AIDE... aumône contre Politique

Publié le par Michel Durand

Pourquoi régler les problèmes à leur racine quand il suffit de faire l'aumône.
Un texte de Jean-Marie Delhil :

Depuis quelques jours, il y a cette publicité qui est affichée sur l’arrêt de tram Charles Michels, à Fontaine… : « OFFRONS UN SAC DE COUCHAGE A CEUX QUI SOUFFRENT DU FROID » et puis en dessous : « 1 SAC = 25 € », au-dessous encore : « 0 € De frais de Gestion », et « Même cette affiche est un don, merci J.C. Decaux ». sac-de-couchage.jpg

En bas de l’affiche, le nom et les coordonnées de l’association qui organise tout cela ; en photo : un sac de couchage présenté bien à plat, ouvert, accueillant. Ma toute première réaction, lorsque j’ai vu cette publicité, ça a été la surprise bien sûr… oui, il y a en France une pauvreté toujours plus forte, de plus en plus de personnes sont contraintes de vivre dans la rue – et donc d’y dormir… il est tout à fait généreux, judicieux de vouloir leur fournir une aide en leur offrant un sac de couchage. Et puis dans un second temps, très rapidement après, je me suis dit : alors, c’est institutionnalisé cette affaire-là, on constate cette pauvreté et même cette détresse, on pare au plus pressé en achetant un sac, et puis ça continue, on se dit que l’an prochain il y aura encore un peu plus de personnes à la rue… on produira alors un peu plus de sac, on en vendra plus – et puis voilà. Incroyable. Mais nous devons revenir à cette question : pourquoi sont-ils pauvres, et pauvres à ce point ?! pourquoi ces personnes n’ont-elle plus d’autre solutions que de vivre dans la rue ?... qu’est-ce qui a fait qu’elle en soient arrivées-là ?... Nous connaissons toutes et tous plus ou moins la réponse, enfin, pour ce qui est de l’actualité récente : ultralibéralisme et crise financière… puis crise économique… détérioration du tissus social, des relations interpersonnelles… sentiment de vivre dans une société qui n’aurait plus d’avenir, de sens… chômage, divorces, perte du domicile… et le logement chez des amis, ou bien en centres d’hébergements, en hôtels sociaux, ou même dans la rue… Alors on pare au plus pressé… les sacs, des sacs à acheter…

Don Helder – Don Helder Camara, racontait souvent ceci à qui voulait bien l’entendre, et aux autres aussi : « Quand je nourris un pauvre, on dit que je suis un saint. Mais quand je demande pourquoi il est pauvre, on me traite de communiste », il y a fort à parier d’ailleurs que ces deux « on » dont parle Don Helder : ce sont parfois les mêmes personnes, les mêmes groupes de personnes… Oui, la remise en question, pour chacune et chacun d’entre-nous, va jusqu’à un certain point, au-delà : ce n’est plus possible, ou presque.

Pour en revenir à l’abri de tram : la pauvreté serait inévitable selon cette publicité ; elle nous touche cette pauvreté, elle nous fait mal, alors on essaye légitimement de la combattre comme on peut, en achetant un ou plusieurs sacs… Voilà… ça se comprend… le « médecin », dans ce cas de figure, guérit (tente de guérir), mais ne sauve pas, et il essaye encore moins de savoir pourquoi le « malade » en est arrivé là. Bon, je pense que vous avez compris.

Hier, j’ai rencontré une amie, je lui ai montré la photo, et sa réaction à été la même que la mienne : comment peut-on accepter, et finalement s’habituer, à ces situations de détresse : dormir dehors ?!... ici, en France, dans un des pays les plus riches du monde ? – et de toutes façons, même ailleurs, ce n’est pas acceptable !... Et puis nous nous sommes dit, l’amie et moi, un peu en plaisantant (nous avions besoin de nous détendre…), qu’avoir chaud dans la rue, c’est pas mal, mais que de bénéficier d’Internet, par exemple, ça pourrait être bien aussi, pour les personnes qui n’ont rien – si ce n’est leur dignité… Alors nous pourrions aller rencontrer, elle et moi, une association ou bien une fondation, enfin, un lieu où il y ait de l’argent – des idées et de l’argent… et puis leur proposer un projet : l’étude et la fabrication de petits postes Internet (les téléphones portables font ça, maintenant) qu’on peut emmener partout, « Outdoor » comme on dit… pour l’extérieur, des postes tout-terrains… costauds, solides, à tout épreuves… pour « équiper » les personnes qui logent dans la rue ; elles n’auraient alors peut-être finalement pas tant le sentiment d’être si « différentes », « en manque de liens », seules ou lésées par rapport au reste de la population… voilà, on ramasse de l’argent, on met en place un projet, on fait travailler des personnes dans les secteurs de l’électronique et de informatique ; et ces autres personnes qui n’ont pas de domicile – celles qui ne travaillent pas (pas si sûr… elles sont peut-être dans la rue mais avec du travail : travailleurs pauvres), eh bien elles ont tout de même le « minimum » pourrait-on dire, le minimum de contacts et de « rapports sociaux » – quel échange… quel partage !... Quelle étrange idée que de vouloir institutionnaliser la grande pauvreté… Quelle étrange idée de « vie en commun », et donc, de société… Digression, donc.

Excusez-moi. Mais revenons-en à la publicité, au réel, à ce réel qui nous est affiché et offert : « OFFRONS UN SAC DE COUCHAGE A CEUX QUI SOUFFRENT DU FROID » ; moi, en fait (et je vais déraper encore un peu… excusez-moi une nouvelle fois …), je verrais bien maintenant un gros matelas, enfin : un gros paquet d’oseille, d’euros, là, en photo, à la place du sac de couchage, c’est un peu le même format… et puis, il faudrait alors naturellement changer le texte, si non, on n’y comprendrai plus rien… on pourrait alors écrire quelque chose comme : « OFFRONS UNE CONSCIENCE NEUVE A CEUX QUI SE SONT MAL COMPORTÉS » : là, je crois que vous sentez bien où je veux en venir…

L’an dernier, quelques voix bien informées m’ont dit – tout comme à vous, certainement – qu’il y avait eu de bien vilaines choses qui s’étaient passées dans les banques et la finance, aux États-unis, et ça nous a donné cette crise financière, et crise tout court : une crise mondiale. Alors oui, finalement, et nous le savons, des milliards de dollars (puis d’euros etc. etc., en fonction des pays concernés) ont été débloqués pour sauver ces banques indélicates – et pour racheter peut-être également (qui sait ?) la conscience de ces professionnels un peu trop… personnels. Je ne sais pas alors si, avec un tel message, l’afficheur J.C. Decaux aurait encore la générosité ou bien l’audace de nous offrir ses panneaux ?… c’est à voir… il faut le lui demander... Enfin, pour en revenir à ces aides financière de très gros tonnages qui ont été versées aux banques, il faut bien constater que, pour l’instant, rien n’a vraiment changé… la crise est toujours là, plus que jamais…

Les consciences auraient-elles toutefois un peu évolué ?...

Jean-Marie Delthil. 21 janvier 2010.  


Publié dans J. M. Delthil

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