12 - Prier 15 jours avec Antoine Chevrier : Avec Marie, mère des douleurs

Publié le par Michel Durand

12 - Prier 15 jours avec Antoine Chevrier : Avec Marie, mère des douleurs

Avec Marie, mère de douleurs

« Dans l’incarnation, elle refuse par humilité, (se déclarant) indigne, parce que c’était une gloire ; mais là où il n’y a qu’à souffrir et à être humiliée, elle vient, elle s’avance seule. Témoin de tous les mystères de Dieu, elle vient pour être témoin de celui de notre Rédemption. Elle n’était pas sur le Thabor (la Transfiguration); elle n’était pas à l’entrée triomphante de Jésus (à Jérusalem) ; mais elle vient au Calvaire. Là où il y a à souffrir. Là où il y a à mériter. Là où il y a à être humiliée par des mépris, des affronts. (...). Elle vient partager ceux de son fils. Elle vient offrir son fils comme Abraham. Elle l’avait déjà offert au jour de la Présentation pour obéir à la loi de Moïse, mais alors elle l’avait racheté pour cinq sicles d’argent et il lui avait été rendu. Maintenant, elle ne le rachète pas. Elle ne fait aucune démarche, ni auprès de Pilate, ni des juges, ni des hommes importants de Jérusalem qui avaient été guéris par lui. Rien de tout cela. Elle l’offre volontairement. Jésus s’était livré volontairement et librement à ses bourreaux. Marie vient montrer par sa présence qu’elle l’offre volontairement ». (Commentaire de la quatrième station du Chemin de la Croix, cité par Yves Musset dans « Le chemin du disciple et de l’apôtre »).

Parmi les villes de France, Lyon est une de celles qui ont une histoire de piété mariale des plus enracinées. Il eut été étonnant, par conséquent, qu’Antoine Chevrier n’eut pas un attachement particulier à la Mère du Sauveur, d’autant plus qu’il vécut durant une période où la dévotion à Marie a connu un renouvellement important. Le XIXème siècle est, par excellence, le siècle de la multiplication des apparitions mariales dans la Vieille Europe. Antoine Chevrier a été contemporain de Bernadette Soubirous (décédée, comme lui, en 1879). Il a d’ailleurs été en pèlerinage à Lourdes en 1873 avec ses séminaristes. Il s’est rendu également au sanctuaire de La Salette, autre grand lieu de dévotion mariale depuis les évènements survenus en 1846. Il est allé, aussi, à Lorette, en Italie, en revenant d’un séjour à Rome, là où on vénère depuis 1291 le souvenir de la maison de Marie à Nazareth. A Lyon, une grande Vierge dorée est installée en décembre 1852 au sommet de la chapelle dite « de la Vierge noire », en haut de la colline de Fourvière, relançant pour Marie la vieille pratique lyonnaise des illuminations, et elle surplombe depuis la ville. Quant à l’imposante basiliquebâtie tout contre cette vieille chapelle, ses travaux de construction ont commencé, dans l’allégresse populaire, en 1872, alors qu’Antoine Chevrier aimait monter en pèlerinage jusqu’à ce lieu.

Marie n’occupe pas la première place dans la vie spirituelle d’Antoine : celui-ci est, on le sait, centré tout entier sur Jésus. Mais, comme le relevait le Père Alfred Ancel : « Centré sur Jésus, il rencontre sa mère ». A travers sa méditation des mystères du Rosaire et sa pratique du Chemin de la croix, Antoine Chevrier n’a pas cessé de croiser Marie, toujours là, discrète et active. On conserve de lui de beaux commentaires sur la scène de l’Annonciation, sur celles de la Visitation, de la Nativité, de la Présentation au Temple, du Recouvrement de Jésus- adolescent... Dans la pédagogie apostolique qui est la sienne, c’est ainsi souvent par Marie que le Père Chevrier aura introduit à la connaissance de Jésus-Christ. On l’a déjà rappelé : il récitait régulièrement le chapelet, disait chaque jour, avec la communauté de ceux qui l’entouraient au Prado, plusieurs Ave Maria, notamment pour demander les dons du Saint Esprit, ou encore pour présenter à Dieu, par l’intercession de Marie, les intentions de prière

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que le gens lui avaient confiées. A une de ses correspondantes, Madame Franchet, il écrit : « Mettez tout dans les mains de la Sainte Vierge Marie qui est la grande distributrice des grâces de Dieu » (Lettre n°344 du recueil des « Lettres » publié en 1987).

Un point mérite qu’on s’y attarde : le Père Chevrier était tout particulièrement attaché à l’invocation « Marie, mère de douleurs ». C’est à ce vocable qu’a été bénite la chapelle du Prado, et le Père y tenait de manière absolue. Ainsi, une bienfaitrice du Prado lui avait promis une forte somme d’argent pour son œuvre s’il acceptait de changer le nom de sa chapelle en lui donnant celui de « Notre Dame des anges ». Le Père Chevrier refusa énergiquement.

La dévotion à « Marie, mère des douleurs », est ancienne dans l’Église. Les religieux Servites de Marie (ordre de frères mendiants créé en 1223 par sept saints marchands florentins laïcs) l’ont tout particulièrement développée, surtout à partir du XIVème siècle, époque où sont peintes à leur initiative des représentations de la Vierge au pied de la Croix où la Mère du Seigneur est toute habillée de noir, couleur rappelant la douleur qu’elle souffrit dans la Passion de son Fils. Chaque 15 septembre, au lendemain de la Fête de la Sainte Croix, l’Église célèbre la « Vierge des Douleurs ».

De façon habituelle, les « Sept Douleurs » de Marie dont on fait mémoire sont celles-ci :
1. Marie qui accueille dans la foi la prophétie de Simon lui annonçant qu’un glaive lui transpercera le coeur (voir Luc 2, 34-35) ;
2. Marie qui s’enfuit en Égypte avec Joseph et Jésus (Matthieu 2, 13-14) ;
3. Marie qui cherche Jésus égaré à Jérusalem (Luc 2, 43-45) ;
4. Marie qui vient à la rencontre de Jésus sur le chemin du Calvaire (Luc 23, 26-27) ;
5. Marie au pied de la Croix de son Fils (Jean 19, 25-27) ;
6. Marie qui recueille dans ses bras Jésus déposé de la Croix (Matthieu 27, 57-59) ;
7. Marie qui confie le corps du Seigneur au tombeau, dans l’attente de la Résurrection (Jean 19, 40-42).
Selon le témoignage du Père Ancel, cependant, les « Sept Douleurs » de la Vierge Marie telles qu’elles ont été évoquées au Prado, se rattachaient toutes à la Passion de Jésus : Jésus au jardin des Oliviers, Jésus condamné à mort, Jésus lié et flagellé, Jésus couronné d’épines, Jésus portant sa croix, Jésus mourant sur la croix, Jésus déposé de la Croix et remis à sa Mère.

Antoine Chevrier voit en Marie la première des disciples, et il admire en elle celle qui s’est donnée avec son Fils. Dans sa contemplation presque « en continue » de la Crèche et de la Croix, il voit en même temps la maternité bienheureuse et la mère martyre. A l’enfant de la Crèche que Marie prend dans ses bras, succède le corps mort du Seigneur déposé sur les genoux de sa Mère. Marie, le cœur transpercé par l’épée de la douleur, nous encourage à raviver la foi en Celui qui nous a sauvés en versant son sang en témoignage d’amour absolu pour les hommes. Elle nous indique Jésus comme l’Unique Sauveur prédit et annoncé dès sa naissance comme « lumière pour éclairer les nations et gloire de ton peuple Israël » (Luc 2, 32). Nous pouvons alors dire que « Marie, mère des douleurs » est, dans un certain sens (c’est ce qu’affirme au sujet de la Vierge le grand Saint Irénée dans son traité « Contre les hérésies ») « cause de salut pour elle et pour tout le genre humain ». Et son amour maternel meurtri peut nous pousser à ouvrir notre cœur aux souffrances des hommes.

 

Texte à méditer : Luc 1, 39-56

En ces jours-là, Marie se mit en route
et se rendit avec empressement vers la région montagneuse, dans une ville de Judée.

Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth. Or, quand Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle.
Alors, Élisabeth fut remplie d’Esprit Saint,

et s’écria d’une voix forte :
« Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni. D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? Car, lorsque tes paroles de salutation sont parvenues à mes oreilles, l’enfant a tressailli d’allégresse en moi.
Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles
qui lui furent dites de la part du Seigneur. »

Marie dit alors : « Mon âme exalte le Seigneur,
exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur !
Il s’est penché sur son humble servante ;
désormais tous les âges me diront bienheureuse.
Le Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son nom ! Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent. Déployant la force de son bras, il disperse les superbes.

Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles.
Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides.
Il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour,
de la promesse faite à nos pères, en faveur d’Abraham et sa descendance à jamais. »

Marie resta avec Élisabeth environ trois mois, puis elle s’en retourna chez elle.

 

Voir sur le site du Prado de France

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