il y a un cri, derrière cet acte tragique. Le cri d’un prêtre, qui rejoint le profond malaise de nombreux autres dans l’Église aujourd’hui
2018, deux prêtres se donnent la mort.
2020, trois prêtres se suicident.
2022, un prêtre.
Selon moi, cela fait quand même beaucoup.
Quelle fraternité entre ecclésiastiques, quel soutien des cadres de l’Institution Église ?
Alors que nous parlons beaucoup de gouvernance synodale, je n’en vois pas les effets. Il est vrai que retraité, nous ne sommes, parfois, réunis que pour quelques divertissements pieux. Promenade pélerinage avec repas. Mes temps authentiques de ressourcement, je les trouve à l’intérieur de l’Institut des prêtres des Prado avec la mensuelle (ou presque) réunion d’équipe.
L’évangile de ce jour parle du regard protecteur de Dieu : « Quant à vous, même les cheveux de votre tête sont tous comptés. Soyez donc sans crainte : vous valez bien plus qu’une multitude de moineaux ». Il est question ici des humains, des baptisés. Cela vaut également pour les personnes ayant reçu le sacrement de l’ordre. Celui-ci ne place pas au-dessus de la mêlée. Chaque chrétiens est concerné face à la santé de son frère.
Qu’as-tu fait de ton frère ? Ce sera ma méditation de demain.
Je place celle-ci dans la ligne des pages précédentes. Voir ici
Et aujourd’hui, je ne résiste pas à donne à lire une page d’Isabelle de Gaulmyn.
Mort de François de Foucauld : le cri d’un prêtre
Le prêtre François de Foucauld a mis fin à ses jours, dimanche 1er juillet. Même si on ne peut jamais comprendre un suicide, ce drame doit nous conduire à regarder en face le profond malaise qui affecte les prêtres de l’Église de France.
Le suicide d’un prêtre de Versailles, le père François de Foucauld, a profondément affecté la communauté catholique de l’Ouest parisien. Il faut se garder de toute interprétation ou, pire, récupération. Les « raisons » d’un suicide relèvent de l’intime et conserveront toujours, même si c’est douloureux pour l’entourage, leur part de mystère.
Pourtant, ce suicide touche. Non seulement parce qu’il concerne un prêtre en vue, brillant, entreprenant. Mais aussi parce qu’on le savait en proie à des difficultés avec sa hiérarchie et profondément déstabilisé par des accusations qu’il vivait comme très injustes. Ce suicide nous touche aussi à La Croix, car nous lui avions donné la possibilité de s’exprimer dans une tribune, où il avait livré une analyse sans fard des difficultés de la gestion des prêtres dans un diocèse.
Ce n’est pas le lieu, ici, de chercher les causes, d’accuser sa hiérarchie ou au contraire de relever telle ou telle fragilité psychologique personnelle. En revanche il y a un cri, derrière cet acte tragique, que nous devons être capables d’entendre. Le cri d’un prêtre, qui rejoint le profond malaise de nombreux autres dans l’Église de France aujourd’hui. N’est-il pas temps de nous interroger, collectivement, sur la manière dont nous traitons les prêtres dans notre Église ? Nous fêtons le héros le jour de son ordination, mais ensuite ? Personne ne se préoccupe de savoir comment ils sont soutenus et quelles structures de médiation sont prévues, autres que celles créées par le bon vouloir de l’évêque, qui fait office à la fois de « père » et de patron… Les prêtres ont-ils des temps pour souffler, un accompagnement psychologique, des possibilités de coaching ?
On parle beaucoup de la « grande démission », ce mouvement de fond qui touche les salariés des entreprises refusant de travailler sans voir le sens de leur tâche. Pour les prêtres, cette « grande démission » a commencé voilà bien cinquante ans, avec une chute drastique des vocations, sans que l’on s’en soucie vraiment. Les uns ont accusé le manque de foi : il faut plus prier ! Les autres l’absence de possibilité de mariage – à une époque où le mariage est de plus en plus déconsidéré ! Mais ne faudrait-il pas s’interroger plutôt sur les perspectives qui s’ouvrent devant eux ? La manière dont ils sont nommés dans une paroisse, souvent avec pas mal d’arbitraire, laisse perplexe. On ne gère plus les personnes aujourd’hui comme autrefois… Le seul modèle qui attire encore est celui du XIXe siècle, avec des prêtres très engagés mais selon un type d’Église rigide, hiérarchique, qui ne correspond plus à la réalité. Le concile Vatican II a beaucoup parlé des évêques et des laïcs. Mais très peu des prêtres. Benoît XVI avait décrété une « année du prêtre », mais en donnant comme modèle le saint curé d’Ars, dont le moins que l’on puisse dire c’est qu’il ne rencontrait pas les mêmes problèmes que les prêtres d’aujourd’hui.
Car c’est bien là l’urgence. Notre indifférence à ce que vivent les prêtres est coupable car ils sont au premier rang de la crise très profonde de l’Église. Si la désaffection de la pratique et l’effacement du christianisme de la société sont durs pour nous tous, imaginons combien ils sont terribles pour le prêtre, qui incarne l’institution ! « Nous savons ce que nous sommes en train de perdre, mais nous ignorons ce que nous allons devenir », me confiait l’un d’eux.
La transition est violente, brutale. Beaucoup font preuve d’une grande créativité, mais d’autres s’épuisent. Qui peut affronter seul une telle crise sans vrai soutien de la communauté ? C’est une question qui nous concerne tous, et pas seulement les évêques. Le synode qui vient de se dérouler en France a donné lieu à d’intenses prises de parole. Mais à aucun moment il ne parle des prêtres, sauf pour les critiquer. D’ailleurs, ces derniers n’y ont que peu participé. Un silence significatif. Et inquiétant.