Un peu plus de justice
J'ai choisi de publier aujourd'hui ce texte de Jean-Marie Dethil car il complète concrètement ma réflexion sur l'argent. Et puis,
comme j'ai choisi de publier ses écrits, il est bon de mieux le connaître. Son approche du travail pour de l'argent en donne l'occasion.
Il serait temps, je pense, de redevenir raisonnables, plus humains ; que la raison, oui, retrouve droit ce citée, qu’elle retrouve ses sentiers que nous empruntons…
Nous allons aborder là le thème – et la réalité, du travail, de l’argent et de la responsabilité également ; je laisse au lecteur, à la lectrice, le soin de déterminer si le terme responsabilité est suffisant, et s’il n’y a pas lieu également d’évoquer la culpabilité au vu de tout ce qui a pu se passer récemment et concernant la crise.
Ce sont toujours les cas concrets qui nous parlent le mieux, et nos propres vies, nous les connaissons mieux que quiconque. Alors voici ma vie. Professionnelle – juste professionnelle.
Je suis artiste peintre, écrivain, et journaliste depuis peu. J’ai beaucoup travaillé depuis quinze ans en qualité de peintre et d’écrivain. Durant ces quinze années, j’ai souvent bénéficié du RMI, du Revenu Minimum d’Insertion. Actuellement, je suis bénéficiaire du RSA, le Revenu de Solidarité Active. Nous allons mettre de côté, pour le cas qui nous intéresse, mon activité de journaliste puisqu’elle est trop récente pour que je puisse en tirer des conclusions ou des enseignements valables. Artiste peintre, donc, et écrivain ; commençons par l’activité pour laquelle je consacre à présent tout mon temps :
– Écrivain ; il n’y a eu qu’un tout petit livre publié à mon actif, voici trois ans, et qui m’a coûté fort cher (auto-édition), disons… les yeux de la tête ou à peu près compte tenu de mes faibles ressources… Au jour d’aujourd’hui, quatre ou cinq propositions d’ouvrages sous formes de manuscrits attendent bien sagement un nouvel éditeur – qu’un éditeur veuille bien se jeter à l’eau pour le ou les éditer, ces écrits… Pour en revenir au tout petit livre, léger comme l’air, « D’incroyables Oiseaux », il m’a toutefois, je dois dire, rapporté… beaucoup de… beaucoup de bonheur partagé, le bonheur de l’écrire et d’en discuter avec quelques lectrices et lecteurs, mais bien peu d’argent, oui – puisque nous traitons entre autre du sujet de l’argent ici-même. Un bilan financier fortement négatif pour moi, inutile de vous le préciser.
– Artiste peintre ; une trentaine d’expositions à mon actif, dont certaines personnelles et significatives, de gros frais (couleurs, matériel, déplacements, hôtels parfois, réalisations d’affiches et de cartons d’invitation, frais postaux, etc.), et finalement, la même conclusion que pour le petit ouvrage léger comme l’air : des pertes financières, et encore du bonheur partagé. Alors quand on parle de tout ça – quand je parle de tout ça – un peu autour de moi à quelques bonnes âmes charitables et sensibles, qui ne sont pas trop pressées d’aller acheter une bricole ou d’attraper un train, eh bien, je peux parfois m’entendre dire que c’est un choix que j’ai fait en embrassant une de ces professions artistiques ou en tous cas de création… que c’est risqué, coûteux, et que tout le monde le sait !... (Je me suis déjà exprimé en d’autres écrits sur ce genre de dialogue – qui est parfois de sourd). Maintenant, là, je vais aller un peu plus loin, sur un terrain qui n’est peut-être pas aussi défriché qu’on pourrait le croire…
Oui, il est donc vrai qu’exercer un métier dit à vocation (et le faire nécessairement avec passion) puisse mettre parfois son acteur-auteur en réelle difficulté financière, personnelle, le cas échéant, et cela, pour un long temps – un temps long, pour une partie ou pour toute la durée de sa vie. C’est un fait, et nous le constatons. C’est dommage bien entendu, très dommage et bien triste, mais c’est vrai.
À présent, j’aurais une question à poser… un peu abruptement il est vrai, mais vous saurez m’excuser… Je connais, tout comme vous, quantité de métiers et de professionnels : des mécaniciens…, qui ont la vocation et qui sont passionnés ; tout comme des médecins… qui ont la vocation et qui sont passionnés ; de même, pour certains jardiniers… qui ont la vocation et qui sont passionnés ; des informaticiens, des conducteurs d’engins, des banquiers… Oui, et cela n’empêche en rien tous ces professionnels, et bien d’autres encore, de toucher un salaire, suffisant le plus souvent, conséquent parfois.
Prenons le cas – et vous pouviez vous y attendre… des banquiers. Il peuvent être réellement passionnées par leurs métiers, et trouver le et les moyens d’exercer leurs professions le plus honnêtement du monde, avec sincérité et déontologie – j’en suis profondément convaincu… « avec sincérité et déontologie »… tout comme moi finalement, et comme bien d’autres encore, dans l’exercice de nos métiers respectifs. Oui mais eux, sont, qui sait… (beaucoup) mieux payés qu’un obscur artiste peintre et écrivain…
On me dit que c’est peut-être parce qu’ils sont, ou qu’ils doivent être, plus utiles à la société… utiles et nécessaires pour que la société tourne bien, dans son ensemble ; …qu’ils sont ou qu’ils doivent être peut-être plus utiles et nécessaires qu’un peintre qui exposerait son travail de-ci de-là tout en assurant quelques cours au petit bonheur la chance… ou qu’un genre d’écrivain qui n’aurait édité qu’un ouvrage à peine plus lourd que l’air… Vous me suivez ?!
Sont-ils donc plus utiles et nécessaires ? Cela reste une question ; et, de plus, la société ne fait-elle – n’est-elle faite, que pour « tourner », « dans son ensemble » ?
C’est une autre question, qui rejoint la première. En tous cas, permettez-moi de vous dire qu’elle est atteinte, notre société, d’une sérieuse quinte de toux ou quelque chose comme ça, depuis déjà quelques mois, et elle ne semble pas être encore très vaillante au jour d’aujourd’hui…
La faute à qui ? – puisque tout cela n’arrive pas par hasard… à tout le monde, très certainement, mais les Médias nous ont tout de même suffisamment parlé du disfonctionnement grave de certaines banques comme étant à l’origine de cette nouvelle crise (de certaines banques, ou de la finance, ou de la financiarisation – excusez-moi, je ne suis pas un spécialiste en la matière), et ces banques (ou la finance, la financiarisation ?) auraient dérapé dans l’exercice de leurs fonctions, s’étant finalement mal comporté, ou en tous cas gravement trompé dans leurs calculs et prévisions…
Les banques, la finance, la financiarisation… Ce sont des personnes, il me semble, qui sont à leurs commandes, jusqu’à preuve du contraire, et qui par telles ou telles décisions ou absences de décisions, ont influées sur toute une part du monde… – Nous vivons encore dans un monde d’hommes et de femmes si je ne m’abuse… Alors des personnes, des hommes et des femmes, se seraient égarées, entraînant à leur suite bon nombre de « disfonctionnements » qui mettent aujourd’hui de grosses (voir de très grosses) sociétés en faillite ou en grandes difficultés… Un chômage qui enfle et qui explose en est la principale conséquence… Je remarque, avec bien d’autres, que la régulation politique (– qu’on pouvait attendre des politique, des élus) n’a pas semblée être à la hauteur de l’événement alors que tout était déjà en train de se détériorer et que certains voyants étaient au rouge ; ce n’est pas moi qui vais dire aux politiques ou aux experts financiers ce qu’ils auraient du faire et entreprendre quand il en était encore temps ; n’est-ce pas – isn’t it ?!
– À chacun son métier.
Et les banques se sont trouvées rapidement renflouées par des sommes d’argent considérables ; on presse l’éponge de toute part, on ratisse large, parce qu’on à besoin de ces banques, et c’est compréhensible (qu’on ait besoin d’elles).
Bon, et c’est là où précisément je voudrais en venir : quels ont été les hommes ou les femmes politiques, les spécialistes en finances ou en économie, les banquiers également, qui ont demandé pardon ? – pardon d’avoir entraîné, de par le monde, dans leur maladresse ou leur incompétence, par négligence ou par cupidité, tant et tant de personnes dans la difficulté, voir dans la détresse et la désespérance.
Je ne suis pas pendu aux Médias 24 heures sur 24, mais je n’ai, à ce jour, encore jamais entendu ces derniers émettre des remords, ou même quelques regrets… C’est… regrettable ! Mais cela viendra, j’en suis convaincu (c’est même peut-être déjà venu…) ; et tout cela, non pour avoir le « plaisir » de voir quelque responsable (ou coupable ?) « s’abaisser » – non, nous n’y sommes vraiment pas –, mais pour pouvoir reconstruire vraiment, sincèrement, dans la confiance réciproque ainsi que dans l’entendement.
Je suis optimiste sur l’avenir.
Mais il faut passer par cette demande de pardon, il me semble.
C’est à mon sens incontournable.
– Et les arts dans tout cela ? et la peinture ?... est-elle si utile que cela ?… elle qui ne rapporte rien ou si peu… on pourrait plus ou moins s’en passer, garder un filet d’eau, le feu juste en veilleuse sous la marmite… Et au sujet de la danse, du théâtre, du cinéma, de la littérature, etc. Qu’en est-il ?...
Revenons-on à la peinture, voulez-vous… « utile ? »..., « ne rapportant rien ? », « ou si peu ?… », « on pourrait plus ou moins s’en passer ?! »… Pour reprendre l’aspect strictement financier : il en est tout de même, de ces peintures, qui rapportent parfois des sommes exorbitantes, des magots qui dépassent l’entendement !... Les ventes aux enchères de certains Van Gogh, Matisse, Picasso, Rothko… et de bien d’autres encore… doivent bien vous rappeler quelque chose… et, il y a de l’argent pour acheter ces œuvres dont bien souvent les auteurs sont morts, morts depuis des lunes et des lustres… La peinture utile…
L’argent, c’est la vie – ça devrait l’être en tous cas, en dynamisant, en rapprochant les personnes. Non pas l’inverse… eh oui…
Pour finir et enfoncer le clou, en restant dans le domaine de la peinture ou tout du moins des ventes publiques : je pense que des commissaires priseurs ou des directeurs d’importantes sociétés de ventes aux enchères sont souvent passionnés par leurs métiers, ils ont la vocation, c’est à n’en pas douter… et certains (nous l’avons vu) peuvent bien gagner des mille et des cent sur certaines grosses ventes, ou sur de nombreuses ventes plus ordinaires…
Il serait temps, je pense, de redevenir raisonnables, plus humains ; que la raison, oui, retrouve droit ce citée, qu’elle retrouve ses sentiers que nous empruntons ou que nous empruntions…
Cœur et raison doivent être et demeurer unis.
J’ai, une fois encore, très bon espoir sur l’avenir. L’homme est intelligent et bon dans la plupart des cas. C’est en tous cas mon souhait profond : qu’il soit et demeure ingénieux, oui, mais aussi charitable – aussi charitable qu’il puisse l’être ; et en tous cas toujours pétri de justice.
Il en va de la paix de toutes nos sociétés.
La vie est belle… fragile, et elle est courte… – ne l’oublions pas…
Jean-Marie Delthil. Artiste peintre, écrivain, chômeur de (très) longue durée. 26 juin 2009.