7ème Biennale d'art sacré actuel
Sacré, saint, religieux et spirituel
Ces mots ne sont pas interchangeables et il importe de bien saisir le sens de chacun pour aborder une exposition d’art sacré actuel.
Sacré
Au siècle dernier, voire au XIXe siècle, dans une société chrétienne, le mot sacré est utilisé pour signifier l’art du culte des Eglises chrétiennes. Ainsi, parler d’art sacré, c’est évoquer l’art d’Eglise. L’art sacré est un art religieux au service du culte, explique toujours le « Petit Larousse ». La musique sacrée est musique religieuse. Et dans les programmes des festivals de musique sacrée, nous rencontrons de nombreuses pièces liturgiques des XVIIe et XVIIIe siècles.
Aujourd’hui, la chrétienté n’étant plus, malgré diverses tentatives de restauration, le mot sacré s’applique spontanément à toute réalité tournée vers les réalités dites supérieures, transcendantes. L’art sacré comprend autant de christ que de bouddha, d’enluminure iconique que d’abstraction géométrique musulmane, de Dieu trinitaire que de Shiva. On dit qu’une réalité est sacrée pour signifier que l’on doit manifester envers elle un respect absolu car elle s’impose par sa haute valeur. Les lois de l’hospitalité sont sacrées, intouchables. Jadis, et peut-être aujourd’hui dans certains milieux religieux, les vases du culte étant sacrés, seuls les prêtres, parce que consacrés au culte, pouvaient les toucher. Le mot « tabou » est alors parfois utilisé pour signifier l’interdiction de toucher à cause de son caractère sacré (ou impur). Ce sera un totem, un bosquet, un arbre chargé d’esprits que personne ne pourra approcher.
L’art sacré imprime donc une distance qui va engendrer le respect indiquant que, face à l’homme, quelque chose d’important se passe. Le caractère de l’œuvre en transcende la matière et l’homme qui la contemple est lui-même invité à transcender sa propre nature humaine. En ce sens, le sacré est païen. Mais je donne à ce mot tout un contenu positif. Le païen, contrairement à l’athée, croit en l’existence de réalités et valeurs transcendantes qu’il respecte.
Saint
Seul Dieu est saint car il est l’Unique à être souverainement pur et parfait. Si un homme, une femme reçoit le qualitatif de « saint », ce ne sera qu’en communion avec le Saint suprême. En effet, Dieu sanctifie les êtres, les rend saints quand ceux-ci acceptent librement de se laisser sanctifier par le Créateur de toute chose. Une personne, un objet sanctifié dans sa relation avec l’unique Saint devra alors montrer une vie exemplaire à l’image de Celui qui l’a rendu saint. En Orient chrétien, par exemple, on va jusqu’à affirmer qu’une icône est sainte parce qu’elle est le reflet, le sacrement, du divin. Elle rend Dieu visible. On dit même qu’elle contient Dieu. Elle est le ciel sur la terre. La vénération due à l’icône est donc directement liée à Dieu.
C’est dans ce contexte de croyance que se développa la guerre contre les images saintes car, certaines personnes pieuses et crédules pensaient toucher Dieu en embrassant une icône. On dit même que des moines diluaient dans l’eau l’or gratté des images des saints pour en boire les vertus. Cette pratique n’était-elle pas proche de l’idolâtrie ?
Sans aller jusque-là, soulignons que la vénération des images saintes incite à mener une vie exemplaire sur le plan moral et religieux. L’œuvre sainte sera transcendante dans la mesure où elle conduit le regardant hors de lui-même pour l’acheminer à plus de perfection. Entrer dans le Saint des Saints du Temple, c’est s’approcher de Dieu, être en sa présence. Rappelons à ce propos cet enseignement de la Bible. Dans la tente, dans le Saint des Saints du sanctuaire, entre les ailes des anges du propritiatoire, là où il n’y a rien, là où se trouve le vide, Dieu est. Est saint ce qui conduit à Dieu.
Religieux
Déjà avec le mot « saint », nous avons donné un contenu. Nous avons parlé de vie exemplaire, de désir, sinon de réalité pour l’homme, de pureté, de perfection, d’absolu. Avoir l’Amour absolu, parfait, c’est être divinisé par le Très-Haut. Tout cela ne peut se produire sans histoire. La soif de perfection se concrétise dans des tranches de vie précises qui font l’Histoire. On entre alors dans le religieux qui structure, dans un art de vivre particulier, les élans vers la transcendance, la religion étant un ensemble de croyances et de dogmes définissant, en une culture particulière, le rapport de l’homme avec le sacré.
La peinture religieuse raconte une histoire, celle d’un saint, d’une sainte ou d’une terre sainte, avec pour mission d’inviter les spectateurs à imiter la vie sainte. La peinture religieuse incite à la piété. Elle est édifiante et peut susciter une attitude religieuse dans laquelle l’affectivité et la sentimentalité risquent de l’emporter sur les raisons de croire communément reçues. L’image pieuse au contenu historique, catéchétique sera-t-elle œuvre d’art ? Pas obligatoirement. Le XIXe siècle, avec un appauvrissement théologique de l’expression artistique, montre, dans l’image saint-sulpicienne par exemple, une effrayante perte de qualité artistique qui fera dire aux critiques d’art contemporain : « il n’y a plus d’art sacré contemporain possible ». Effectivement, argumentent-ils, ce ne sont pas trois ou quatre artistes s’essayant dans l’art d’Eglise au milieu du XXe siècle, ou en ce début du XXIe, qui créent un mouvement, un style comme il a pu en exister jusqu’au XVIIe. On assiste à un art religieux qui n’est ni artistique, ni sacré, et encore moins spirituel.
Spirituel
Que l’œuvre soit sacrée, sainte, religieuse, que serait-elle si elle n’était pas spirituelle ? Il me semble que, pour rejoindre l’un des buts précédemment présentés, ou les trois à la fois, la création artistique, actuellement, se doit d’être spirituelle. Mais, n’en a-t-il pas toujours été ainsi ? Dans le contexte culturel que nous connaissons, vu l’athéisme et la sortie de l’Eglise du monde, vu la mondialisation des religions, vu les diverses quêtes areligieuses de transcendance, j’appelle art sacré actuel l’expression artistique qui incite l’homme à sortir de l’envahissement matérialiste de l’existence. Qu’il trouve en elle le moyen de sa transcendance. Soit une transcendance horizontale. On quitte l’objet exposé, sa prouesse technique pour entrer en communion avec son auteur. De la « chose » créée, vue et admirée, on passe au créateur. Soit sa transcendance verticale. L’œuvre portant à la contemplation et à la reconnaissance du Créateur non créé, on est transporté vers le Tout-Autre, la valeur absolue qui nous dépasse infiniment.
L’idolâtrie contemporaine consiste à ne valoriser que l’objet, le considérant uniquement en ce qu’il est en lui-même. On le place dans une ambiance muséale, le posant sur un piédestal et organisant tout, autour de lui, pour que ne soit considérée que la matière. L’« œuvre » se suffit à elle-même et n’a rien d’autre à dire que son existence valorisée. Matérialisme ! Contre cette tendance, je souhaite donc que la création artistique contemporaine s’ouvre à l’au-delà de la matière. Elle est, en conséquence, spirituelle, le spirituel étant de l’ordre de l’âme, de l’esprit, de la vie intelligente et morale dans le respect des valeurs fondamentales de l’être humain et des limites qu’il doit nécessairement se donner pour obtenir son plein épanouissement. Il y a de l’écologie et de l’objection de croissance matérielle dans l’art. Moins de productions techniques pour plus de grâce. Ainsi, pour répondre aux attentes dont le monde à aujourd’hui vraiment besoin, plus que religieux, ou d’église, ou chrétien, l’art contemporain se doit d’être spirituel. Je viens de dire « contemporain » ; en fait j’aurais dû dire « actuel », car l’art contemporain, devenu « académique », s’est arrêté dans les années 70.
Quelles seront les créations artistiques de cette 7ème biennale d’art sacré actuel dont le titre est « par le Fils » ?
Les artistes ont commencé par travailler sur le thème de la transmission, de la filiation qui était le thème de la 9ème biennale d’art sacré actuel sonnera comme une révélation de la dimension spirituelle du contemporain.condition de l’esclave, la mort ignominieuse, pour le bien de l’ensemble de l’humanité. De la Croix à la Gloire, dirait Urs von Balthazar. Beaucoup de créateurs en sont restés à la dimension intergénérationnelle de transmission, filiation biologique, voire spirituelle. D’autres abordent le contenu théologique du christianisme. La visite attentive de cette biennale d’art contemporain de la Ville de Lyon jusqu’en février 2009. Thème riche en réflexion philosophique, sociétale, générationnelle et théologique. Nous avons opté pour le titre « par le Fils », afin de mettre l’accent sur la dimension spécifiquement chrétienne de la sainteté que l’on obtient par le Christ, le Fils de Dieu, qui n’a pas craint de revêtir la cette 7ème biennale d’art sacré actuel sonnera comme une révélation de la dimension spirituelle du contemporain.