14 - Prier 15 jours avec Antoine Chevrier : Le prêtre, un autre Christ
14 – Le prêtre, un autre Christ
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Le prêtre : un autre Christ
« Le sujet de mes réflexions continuelles est celui-ci : Sacerdos alter Christus. Nous devons reproduire dans toute notre vie celle de Jésus-Christ, notre Modèle : être pauvre comme lui dans la crèche, être crucifié comme lui sur la croix pour le salut des pécheurs, et être mangé comme lui dans le sacrement de l’Eucharistie. » (Lettre à l’abbé Gourdon du 22 janvier 1866).
L’illumination intérieure que le Père Chevrier a reçue la nuit de Noël, l’a convaincu qu’il était appelé à faire surgir des prêtres pauvres (parmi les pauvres) pour les pauvres. Comme le faisait remarquer le Père Alfred Ancel, la grâce de cette nuit-là ne fut « pas seulement une grâce de conversion, mais aussi une grâce de fondation ». Dès lors, Antoine portera ce souci en permanence, même s’il eut beaucoup de mal à lui donner un commencement de réalisation, et même s’il fut amené à conduire d’autres œuvres, particulièrement celle de la première Communion pour les adolescents pauvres, et celle de la fondation des Sœurs du Prado (les deux étant, au demeurant, liées).
Il y avait beaucoup de prêtres pieux et fidèles à leur état à l’époque d’Antoine Chevrier. Mais en un temps où l’Église de France considérait qu’elle avait à reconquérir le terrain qu’elle avait perdu en raison des bouleversements qui avaient accompagné et suivi les révolutions de 1789, de 1830 et de 1848, le clergé séculier de cette deuxième moitié du XIXe siècle se pensait surtout comme un corps social qui avait un statut à défendre dans la société, cela non pas en fonction d’intérêts particuliers, mais pour mieux pouvoir faire passer (croyait-on) le message chrétien dans ladite société, à commencer parmi les élites. De ce fait, les prêtres apparaissaient la plupart du temps (malgré l’humilité et la simplicité de vie de beaucoup, particulièrement dans les campagnes) comme des gens ayant du pouvoir sur la société, ou comme étant des alliés des tenants du pouvoir, que celui-ci soit politique, économique ou culturel. Beaucoup d’agressivité s’est alors manifestée à l’encontre des congrégations religieuses (en commençant par les jésuites), accusées de vouloir être les maîtres de toute la société, ayant la main sur les écoles, sur les hôpitaux...
Le clergé séculier était formé pour faire sa sanctification, pour tenir aussi un certain rang révélateur de la dignité de sa charge, et il n’était guère prêt à se mélanger au peuple qui composait pourtant la majorité des habitants (et, encore moins, aux nouvelles masses ouvrières). Or Antoine Chevrier, lui, a vu la misère du peuple. Il a pris conscience avec douleur de l’éloignement des ouvriers par rapport à l’Église et par rapport à Jésus-Christ. En contemplant l’enfant de la crèche, il a alors saisi que, pour rejoindre véritablement les gens, sans les écraser de quelque façon, sans les effrayer en leur laissant craindre que l’Église serait animée de désirs de pouvoir, il fallait que les prêtres aient avant tout le souci d’imiter Jésus-Christ dans son abaissement. Dès Noël 1857, un an après sa conversion, il peut écrire dans son cahier : « Le prêtre est la plus parfaite image de Jésus sur la terre, il est le prêtre de la crèche, du Dieu qui s’humilie jusqu’à prendre ce qu’il y a de plus infime, de plus abject, et se confondre parmi ses créatures dégradées par le péché. Il est le prêtre du Dieu de la crèche, du Dieu de la croix, du Dieu qui a livré son sang pour ses bourreaux, qui a été patient dans les souffrances et le mépris. Le prêtre est établi pour faire revivre toutes les vertus et les exemples de Jésus-Christ, il doit être la plus parfaite image de Jésus-Christ sur la terre (...). La vie de Jésus a été une vie de renoncement, d’expiation et de charité ; je dois en faire autant ».
Cet idéal, nombre de religieux tentaient de le vivre : il était, notamment, celui des ordres mendiants comme les capucins. Mais le Père Chevrier avait acquis la conviction que ce que l’on appelle « les conseils évangéliques » (pauvreté, obéissance et chasteté) devaient être adoptés aussi par le clergé séculier. Car si ce qui fait le prêtre c’est l’imitation de Jésus-Christ, comment celui-ci, séculier comme religieux, ne devrait-il pas renoncer aux biens matériels, à l’exercice de son bon vouloir et « aux créatures » (expression du langage ecclésiastique de l’époque pour désigner les femmes en particulier !)? En ce qui concerne les prêtres du Prado qu’il tentera de former, il écrira en 1878, dans un texte intitulé « But fondamental de l’Association des Prêtres du Prado » : « Nous voulons mener une vie régulière et nous rapprocher le plus possible de la vie des religieux, tels que les franciscains, les carmes, les dominicains, en prenant de leur vie austère et sérieuse tout ce qui peut être compatible avec notre ministère apostolique dans le monde ». A la vie religieuse, Antoine associe une réelle ascèse en vue de la perfection évangélique qui lui paraît pouvoir être imitable, mais il tient à ce qu’il considère être la spécificité du prêtre séculier : rester dans le monde et partager la vie des hommes.
En 1866, il trace avec de la peinture, sur trois murs intérieurs de la maison qui lui a été donnée à Saint-Fons (banlieue est de Lyon), à l’intention des élèves de l’école cléricale qu’il a emmenés avec lui, ce que l’on appelle communément « Le Tableau de Saint-Fons ». Il s’agit d’un grand triptyque où est écrit, en gros, en latin : « SACERDOS ALTER CHRISTUS » (le prêtre est un autre Christ »), avec les deux phrases : « Le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous », et : « Je vous ai donné l’exemple, afin que, comme j’ai fait, vous fassiez vous aussi ». Au-dessous, trois grandes colonnes. Une qui a pour titre : « CRÈCHE », l’autre : « CALVAIRE », et la troisième : « TABERNACLE ». Au bout de ces colonnes, ces affirmations :
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« Plus on est pauvre, plus on s’abaisse, plus on glorifie Dieu, plus on est utile au prochain. Le prêtre est un homme dépouillé ».
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« Plus on est mort, plus on a la vie, plus on donne la vie. Le prêtre est un homme crucifié ».
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« Il faut devenir du bon pain. Le prêtre est un homme mangé ».
Antoine Chevrier était convaincu que toute vie sacerdotale devait être pour les hommes une nourriture vraie, comme l’a été et le demeure la vie de Jésus-Christ. Il donna vingt-trois ans de son existence de prêtre pour faire entendre cela, et pour en témoigner personnellement jusqu’à « mourir de faim » à l’âge de cinquante-trois ans, l’estomac rongé par un ulcère. Il avait pu commencer à former quelques prêtres. Dans les années qui suivirent sa mort, d’autres hommes soucieux d’être, dans son sillage, de « véritables disciples » se sont progressivement manifestés. Des milliers de prêtres ont suivi (aujourd’hui : quelque mille deux cents, dont plus de la moitié hors de France).
Texte à méditer : Jean 13, 1-20.
Avant la fête de la Pâque,
sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout.
Au cours du repas, alors que le diable a déjà mis dans le cœur de Judas, fils de Simon l’Iscariote, l’intention de le livrer,
Jésus, sachant que le Père a tout remis entre ses mains,
qu’il est sorti de Dieu et qu’il s’en va vers Dieu,
se lève de table, dépose son vêtement, et prend un linge qu’il se noue à la ceinture ; puis il verse de l’eau dans un bassin.
Alors il se mit à laver les pieds des disciples
et à les essuyer avec le linge qu’il avait à la ceinture.
Il arrive donc à Simon-Pierre, qui lui dit :
« C’est toi, Seigneur, qui me laves les pieds ? »
Jésus lui répondit :
« Ce que je veux faire, tu ne le sais pas maintenant ; plus tard tu comprendras. »
Pierre lui dit : « Tu ne me laveras pas les pieds ; non, jamais ! »
Jésus lui répondit : « Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi. »
Simon-Pierre lui dit :
« Alors, Seigneur, pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête ! »
Jésus lui dit : « Quand on vient de prendre un bain, on n’a pas besoin de se laver, sinon les pieds : on est pur tout entier. Vous-mêmes, vous êtes purs, mais non pas tous. »
Il savait bien qui allait le livrer ; et c’est pourquoi il disait : « Vous n’êtes pas tous purs. »
Quand il leur eut lavé les pieds, il reprit son vêtement, se remit à table et leur dit :
« Comprenez-vous ce que je viens de faire pour vous ?
Vous m’appelez “Maître” et “Seigneur”, et vous avez raison, car vraiment je le suis. Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds,
vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné
afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous.