ETRE OPTIMISTE DANS UN MONDE QUI AGONISE ? - 5
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merci de votre lecture, assurément critique. Je suis bien sûr à l'écoute de vos critiques, même si vous me dites, comme je viens de le lire, que je ne suis « qu'un anarchiste » donc « hérétique. »
Une place au spirituel
Je voudrais à nouveau préciser ma pensée, à propos du jugement que je porte, après bien d'autres, sur l'économie en la qualifiant d'économisme.
Aujourd'hui, l'analyse de nombreux problèmes passe nécessairement par le crible de multiples recherches : sociologique, politique, géo-politique, économique, etc... Alain Peyrefitte nous présente, dans "Le Mal Français", " une tentative d'échapper à la loi des genres." Comment ces sciences, ces disciplines peuvent-elles, doivent-elles s'équilibrer entre elles ? Est-ce que les équipes d'études pluridisciplinaires arrivent à un dialogue tel que les divers angles d'attaque du problème soumis à l'analyse s'harmonisent en fonction de l'objet étudié, ou, au contraire, est-ce que les spécialistes n'ont pas tendance à vouloir faire du problème, leur problème. Il n'y a que la politique qui peut expliquer cela... il n'y a que la sociologie... mais non, ce cas est exclusivement économique... C'est elle qui peut tout expliquer ! Nous connaissons la théorie marxiste : "Marx passe encore souvent pour un économiste. On lui attribue (soit pour l'approuver, soit pour le critiquer) un déterminisme économique, selon lequel les forces productives et leur niveau entraîneraient par une sorte de mécanisme ou d'automatisme les autres rapports et formes constitutives du social : rapport de propriété, institutions et idées" (Henri Lefebvre).
Madrid, folie des grandeurs ? Nouvelle Babel ?
Sans aller jusque là, trop d'économistes veulent que tout passe par eux. Ils se donnent la place d'honneur dans la recherche pluridisciplinaire : trois quart de place pour l'économie, un quart pour tout le reste. Ce n'est pas qu'ils veulent imposer leur personne, non; c'est que leur foi en la domination du monde par l'économie est telle qu'ils ne peuvent pas imaginer autrement l'approche d'un problème. Et puis, l'économie travaille avec des chiffres, avec du solide. Les appréciations analytiques et synthétiques d'un historien, d'un géographe, éthnographe, sociologue, politologue... ressemblent bien trop à de la poésie. Ils rêvent ces gens-là, pensent les tenants de la science considérée comme la plus exacte.
Roger Garaudy, dans "Parole d'homme", estime que la prospective est vraiment nécessaire à notre temps, et que celle-ci doit se penser à long terme, tant en économie qu'en politique. Il convient, dans ce cas, de prendre en compte toutes les dimensions de la vie humaine. Ainsi, pour lui, l'écart entre les pays du Tiers-Monde et les pays industrialisés serait largement réduit s'il existait "une prospective engagée dans un véritable dialogue des civilisations." Même les économies des pays développés y trouveraient un avantage. "Mais cela supposerait, en ce domaine comme en bien d'autres, que le culturel précède l'économique, c'est-à-dire que la réflexion sur les fins précède la réf1exion sur les moyens et l'organisation des moyens." C'est moi qui souligne.
Voilà bien l'essentiel : ne pas se contenter des réflexions économiques, éco-politiques qui se limitent au court et au moyen terme. Dans notre étude sur l'agriculture, celle dont il est question ci-dessus, nous avons constaté qu'une solution n'existera pas vraiment tant qu'on en restera, par économisme, au seul court terme. Il est urgent d'envisager la nécessité de considérations philosophiques, morales, esthétiques, spirituelles. Celles-ci sont aussi importantes que l'indispensable science économique. Oui, je ne nie pas la valeur de l'économie ; je dis seulement qu'elle doit être mise en relation avec les autres études sur l'homme, même si celles-ci n'offrent pas la même fiabilité scientifique.
Je me résume.
Pour que la recherche pluridisciplinaire porte tous ses fruits, il faut que les diverses disciplines déterminent leur ampleur et leur importance selon le fait étudié et non selon la personne qui accomplit l'étude.
N'est-ce pas cela l'objectivité ? N'est-ce pas ainsi que l'on répond aux appels du réel ? Si ce réel nécessite, pour qu'il soit bien compris, une pensée métaphysique, pourquoi ne pas donner à cette dernière toute la place nécessaire ? Je revendique donc une place à la philosophie, même une petite place, au moins pour "retarder l'horreur, sauver ce qui peut l'être et refuser l'intolérable." Bernard-Henri Lévy, de qui vient cette citation, prétend que "l'intellectuel anti-barbare sera d'abord métaphysicien."