Des soutiens aux sans-papiers demandent à être poursuivis
Pierre Durieu du service de communication de l'Eglise catholique de Lyon me signale cet article paru dans "Le Monde".
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Le Monde : Jeudi 26 Mars 2009
Militants associatifs, simples citoyens, ils veulent, le 8 avril, se présenter devant le palais de justice de plusieurs grandes villes comme "prisonniers volontaires" pour avoir aidé, un jour, un homme ou une femme sans papiers en difficulté.
"Aujourd'hui, il est devenu criminel d'accueillir, d'accompagner ou seulement d'aider une personne en situation irrégulière. Si la solidarité devient un délit, nous demandons à être poursuivis pour ce délit !", lancent, dans un appel commun, plusieurs associations dont Emmaüs France, la Cimade, le Gisti, la Fédération protestante de l'entraide, le Secours catholique et RESF.
La perquisition dans les locaux d'Emmaüs à Pointe-Rouge, à Marseille, et le placement en garde à vue d'un de ses responsables le 16 février, à la suite de l'interpellation d'un sans-papiers accueilli par la communauté, a suscité un vif émoi au sein du milieu associatif. D'autant que ce fait n'est pas isolé. "La liste est longue des militants associatifs ou des citoyens ordinaires poursuivis pour avoir manifesté leur solidarité à l'égard de migrants privés de droit au séjour. Alors demain votre médecin sera-t-il interpellé pour avoir soigné un sans-papiers malade ? L'instituteur de vos enfants sera-t-il inquiété pour avoir appris à lire à un enfant dont les parents sont en situation irrégulière ?", interpellent les associations dans leur appel, tout en citant une annexe au projet de loi de finances 2009 récapitulant les crédits pour la mission immigration, asile et intégration.
Selon ce document, le nombre d'interpellation d'"aidants" aux sans-papiers s'est élevé à 4 365 en 2006, 4 504 en 2007, et à quelque 4 800 en "prévision actualisée" en 2008. Et l'objectif est d'en réaliser 5 000 en 2009 et 5 500 en 2010. Depuis la sortie du film de Philippe Lioret Welcome, le ministre de l'immigration, Eric Besson, ne cesse de répéter que la police "traque les passeurs, pas les migrants ou ceux qui les aident".
DES CONCUBINS POURSUIVIS
Reste que des procédures judiciaires pour aide au séjour irrégulier vont aujourd'hui jusqu'à concerner des concubins français d'étrangers en situation irrégulière, s'alarme le collectif "Les Amoureux au ban public". Jennifer Chary, Française agée de 23 ans, a ainsi appris, il y a une dizaine de jours, qu'elle devait comparaître devant le tribunal correctionnel pour répondre du délit d'aide au séjour irrégulier de son concubin marocain, M'hamed Naimi, 24 ans. "Nous devons nous marier le 11 avril prochain", raconte-t-elle, complètement désemparée, ne comprenant toujours pas ce qui leur est arrivé. Après dix mois de vie en concubinage, Jennifer et M'hamed ont décidé fin novembre de se marier. Une fois tous les éléments nécessaires rassemblés, ils ont déposé leur dossier début février auprès de la mairie de Dijon, laquelle a rapidement procédé aux entretiens de rigueur puis fixé avec eux une date de mariage. Mais le 16 mars, M'hamed, arrivé en France en 2006 avec un visa de six mois non renouvelé depuis, est interpellé chez un ami, "un de nos témoins de mariage", souligne Jennifer. Il est alors placé en garde à vue puis le lendemain transféré en centre de rétention à Lyon, où il est maintenu depuis.
Le cas de Jennifer et M'hamed n'est pas le premier dont a été saisi le collectif "Les Amoureux au ban public". Depuis sa création en juin 2007, quatre autres concubins français ont déjà, à sa connaissance, été poursuivis. "Et plusieurs ont eu un rappel à la loi par le parquet. Sans compter les menaces de poursuites pénales régulièrement proférées par les services policiers ou administratifs", relève Nicolas Ferran de la Cimade, initiateur du collectif. "Cette pratique est non seulement humiliante et dégradante pour les personnes, mais elle est illégale", rappelle pourtant celui-ci.
En vertu de l'article 622-1 du code de l'entrée et du séjour, "toute personne ayant, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irrégulier d'un étranger en France" est passible de cinq ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. Cependant, "le conjoint de l'étranger ou la personne vivant notoirement en situation maritale avec lui" ne peut être poursuivi pour un tel délit, spécifie l'article 622-4 du même code.
UN PROJET DE LOI DÉPÉNALISANT "L'AIDE SANS CONTREPARTIE"
Au-delà de ces cas explicitement prévus par la loi, les députés socialistes ont déposé le 18 mars une proposition de loi visant à "dépénaliser toute aide (entrée, séjour, transit) lorsque la sauvegarde de la vie ou l'intégrité physique de l'étranger est en jeu, sauf si cette aide a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte". Pour les élus PS, ouvrir la loi ne doit pas signifier fermer les yeux sur la réalité : "autour des migrants rôdent souvent des réseaux, des passeurs qui exploitent la détresse de ces personnes", expliquent-il dans l'exposé des motifs de leur proposition, tout en rappelant leur "opposition ferme" à tous les réseaux criminels qui, en contrepartie de sommes parfois très importante et souvent sous la menace, organisent le passage des immigrés. Néanmoins, pour eux, il ne faut pas placer sur le même plan réseaux criminels et aide humanitaire apportée par des associations mais aussi des personnes privées.
Dans l'entourage du ministre Eric Besson, on se montre pour le moins réservé sur cette proposition de loi. Car "même sans contrepartie lucrative, l'aide apportée par une personne peut permettre d'entretenir une filière", fait-on valoir. La proposition de loi sera débattue à l'Assemblée nationale le 30 avril.
LEMONDE.FR
Laetitia Van Eeckhout
Militants associatifs, simples citoyens, ils veulent, le 8 avril, se présenter devant le palais de justice de plusieurs grandes villes comme "prisonniers volontaires" pour avoir aidé, un jour, un homme ou une femme sans papiers en difficulté.
"Aujourd'hui, il est devenu criminel d'accueillir, d'accompagner ou seulement d'aider une personne en situation irrégulière. Si la solidarité devient un délit, nous demandons à être poursuivis pour ce délit !", lancent, dans un appel commun, plusieurs associations dont Emmaüs France, la Cimade, le Gisti, la Fédération protestante de l'entraide, le Secours catholique et RESF.
La perquisition dans les locaux d'Emmaüs à Pointe-Rouge, à Marseille, et le placement en garde à vue d'un de ses responsables le 16 février, à la suite de l'interpellation d'un sans-papiers accueilli par la communauté, a suscité un vif émoi au sein du milieu associatif. D'autant que ce fait n'est pas isolé. "La liste est longue des militants associatifs ou des citoyens ordinaires poursuivis pour avoir manifesté leur solidarité à l'égard de migrants privés de droit au séjour. Alors demain votre médecin sera-t-il interpellé pour avoir soigné un sans-papiers malade ? L'instituteur de vos enfants sera-t-il inquiété pour avoir appris à lire à un enfant dont les parents sont en situation irrégulière ?", interpellent les associations dans leur appel, tout en citant une annexe au projet de loi de finances 2009 récapitulant les crédits pour la mission immigration, asile et intégration.
Selon ce document, le nombre d'interpellation d'"aidants" aux sans-papiers s'est élevé à 4 365 en 2006, 4 504 en 2007, et à quelque 4 800 en "prévision actualisée" en 2008. Et l'objectif est d'en réaliser 5 000 en 2009 et 5 500 en 2010. Depuis la sortie du film de Philippe Lioret Welcome, le ministre de l'immigration, Eric Besson, ne cesse de répéter que la police "traque les passeurs, pas les migrants ou ceux qui les aident".
DES CONCUBINS POURSUIVIS
Reste que des procédures judiciaires pour aide au séjour irrégulier vont aujourd'hui jusqu'à concerner des concubins français d'étrangers en situation irrégulière, s'alarme le collectif "Les Amoureux au ban public". Jennifer Chary, Française agée de 23 ans, a ainsi appris, il y a une dizaine de jours, qu'elle devait comparaître devant le tribunal correctionnel pour répondre du délit d'aide au séjour irrégulier de son concubin marocain, M'hamed Naimi, 24 ans. "Nous devons nous marier le 11 avril prochain", raconte-t-elle, complètement désemparée, ne comprenant toujours pas ce qui leur est arrivé. Après dix mois de vie en concubinage, Jennifer et M'hamed ont décidé fin novembre de se marier. Une fois tous les éléments nécessaires rassemblés, ils ont déposé leur dossier début février auprès de la mairie de Dijon, laquelle a rapidement procédé aux entretiens de rigueur puis fixé avec eux une date de mariage. Mais le 16 mars, M'hamed, arrivé en France en 2006 avec un visa de six mois non renouvelé depuis, est interpellé chez un ami, "un de nos témoins de mariage", souligne Jennifer. Il est alors placé en garde à vue puis le lendemain transféré en centre de rétention à Lyon, où il est maintenu depuis.
Le cas de Jennifer et M'hamed n'est pas le premier dont a été saisi le collectif "Les Amoureux au ban public". Depuis sa création en juin 2007, quatre autres concubins français ont déjà, à sa connaissance, été poursuivis. "Et plusieurs ont eu un rappel à la loi par le parquet. Sans compter les menaces de poursuites pénales régulièrement proférées par les services policiers ou administratifs", relève Nicolas Ferran de la Cimade, initiateur du collectif. "Cette pratique est non seulement humiliante et dégradante pour les personnes, mais elle est illégale", rappelle pourtant celui-ci.
En vertu de l'article 622-1 du code de l'entrée et du séjour, "toute personne ayant, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irrégulier d'un étranger en France" est passible de cinq ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. Cependant, "le conjoint de l'étranger ou la personne vivant notoirement en situation maritale avec lui" ne peut être poursuivi pour un tel délit, spécifie l'article 622-4 du même code.
UN PROJET DE LOI DÉPÉNALISANT "L'AIDE SANS CONTREPARTIE"
Au-delà de ces cas explicitement prévus par la loi, les députés socialistes ont déposé le 18 mars une proposition de loi visant à "dépénaliser toute aide (entrée, séjour, transit) lorsque la sauvegarde de la vie ou l'intégrité physique de l'étranger est en jeu, sauf si cette aide a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte". Pour les élus PS, ouvrir la loi ne doit pas signifier fermer les yeux sur la réalité : "autour des migrants rôdent souvent des réseaux, des passeurs qui exploitent la détresse de ces personnes", expliquent-il dans l'exposé des motifs de leur proposition, tout en rappelant leur "opposition ferme" à tous les réseaux criminels qui, en contrepartie de sommes parfois très importante et souvent sous la menace, organisent le passage des immigrés. Néanmoins, pour eux, il ne faut pas placer sur le même plan réseaux criminels et aide humanitaire apportée par des associations mais aussi des personnes privées.
Dans l'entourage du ministre Eric Besson, on se montre pour le moins réservé sur cette proposition de loi. Car "même sans contrepartie lucrative, l'aide apportée par une personne peut permettre d'entretenir une filière", fait-on valoir. La proposition de loi sera débattue à l'Assemblée nationale le 30 avril.
LEMONDE.FR
Laetitia Van Eeckhout