Réunir des chrétiens pour questionner les méfaits d’un régime présidentiel et indiquer les conditions d’un juste synode : marcher ensemble

Publié le par Michel Durand

Réunir des chrétiens pour questionner les méfaits d’un régime présidentiel et indiquer les conditions d’un juste synode : marcher ensemble

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Je remercie Vincent d’avoir communiqué à ses contacts la vidéo que je dépose sur cette page. Et je me dis que prendre le temps de la regarder invite à une réelle réflexion qu’il serait agréable d’avoir en petit groupe. Réflexion du style « révision de vie » pour discerner ce qui, dans nos comportements humains s’opposent à l’Évangile.

Reprenant l’épître à Diognète, je rappelle que les chrétiens, christiens, disciples du Christ vivent comme tous les autres citoyens. Ils ne portent pas de vêtements particuliers ; ils mangent comme tout le monde, vivent n’importe où. Mais, ils ne tuent pas leurs enfants, ceux qui ne seraient pas désirés et ils ne se suicident pas. « Ils obéissent aux lois établies, et leur manière de vivre est plus parfaite que les lois. Ils aiment tout le monde ». La désobéissance civile entre ici en jeu quand la loi s’oppose à l’amour d’autrui, au respect de tous.« Ils s’acquittent de tous leurs devoirs de citoyens, et supportent toutes les charges comme des étrangers ».

 

 

Je me rappelle d’une conversation - et ce souvenir me revient souvent - avec le prêtre Louis Cornet alors qu’il était curé de Paray-le-monial. C’était sans les années 1970.

 

J’entends encore son accent très typique des ruraux de Saône et Loire. « Un parler paysan, me disais-je ». Accent que je lui ai toujours connu et qui allait bien avec son franc parler. Ainsi, alors qu’il était évêque du Puy, je l’entends s’expliquer sur son désaccord avec le général de Gaule. Il était question du pouvoir présidentiel au détriment du parlement.

Voir ici à propos du régime présidentiel.

 

 

Je me souviens de son ardeur, de sa passion et de son engament à bien défendre le rôle du parlement et des citoyens. Vraisemblablement, c’est sa détermination politique, quoique prêtre, qui fit que ce souvenir s’inscrivit profondément dans ma mémoire. Sa passion populaire, soulignée par son accent rural, ne pouvait laisser personne indiffèrent. Le régime présidentiel marginalise tellement le citoyen et le parlement que la vigueur démocratique n’est plus possible. « De Gaulle, président, ce n’est pas bon pour l’homme ».

Si j’en avis encore la possibilité, j’ouvrirai bien une session de formation, un temps d’étude, un séminaire qui réunirait des chrétiens pour agiter ce questionnement. Et, à la recherche d’une réelle démocratie, j’ajouterai des éléments concernant la synodalité. Quelles sont les conditions pour qu’un synode soit vraiment un « marcher ensemble ». La question ne me semble pas posée par les chrétiens que je rencontre sur la paroisse que, localement, je fréquente. Si j’étais encore curé, est-ce que je pourrais susciter le débat ? Ce n’est pas certain.

Mais je reviens auprès de divers courriels reçus la semaine passée. Ils sont la matière d’une véritable révision de vie concernant la position du citoyen conscient de ses devoirs en politique.

Je parle de l’article de René Poujol et de la réponse rédigée par Yan des Entommeures (un pseudo). Je les donnes à lire. Avec la vidéo, La loi, la liberté, un film de Bernard Crutzen,  ils engagent à débattre : au nom de l’Évangile que faisons-nous pour que l’humain ne devienne pas un transhumain technicisé, manipulé, surveillé par un régime politique au service de quelques puissances financières ?

 

 

René Poujol

Législatives : ni surpris, ni déçu… inquiet !

 

Emmanuel Macron restera dans l’Histoire, avec une certaine grandeur, s’il est capable de s’oublier et d’incarner réellement le pays. 

(Cet article a été repris dans Golias Hebdo du 23 juin et dans la lettre Notre pain quotidien du 25 juin. Merci à Christian Terras et Jean-Pierre Roche)

 

Les urnes ont donc rendu leur verdict. Le Président de la République réélu le 24 avril avec 58,55% des voix subit un double échec : non seulement son parti la République en marche n’obtient pas, contrairement à 2017, une majorité absolue de 289 sièges, mais même avec ses « alliés » du Modem et d’Horizons il ne dispose à l’Assemblée nationale que de 245 sièges. Ce qui l’oblige à une forme de cohabitation « interne » à la droite, à défaut d’une cohabitation plus radicale qui eût conduit à Matignon le représentant d’une opposition devenue majoritaire. Du jamais vu martèlent depuis dimanche 19 juin tous les commentateurs. Et pourtant je ne suis, personnellement, ni surpris, ni déçu… simplement mais profondément inquiet ! 

Ni surpris…

Trois chiffres pour une même réalité. Le 19 avril Emmanuel Macron a été reélu, sans bavure, avec 58,55% des suffrages exprimés. Ce qui représente en réalité 38,50 % des électeurs inscrits. Mais si l’on tient compte du fait que deux sur cinq de ceux qui ont voté pour lui (proportion confirmée par tous les analystes) l’on fait pour barrer la route à Marine le Pen, cela signifie que 23,1% seulement des Français ont exprimé à cette occasion leur soutien réel à sa personne et à son programme. Cela ne lui enlève rien de sa légitimité présidentielle mais explique largement le désir de rééquilibrage exprimé par les citoyens lors des législatives.

Dans l’entre deux tours de la Présidentielle, très exactement le 12 avril, je m’étais risqué sur ce blog à écrire qu’il fallait « Imposer la cohabitation au vainqueur, quel qu’il soit… » puisqu’à l’époque on ne savait pas encore qui d’Emmanuel Macron ou de Marine le Pen allait l’emporter. Je me suis vu objecter, parfois avec quelque violence dans le propos, que j’étais à côté de la plaque. L’un affirmant : « Les électeurs ne se déjugeront pas entre la présidentielle et les législatives (…) Je suis prêt à prendre les paris (…) La logique de cette République, qui est un système présidentiel, est de donner une majorité à un président élu. » Un autre ajoutant pour faire bonne mesure à l’adresse de ceux qui auraient pu partager mon point de vue : « Bref, si vous n’avez pas compris le sens des institutions, apprenez au moins celui de l’histoire. Il est très dangereux, socialement et politiquement, d’entretenir l’espoir chimérique d’une cohabitation. » Les deux sont des amis et le resteront. Mais ils se sont trompés ! 

Pouvait-on imaginer que les Français acceptent sans broncher la perspective d’un Président réélu dans les conditions que l’on vient de rappeler, disposant à l’Assemblée nationale d’une majorité absolue ce qui signifiait en clair qu’il étaient « condamnés » à ne pouvoir d’aucune manière ni infléchir ni sanctionner l’action du gouvernement pendant cinq ans, jusqu’à la Présidentielle de 2027 ? Impensable ! Je ne suis donc pas surpris…

… ni déçu… 

Pourquoi faudrait-il, dès l’abord, se lamenter que la Constitution de 1958 qui, on le sait, vise à donner à l’exécutif les moyens de son action permette aussi, en la circonstance – et cela constitue une forme de surprise – d’avoir un Parlement à l’image du pays ? Car le miracle est ici que, sans même réformer les institutions, cette élection législative ait introduit de fait la part de proportionnelle que beaucoup appelaient de leurs vœux. On ne pouvait pas durablement accorder huit députés au Rassemblement National dont la présidente avait obtenu 42% des suffrages à la présidentielle. Les citoyens ont tranché : il en aura 89 ! 

Lundi 20 juin, le quotidien la Croix titrait sur « La France éclatée ». Une réalité ! Mais encore une fois ce n’est pas l’élection qui a fait éclater la France. Elle s’est contentée de mettre en plein jour ce qui est depuis des années la réalité de notre vie politique.

Il n’y a là rien qui soit contraire à nos institutions. Elles prévoient que le Président de la République a rang de chef d’Etat et dispose de prérogatives propres. Les législatives ne remettent pas en cause cet acquis pour Emmanuel Macron. Mais l’article 20 de la Constitution stipule également que : « Le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation. (…) Il est responsable devant le Parlement. » C’est donc désormais sur la base de cette représentation nationale que le chef de l’Etat doit confirmer ou changer de Premier ministre et valider la composition d’un gouvernement qui aura pour priorité de mettre en œuvre le projet qu’il soumettra au Parlement et non, à strictement parler, celui du candidat Emmanuel Macron à l’élection présidentielle. Ce qui ne signifie évidemment pas qu’il soit « hors jeu » et qu’il n’ait pas reçu une forme d’assentiment démocratique. Cela n’aurait pas de sens. Simplement nous voilà revenus à la réalité de notre système politique qui est parlementaire là où nous semblions nous être résignés à sa dérive présidentielle. Je ne suis donc pas déçu…

… mais profondément inquiet ! 

La première question qui va se présenter au pays est bien sa capacité à être gouverné, sans risque de blocage excessif, dans un contexte international particulièrement tendu et menaçant qui exige vigilance, détermination, projet d’avenir, capacité à dépasser les divergences et à s’unir lorsque l’essentiel est en jeu. De ce point de vue on ne sait trop qui, du titulaire de la « transition écologique » ou de celui des « relations avec le Parlement » va être la tête de pont du nouveau gouvernement. Car en l’absence probable de toute coalition de gouvernement entre la majorité présidentielle (245 sièges) et le Parti Républicain (61 sièges) qui, à ce stade, n’en veut pas, pas plus qu’aucune autre formation politique, il va falloir gouverner, au coup par coup, sur des « majorités d’idées » ponctuelles en fonction des projets de réformes envisagées. Ce qui ne sera pas simple et risque de faire perdre un temps précieux même si le débat démocratique y trouve son compte.

Ma seconde inquiétude est qu’une représentation nationale plus conforme à la réalité du pays n’exclut pas pour autant – même si on peut imaginer qu’elle la fait reculer – la tentation de vouloir obtenir ou soutenir dans la rue ce que l’on ne pourrait assez facilement faire voter à l’Assemblée. Et dans un pays où un citoyen sur deux n’a pas jugé bon de se rendre aux urnes (70% des 18-34 ans) le risque reste élevé, si ces « silencieux » (quoi qu’on puisse penser de leur abstention) ne ne se sentent pas écoutés, qu’ils tentent de se faire entendre ailleurs qu’au Parlement, et d’autant plus facilement que le pouvoir leur semblera fragile. 

Enfin, comme je le faisais déjà au lendemain des élections de 2017 en me projetant sur la présidentielle de 2022, je m’interroge sur la recomposition politique qui va accompagner ce quinquennat. Même si, constitutionnellement, Emmanuel Macron ne peut envisager un troisième mandat, peut-on imaginer que la force politique centrale qu’il incarne soit suffisamment justifiée dans le pays pour se succéder à elle-même à travers la personne d’un nouveau leader politique issu de ses rangs ? Et si alternance il doit avoir, avec quelle force politique se fera-t-elle ? Une alternative de droite où le RN ( passé de 8 à 89 députés) pèse déjà d’un poids extrême ? Une alternative de gauche où la France insoumise (passée de 13 à 61 élus) est à ce jour à même de faire prévaloir son leadership ? Bref avec des « extrêmes » même si on peut imaginer que ce n’est pas là spontanément, le désir d’une majorité de Français ?

La France est un pays étrange, capables de toutes les audaces, de tous les coups de sang. Comment transformer ses folies et ses rêves en sagesse ? Contrairement à d’autres, partisans d’un exécutif fort quelle que soit son assise réelle, je vois dans le résultat de ces législatives une forme de pari démocratique. Un pari risqué, fragile si le souci du Bien commun disparaît derrière les surenchères idéologiques et la prétention de chacun à faire prévaloir SA vérité. Le véritable défi d’Emmanuel se situe là. Nul doute qu’il désire rester dans l’Histoire avec une image qui soit à la hauteur de l’idée qu’il se fait de lui-même. et qui n’est pas médiocre ! Il y restera, avec une certaine grandeur, s’il est capable de s’oublier et d’incarner réellement le pays. 

René Poujol

 

 

 

Yann des Entommeures

Après les élections : des inquiétudes et des espoirs

 

Le décryptage de l’actualité politique (« Législatives : ni surpris, ni déçu… inquiet ! »), que propose René Poujol dans le numéro 726 de Golias Hebdo au lendemain des élections, m’a vivement interpellé sur deux points.

Je ne trouve rien de fondamental à redire sur la première moitié de la contribution, qui démontre notamment la faiblesse de l’assise électorale d’Emmanuel Macron. René Poujol évalue à « 23,1 % seulement des Français » la proportion de nos compatriotes qui, au second tour de l’élection présidentielle, ont « exprimé à cette occasion leur soutien réel à sa personne et à son programme » : 23,1%, compte tenu de l’abstention mais aussi du fait que « deux [électeurs] sur cinq » ont voté pour le président sortant afin de « barrer la route à Marine Le Pen ». 23,1 % est simplement un peu trop généreux… Si l’on prend en compte les non-inscrits en plus des abstentionnistes, on tombe encore plus bas.

 

Cette analyse effectuée, René Poujol exprime plusieurs « inquiétudes ». Il se demande notamment comment va s’effectuer la « recomposition politique » pendant les cinq prochaines années, et quelles alternances seront possibles en 2027 après dix années de macronisme. Il s’inquiète à la fois d’une « alternative de droite » polarisée par le RN et d’une « alternative de gauche » sous la houlette de LFI : il y voit un risque que triomphent « des “extrêmes” » contre « le désir d’une majorité de Français ». Le discours qui consiste à placer, dans le même sac « extrémiste », les blocs actuellement dirigés par les deux principales figures d’opposition fait certes actuellement florès ! Le Point n’a-t-il pas titré cette semaine, sur une photographie d’un petit Macron entouré des visages menaçants de ses deux concurrents les plus influents : « la tragédie française : dans l’étau lepéno-mélenchoniste » ? Que les médias et les forces favorables au président en place renvoient dos à dos le RN et la NUPES pour essayer de donner une image de modération à leur champion peut encore se comprendre, mais cela étonne beaucoup plus que des analystes réfléchis issus d’un christianisme progressiste reprennent ces éléments de langage et de propagande, fût-ce avec des guillemets.

L’assignation du RN à l’extrême droite est incontestable, la prétendue « dédiabolisation » de l’ancien FN masquant très mal la continuité abjecte des fondamentaux racistes, à base de « préférence nationale » et de rejet de l’autre. À l’inverse, l’assimilation de LFI (et plus encore de la NUPES) à l’extrémisme a-t-il un sens ? Qu’un Laurent Wauquiez associe LFI et EELV à « l’extrême gauche » dans ses déclarations publiques (ou sur les tracts des candidats de son parti aux législatives dans des circonscriptions d’Auvergne-Rhône-Alpes) n’est dénué ni d’intérêt ni d’une certaine logique : qu’il tienne un tel discours révèle assurément sa propre dérive vers l’extrême droite. En revanche, sur le plan de l’histoire, de la philosophie ou de la sociologie politique, l’identification de la galaxie mélenchoniste à l’extrême gauche est absurde. Extrémiste, un mouvement qui prône depuis des années une « révolution citoyenne » par la voie des urnes ? Extrémiste, un leader qui a fait l’essentiel de sa carrière au PS tout en se réclamant, avec une belle continuité jusqu’à aujourd’hui, de Mitterrand ? Extrémiste, LFI qui s’allie avec EELV et avec ce qu’il reste du PS, quitte à présenter parfois des candidats qui soutenaient Macron il y a cinq ans ? Ce n’est pas sans raison que bien des courants d’extrême gauche – la vraie ! qu’elle soit anarchiste ou trotskiste – trouvent Mélenchon bien trop intégré dans le jeu des institutions… Comment croire par ailleurs que le projet porté par Emmanuel Macron serait frappé d’une quelconque manière du sceau de la modération ? Modéré, l’insondable mépris social dont témoigne la volonté de subordonner le RSA à des heures de travail contraint ? Modérée, la casse continue des services publics et des protections collectives ? Modérée, la fuite en avant dans le nucléaire ?

René Poujol craint par ailleurs que beaucoup de Français ne soient tentés, dès lors que la « représentation nationale » n’est « plus conforme à la réalité du pays », « de vouloir obtenir ou soutenir dans la rue » ce qu’ils ne pourraient « faire voter à l’assemblée ». Mais qu’est-ce donc que « la rue » ? Si l’auteur craint une multiplication des agressions commises sur la voie publique par des nervis identitaires, agressions dont le nombre est déjà fort préoccupant, je partage pleinement son inquiétude. Si « la rue » désigne le mouvement social organisé, les manifestations des jeunes pour le climat, l’activisme féministe ou antiraciste, quelle inquiétude y a-t-il au contraire à avoir ? La seule chose qui devrait inquiéter serait que cette « rue »-là reste atone dans un contexte de droitisation généralisée, droitisation qu’attestent aussi bien la course mondialisée aux armements que la puissance des courants religieux extrémistes, la remise en cause du droit à l’avortement aux États-Unis ou l’aggravation des inégalités sociales, le tout sur fond de canicules et de dérèglement climatique.

René Poujol estime qu’Emmanuel Macron « restera dans l’histoire » à condition d’être « capable de s’oublier et d’incarner réellement le pays ». Je ne me fais pour ma part, comme la plupart des Français, absolument aucune illusion. Le président continuera d’incarner le capitalisme et le productivisme les plus plats, en essayant de nous bercer de discours creux. À nous de faire échec à son projet par des mobilisations pacifiques mais déterminées, dans la conscience qu’une démocratie vivante ne se réduit pas à la démocratie “représentative” – surtout par les temps qui courent ! Ce qui n’empêche pas de souhaiter que les députés de gauche de la NUPES poussent au maximum leurs propositions à l’assemblée…

Yann des Entommeures

 

 

 

Il a fallu déjà beaucoup de temps pour lire ces deux articles et je souhaite que vous ayez encore le loisir, le courage, de regarder cette vidéo. Cela prendra une heure. La question d’une juste gouvernance est bien posée. Selon moi, en tant que disciple du Christ, parce que christien, je ne peux accepter un mode de présidence qui, brimant mon libre arbitre, me surveille au point de m’aliéner disant que l’homme augmenté contribue à mon bonheur. Comment le Parlement, dans un régime présidentiel, peut-il protéger les plus petits des humains des emprises capitalistes ?

Dans le but d’alimenter débat, regardons cette vidéo :

 

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