a imprégné la culture classique et qui a trouvé sa manifestation définitive en Jésus, notamment dans la parabole du Bon Samaritain (cf. Lc 10, 29-37) et dans les paroles du chapitre 25 de l'Évangile de Matthieu (cf. vv. 31-46). Ce n'est pas de l’idéologie religieuse, ce sont les racines chrétiennes concrètes. Jésus affirme solennellement qu'il est là, dans l'étranger, dans le réfugié, dans celui qui est nu et affamé. Et le programme chrétien, c’est d'être là où est Jésus.