J'attendrai en vain
Depuis les dérives de l'Eglise et de sa hiérarchie, j'avais tiré l'échelle.
Contrairement à ce qu'écrit Joël Arlin, je ne pense pas que le pape et l'Opus Dei et les autres de la même espèce soient "devenus fous". Ils suivent une logique dont le but est de revendiquer le rôle politique du religieux : ils rêvent de devenir des ayatollahs chrétiens. On voit quels sont les résultats d'une telle vision de par le monde.
Tous ces méchants qui se cachent derrière le masque d'une morale rigide, ont pour l'instant un ennemi commun qu'ils veulent abattre : la laïcité. Et quand ils auront repris les manettes dans les zones d'influence du pouvoir, ils se diviseront en conflits sectaires et sanglants.
J'avais un certain bonheur, moi qui suis agnostique, à être parmi les croyants de "bonne foi". Mais j'attendrai en vain qu'ils expriment nettement leur liberté de conscience et leur sens de l'humain, ce serait tout de même réconfortant de les voir défiler avec des banderoles disant leur désapprobation à l'égard de la haine des juifs, de la soumission des femmes, de la souffrance transformée en punition bien méritée. Décidément, le catholicisme n'est pas un tremplin vers "autre chose".
J'ai lu le récit de votre voyage dans le Tassili. Il y a une vingtaine d'années, je fus à Djanet, j'ai gravi le passage pour monter sur le plateau, et j'ai vu aussi les migrants. J'ai alors écrit un poème en prose, sous le coup de l'émotion et de la pitié.
LES MIGRANTS
L'incandescente fluidité enveloppe la sphère où l'univers bascule sur un point sombre : zéniths noirs échappés à la certitude des repères cardinaux gréant les sens, à présent éperdus délirants dans l'air flottant palpable et rôtissant les sables
Il fuse un éclat d'ombre hésitant dans la forme d'un nom jusqu'à l'épuisement des mirages fébriles ; surgit la fièvre d'un contour devenu discernable, un feu follet noirci et bougeant au désert ; un point de mire mouchetant le regard jusqu'à l'impact à la surface du monstre craquelé né de ce lieu fissible parmi l'épanouissement des soleils disséquant la matière
La houle humaine rassemble les infinis sur la ligne brisant le cercle des horizons et pousse les combats rangés au rythme de ces corps baignés de flammes qui cèdent peu à peu aux pulsations de sang de chair et de sueur gagnant obstinément les marges grandissantes pour l'espoir d'un ailleurs invisible
Passe la danse mortelle des êtres déchiquetés dans une luminosité opaque, confondus en un point qui s'efface et coule dans l'au-delà des sables
Geneviève Cornu