Non loisir (travail), détente, loisir
Comme je l'ai indiqué précédemment, dans cette catégorie "anthropologie", je donne diverses réflexions sur le sens, ou non sens, du travail.
Textes qui me semblent d'une grande importance alors qu'on veut augmenter la durée du travail salarié tout en critiquant "mai 68".
Cette semaine, je vous propose la réflexion de Paul Moreau. Paul Moreau, philosophe, se présente lui-même au début de son intervention. Celle-ci fut donnée au cours du Colloque "travail et temps libre" organisé par L'Association Confluences.
5. Le loisir
Cette semaine, je vous propose la réflexion de Paul Moreau. Paul Moreau, philosophe, se présente lui-même au début de son intervention. Celle-ci fut donnée au cours du Colloque "travail et temps libre" organisé par L'Association Confluences.
Intervention de Paul Moreau
5. Le loisir

Je précise ce qu’il en est du loisir dans les sociétés industrielles ou post-industrielles.
Dans la société industrielle ce que l’on appelle loisir n’est qu’une compensation, un délassement, une détente. Cette caractéristique du temps libre, un auteur ancien en avait vu le sens et avait mis en garde contre la tentation de le prendre pour le temps du loisir. C’est Aristote. Aristote dans “Le Politique” pose la question suivante : “Quelle est l’activité qui mérite d’apparaître pour l’homme comme procurant par elle-même 1e plaisir, 1e bonheur, 1a félicité ?” Question de philosophe : Aristote disait : “ce ne peut pas être le travail”. Il est vrai que lui et beaucoup de ses amis philosophes vivaient sans travailler pour se consacrer à la philosophie.
Je crois que l’histoire ne change souvent rien fondamentalement à des enjeux. Aristote pose des questions qui n’ont pas vieilli aujourd’hui. Donc, cette activité ce ne peut pas être le travail. Est-ce que ça peut être le jeu ? C’est-à-dire tout ce qui peut apparaître comme procurant un certain plaisir. Mais le jeu, dit Aristote, est lui-même un délassement, une détente. Donc ce n’est qu’un moyen du travail. Donc le jeu ou ce que nous appelons souvent le loisir, la détente, c’est un moyen au second degré ; travail au premier degré, et détente au second degré.
Vous remarquerez que parmi nos contemporains, et peut-être nous-mêmes, nous consacrons beaucoup de notre temps libre à des activités qui sont de délassement. D’où la question : est-ce que nous avons le souci, dans notre vie, de chercher des activités qui puissent par elles-mêmes nous procurer le plaisir, le bonheur, la félicité, des activités dans lesquelles nous puissions vraiment être homme ? Aristote désigne en creux cette activité en employant un terme grec usuel scholè. Notre mot français loisir traduit le latin otium, lequel traduit le grec scholè. En somme pour Aristote et pour les Grecs en général, l’activité de l’homme libre, c’est tout ce à quoi peut contribuer le travail et qui, en fait, est ce par quoi on prend souci de soi-même. Pour prendre une expression qui est dans le style socratique , lorsque Socrate dit “connais-toi toi-même”, cela est lié à l’injonction : prends soin de toi-même, prends soin de tes affaires, sans doute prends soin de ton corps, et surtout prends soin de ton âme, c’est-à-dire réfléchis à ce qui, dans ton existence, mérite d’être considéré comme ayant la plus grande valeur.
Vous voyez que souvent dans le travail, nous prenons soin de nos affaires, peut-être de notre corps, et nous n’avons guère le souci de prendre soin de notre âme.
Dans la société industrielle ce que l’on appelle loisir n’est qu’une compensation, un délassement, une détente. Cette caractéristique du temps libre, un auteur ancien en avait vu le sens et avait mis en garde contre la tentation de le prendre pour le temps du loisir. C’est Aristote. Aristote dans “Le Politique” pose la question suivante : “Quelle est l’activité qui mérite d’apparaître pour l’homme comme procurant par elle-même 1e plaisir, 1e bonheur, 1a félicité ?” Question de philosophe : Aristote disait : “ce ne peut pas être le travail”. Il est vrai que lui et beaucoup de ses amis philosophes vivaient sans travailler pour se consacrer à la philosophie.
Je crois que l’histoire ne change souvent rien fondamentalement à des enjeux. Aristote pose des questions qui n’ont pas vieilli aujourd’hui. Donc, cette activité ce ne peut pas être le travail. Est-ce que ça peut être le jeu ? C’est-à-dire tout ce qui peut apparaître comme procurant un certain plaisir. Mais le jeu, dit Aristote, est lui-même un délassement, une détente. Donc ce n’est qu’un moyen du travail. Donc le jeu ou ce que nous appelons souvent le loisir, la détente, c’est un moyen au second degré ; travail au premier degré, et détente au second degré.
Vous remarquerez que parmi nos contemporains, et peut-être nous-mêmes, nous consacrons beaucoup de notre temps libre à des activités qui sont de délassement. D’où la question : est-ce que nous avons le souci, dans notre vie, de chercher des activités qui puissent par elles-mêmes nous procurer le plaisir, le bonheur, la félicité, des activités dans lesquelles nous puissions vraiment être homme ? Aristote désigne en creux cette activité en employant un terme grec usuel scholè. Notre mot français loisir traduit le latin otium, lequel traduit le grec scholè. En somme pour Aristote et pour les Grecs en général, l’activité de l’homme libre, c’est tout ce à quoi peut contribuer le travail et qui, en fait, est ce par quoi on prend souci de soi-même. Pour prendre une expression qui est dans le style socratique , lorsque Socrate dit “connais-toi toi-même”, cela est lié à l’injonction : prends soin de toi-même, prends soin de tes affaires, sans doute prends soin de ton corps, et surtout prends soin de ton âme, c’est-à-dire réfléchis à ce qui, dans ton existence, mérite d’être considéré comme ayant la plus grande valeur.
Vous voyez que souvent dans le travail, nous prenons soin de nos affaires, peut-être de notre corps, et nous n’avons guère le souci de prendre soin de notre âme.