Les migrants sont notre monde.

PEUGEOT Patrick, président de laCimade,
dans le Quotidien "La Croix" (Paru le : mardi 22/07/2008)
Quel souvenir laissera dans l'Histoire l'Europe du début du XXIe siècle ? Loin des espoirs humanistes des siècles précédents, le continent européen s'enlise dans
une politique de fermeture, de rejet de l'autre. La perception de l'immigration se fait avant tout sur le mode de l'invasion, contre laquelle il faudrait se prémunir, et les migrants deviennent
des boucs émissaires commodes des maux de nos sociétés. Les droits humains sont alors sacrifiés.
Dernier exemple en date, la directive que les députés européens ont adoptée le 18 juin dernier banalise l'enfermement des migrants. Cette « directive de la honte » fixe à dix-huit mois la durée légale de rétention pour des personnes dont le seul délit est d'être sans papiers et autorise l'enfermement des mineurs. Quant au pacte européen « fondateur d'une politique commune de l'immigration et de l'asile » que propose la présidence française, il repose sur cinq engagements : un meilleur contrôle des frontières pour « protéger l'Europe » ; l'organisation de l'immigration légale en fonction des capacités d'accueil de chaque État ; l'éloignement « effectif » des sans-papiers ; la création d'un système d'asile commun ; la promotion du codéveloppement et de l'aide au développement en vue de la réduction des flux migratoires.
Il s'agit encore d'un renforcement de la tendance à la fermeture à l'œuvre depuis la signature de la convention de Schengen en 1990 ; au nom de la protection d'un espace intérieur de prospérité et sous prétexte du risque de « l'appel d'air », les États européens érigent des barrières administratives toujours plus strictes et des barrières physiques toujours plus sophistiquées. Ainsi, en 2007, l'ONG Fortress Europe dénombre 2 245 morts et disparus aux frontières de l'Europe ! En guise de réponse à ce drame humain, l'Europe tente de dissimuler le problème, afin que l'essentiel reste invisible aux opinions publiques, en sous-traitant aux États mitoyens comme la Libye et le Maroc le refoulement des migrants.
Certes, la fermeture n'est pas totale, et l'apport économique des migrants est progressivement mieux reconnu. L'Europe entend choisir « ses » migrants en poussant les États membres à adopter des quotas de travailleurs à la mesure de leurs besoins. Or, favoriser l'immigration économique au détriment de l'immigration familiale n'est pas justifié, dans la mesure où les migrants familiaux occupent le plus souvent des emplois très productifs, notamment ceux exigeant peu de qualification. De plus, la généralisation de la précarité juridique des migrants est un obstacle majeur dans la compétition entre les pays pour attirer les plus qualifiés. Sans compter que ces quotas sont discriminatoires et portent atteinte aux droits fondamentaux des migrants, dont celui de vivre en famille. C'est là peut-être le plus grave : l'Europe renonce progressivement à ses valeurs. De même pour les réfugiés, avec le nivellement par le bas que préfigure le projet actuel de système d'asile commun.
Parce qu'ils pensent qu'il s'agit de la solution du « problème » migratoire, les gouvernements assortissent cette politique de fermeture d'un volet « codéveloppement » ou d'aide en retour. L'aide devient une monnaie d'échange dans le cadre des négociations des « accords de gestion concertée des flux migratoires et du codéveloppement » que préconise la France au niveau européen, alors qu'il est démontré que l'effet de ce type de développement sur la baisse des flux migratoires n'est qu'à long terme.
Tant que le décalage entre pays riches et pays pauvres sera celui que l'on connaît aujourd'hui, des étrangers aspireront tout simplement à un avenir meilleur pour leur famille comme pour leurs enfants et tenteront de franchir les frontières des pays développés. Ainsi, dans un espace désormais mondialisé, les migrations et le droit à la mobilité sont devenus des enjeux majeurs pour le XXIe siècle. Humaniste, dynamique et solidaire, l'Europe doit réapprendre à accueillir l'étranger, ces hommes, ces femmes et ces enfants qui fuient la misère, les conflits et l'oppression. Il est temps pour l'Europe de changer de cap, d'élaborer une politique d'accueil des migrants qui soit respectueuse des droits de l'homme, qui privilégie le « vivre ensemble » et qui instaure des relations de solidarité avec les pays voisins. Une telle politique, respectueuse de la dignité et des libertés fondamentales, est d'autant plus nécessaire que l'Europe a besoin du dynamisme des migrants de toutes origines pour contrecarrer les conséquences du vieillissement de sa population. Plus encore, elle peut y retrouver son âme.
L'Europe est et doit rester une terre d'accueil. Parce que les migrants sont notre monde et qu'ils font celui de demain, nous devons réfléchir ensemble, au Nord et au Sud, aux moyens de construire une politique migratoire concertée, qui respecte le droit international et se fonde sur les principes d'humanité, d'égalité et de justice.
Dernier exemple en date, la directive que les députés européens ont adoptée le 18 juin dernier banalise l'enfermement des migrants. Cette « directive de la honte » fixe à dix-huit mois la durée légale de rétention pour des personnes dont le seul délit est d'être sans papiers et autorise l'enfermement des mineurs. Quant au pacte européen « fondateur d'une politique commune de l'immigration et de l'asile » que propose la présidence française, il repose sur cinq engagements : un meilleur contrôle des frontières pour « protéger l'Europe » ; l'organisation de l'immigration légale en fonction des capacités d'accueil de chaque État ; l'éloignement « effectif » des sans-papiers ; la création d'un système d'asile commun ; la promotion du codéveloppement et de l'aide au développement en vue de la réduction des flux migratoires.
Il s'agit encore d'un renforcement de la tendance à la fermeture à l'œuvre depuis la signature de la convention de Schengen en 1990 ; au nom de la protection d'un espace intérieur de prospérité et sous prétexte du risque de « l'appel d'air », les États européens érigent des barrières administratives toujours plus strictes et des barrières physiques toujours plus sophistiquées. Ainsi, en 2007, l'ONG Fortress Europe dénombre 2 245 morts et disparus aux frontières de l'Europe ! En guise de réponse à ce drame humain, l'Europe tente de dissimuler le problème, afin que l'essentiel reste invisible aux opinions publiques, en sous-traitant aux États mitoyens comme la Libye et le Maroc le refoulement des migrants.
Certes, la fermeture n'est pas totale, et l'apport économique des migrants est progressivement mieux reconnu. L'Europe entend choisir « ses » migrants en poussant les États membres à adopter des quotas de travailleurs à la mesure de leurs besoins. Or, favoriser l'immigration économique au détriment de l'immigration familiale n'est pas justifié, dans la mesure où les migrants familiaux occupent le plus souvent des emplois très productifs, notamment ceux exigeant peu de qualification. De plus, la généralisation de la précarité juridique des migrants est un obstacle majeur dans la compétition entre les pays pour attirer les plus qualifiés. Sans compter que ces quotas sont discriminatoires et portent atteinte aux droits fondamentaux des migrants, dont celui de vivre en famille. C'est là peut-être le plus grave : l'Europe renonce progressivement à ses valeurs. De même pour les réfugiés, avec le nivellement par le bas que préfigure le projet actuel de système d'asile commun.
Parce qu'ils pensent qu'il s'agit de la solution du « problème » migratoire, les gouvernements assortissent cette politique de fermeture d'un volet « codéveloppement » ou d'aide en retour. L'aide devient une monnaie d'échange dans le cadre des négociations des « accords de gestion concertée des flux migratoires et du codéveloppement » que préconise la France au niveau européen, alors qu'il est démontré que l'effet de ce type de développement sur la baisse des flux migratoires n'est qu'à long terme.
Tant que le décalage entre pays riches et pays pauvres sera celui que l'on connaît aujourd'hui, des étrangers aspireront tout simplement à un avenir meilleur pour leur famille comme pour leurs enfants et tenteront de franchir les frontières des pays développés. Ainsi, dans un espace désormais mondialisé, les migrations et le droit à la mobilité sont devenus des enjeux majeurs pour le XXIe siècle. Humaniste, dynamique et solidaire, l'Europe doit réapprendre à accueillir l'étranger, ces hommes, ces femmes et ces enfants qui fuient la misère, les conflits et l'oppression. Il est temps pour l'Europe de changer de cap, d'élaborer une politique d'accueil des migrants qui soit respectueuse des droits de l'homme, qui privilégie le « vivre ensemble » et qui instaure des relations de solidarité avec les pays voisins. Une telle politique, respectueuse de la dignité et des libertés fondamentales, est d'autant plus nécessaire que l'Europe a besoin du dynamisme des migrants de toutes origines pour contrecarrer les conséquences du vieillissement de sa population. Plus encore, elle peut y retrouver son âme.
L'Europe est et doit rester une terre d'accueil. Parce que les migrants sont notre monde et qu'ils font celui de demain, nous devons réfléchir ensemble, au Nord et au Sud, aux moyens de construire une politique migratoire concertée, qui respecte le droit international et se fonde sur les principes d'humanité, d'égalité et de justice.