Le directeur de l’institut de liturgie, Catho de Paris, pilote plusieurs groupes pour penser le nouveau mobilier. Guillaume Bardet est choisi
Mise en situation d’une partie du futur mobilier liturgique de Notre-Dame de Paris : l’autel, l’ambon (à d.) et la cathèdre (à g.). GUILLAUME BARDET
Nous avons déjà regardé la vidéo qui montre le mobilier liturgique de Notre-Dame de Paris. Je ne me fatigue pas de dire que nous avons là un superbe exemple de la présence de l’art contemporain sacré, art liturgique dans un espace patrimonial chrétien. Avec cet autel, nous voyons le monde actuel, au sein de la liturgie catholique.
Quel bonheur ! Je me sens en dialogue avec les artistes qui ont montré leurs œuvres, à Lyon, au cours d’une des biennales d’art sacré actuel (BASA). Voir ici....
Vraiment avec Notre-Dame de Paris, l’art contemporain entre dans l’Église en déplaise aux partisans de refaire à l’identique et aux amateurs de neopaléochrtiens, néo carolingiens, néoromans, néogothiques, néoclassiques…
J’extrais du quotidien La Croix ce passage qui illustre à merveille ma pensée :
Chapitre 3 : un conflit entre les anciens et les modernes
En décembre 2022, la troisième visite de chantier de La Croix offre une surprise spectaculaire concernant l’avancée des travaux, le nouveau visage de Notre-Dame qu’ils sont en train de révéler. La phase de sécurisation de l’édifice s’est close officiellement en août 2021 et, depuis, les efforts déployés à l’intérieur de la cathédrale lui donnent un « nouvel éclat » comme le titre la Une du journal. Plus de trois cents femmes et hommes s’activent alors sur le site. À l’intérieur, 1 200 tonnes d’échafaudages dressés sur 15 niveaux épousent chaque volume de la nef, des transepts.
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`Les 42 000 m2 de pierres murales sont en train de retrouver toute leur blondeur. Dans le chœur, les douze chapelles révèlent l’éclat des peintures de Viollet-le-Duc, festival de rouges, de verts, de bleus et d’ors. La clôture, long relief polychrome, promet d’être un choc visuel pour les futurs visiteurs. « Le résultat est déjà impressionnant, l’ensemble retrouve toute sa cohérence », témoigne ce jour-là Maud Pouliot, restauratrice au sein de l’atelier Marc Philippe.
Le projet du diocèse attaqué
Dans le concert métallique incessant des échafaudeurs qui montent et démontent leurs mikados, c’est une nouvelle cathédrale qui est en train d’apparaître. Le drame de l’incendie qui aura permis cette renaissance est aussi l’occasion d’un renouveau de l’espace liturgique. Sur ce dossier-là, les projets commencent enfin à se préciser, après bien des atermoiements.
Aux lendemains de l’incendie, Mgr Michel Aupetit, archevêque de Paris, confie le pilotage de la réflexion sur l’aménagement de la cathédrale à son vicaire général, Mgr Benoist de Sinety. Le père Gilles Drouin, directeur de l’institut supérieur de liturgie à la Catho de Paris, pilote plusieurs groupes de travail pour penser le nouveau mobilier, l’espace liturgique et le parcours des touristes ou pèlerins au sein de l’édifice. Mais le 7 décembre 2021, une tribune dans Le Figaro, signée notamment par Alain Finkielkraut et Stéphane Bern, critique le modernisme d’un projet pourtant non encore arrêté.
« Ce que l’incendie a épargné, le diocèse veut le détruire », cinglent ceux qui refusent toute atteinte à l’œuvre de Viollet-le-Duc. Au cœur de la tempête, déjà, le changement de certains vitraux de la nef. Des grisailles de six chapelles du bas-côté sud que le diocèse envisage de remplacer par des œuvres contemporaines figuratives.
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En décembre 2021, la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture donne un avis globalement positif au programme présenté par le diocèse. Mais entre-temps, Mgr Aupetit a présenté sa démission au pape. Nommé en avril 2022, son successeur, Mgr Laurent Ulrich, reprend le dossier en main.
Le père Drouin est écarté et Mgr Olivier Ribadeau Dumas nommé nouveau recteur de la cathédrale. Si les grands axes du projet sont maintenus, le nouvel archevêque décide de changer de méthode et organise un concours d’architecture pour la réalisation du mobilier liturgique. « Ce n’est pas idéal car concevoir un nouvel autel suppose des échanges, des allers-retours, remarque un architecte. Cela a toutefois amené un peu de cohérence dans la procédure. »
Épilogue, en juin 2023 : après avoir recueilli l’avis d’un comité artistique, Mgr Laurent Ulrich choisit de confier à Guillaume Bardet la création du mobilier liturgique et à Ionna Vautrin la réalisation des chaises de Notre-Dame de Paris. Ils rejoignent Sylvain Dubuisson, déjà retenu pour réaliser le nouveau reliquaire de la couronne d’épines du Christ. Chantier dans le chantier, l’aménagement liturgique a fini par aboutir.
Le choix du mobilier liturgique - ici les chaises conçues par le designer Guillaume Bardet - ont suscite d’âpres débats. / Patrick Zachmann / ©Patrick Zachmann / Magnum Phot