Aucun n'ose dire à voix haute ce qu'on murmure un peu partout : la croissance ne reviendra plus en Europe
Enjeux et défis écologiques pour l’avenir, Bayard/Cerf/Fleurus-Mame, collection « Documents d’Église », 80 p.
Un texte décevant vu la gravité économique des facteurs écologiques.
À ne pas vouloir aborder la crise économique dans ses fondements, on passe à côté des vraies questions.
Céline Hoyau de La Croix présente ainsi le livre des évêques de France qui publient leur travail sur l’écologie, fruit de deux ans de travail :
« Sous la forme d’un livret de 80 pages, les évêques de France proposent une lecture chrétienne de la crise écologique. Le document se découpe en trois parties : l’exposé des repères théologiques, les conséquences pratiques et enfin un appel à « une conversion » . Il faut, préconisent-ils, « un sursaut moral majeur, un changement radical de nos façons de penser, de communiquer et de nous déplacer, de travailler et de consommer » . « Il est temps d’associer à nouveau goût de vivre et sobriété, usage et respect, bonheur et simplicité ! »
« Pour ce faire, s’inspirant pour partie des 15 pistes d’action lancées un an plus tôt par un groupe de chrétiens écologistes, le document propose neuf chantiers d’action : développer une théologie et une catéchèse de la Création, prier et célébrer le Dieu créateur, encourager la mise en œuvre de groupes de réflexion et de formation pour les communautés locales, dialoguer avec les acteurs de l’environnement… »
Tout ceci est certainement bien utile. Mais, une fois de plus, le problème n’est pas atteint à son origine. Nous avons vu dans les sondages à propos des élections que nombreux catholiques décideurs en économie et pratiquant leur religion choisissent le camp de Sarkozy. Les évêques auraient-ils peur de les voir quitter l’Église en s’opposant à leur libéralisme économique ? Cela expliquerait alors le manque d’audace et la frilosité des propositions comme le reconnaît Marc Stenger lui-même, évêque de Troyes, président de la commission.
Je me demande si l’on peut « soutenir les diocèses et les chrétiens, dans leurs relations avec les politiques, avec les acteurs économiques, comme le dit (selon Céline Hoyau de La Croix) André Talbot, de l’Institut catholique de Paris, membre du groupe de travail », sans aborder les vraies questions de la crise de l’économie.
Le groupe « casseurs de pub » envoie à ses correspondants un extrait d’article rédigé par Jean-Claude Guillebaud (journaliste, écrivain, Sud Ouest, 22-4-2012) qui me semble éclairé le manque d’audace épiscopal.
Je cite :
« C'est à son propos [la croissance] que nos candidats sont le plus embarrassés. Aucun n'ose dire à voix haute ce qu'on murmure un peu partout : la croissance ne reviendra plus en Europe. Avec ou sans l'austérité, nous sommes condamnés à une croissance minimale, voire nulle. La vraie question devient celle-ci : cette croissance envolée, au fond, était-elle si souhaitable ? D'un point de vue arithmétique, sans doute. Mais pour le reste ? Écologiquement, humainement, qui oserait prétendre que la fuite en avant consumériste, productiviste et gaspilleuse correspond encore à un dessein historique raisonnable ? Est-ce le monde que nous voulons construire ? Les vrais réalistes ne seraient-ils pas ceux qui proposent de changer la règle d'un jeu devenu perdant : vivre autrement, imaginer une autre société, promouvoir d'autres rapports humains. Juste derrière l'horizon électoral, ces questions fondamentales nous attendent de pied ferme. Tant mieux ! »
On n’ose pas dire avec netteté le vrai même dans les textes d’Églises mûrement réfléchis pendant 24 mois, sinon plus.
Pourtant, nous lisons ceci : « Il y a une conversion à faire, un sursaut moral majeur, un changement radical de nos façons de penser, de communiquer et de nous déplacer, de travailler et de consommer. Il est temps d’associer à nouveau goût de vivre et sobriété, usage et respect, bonheur et simplicité ! »
Mais il ne suffit pas d’en rester à l’appel spirituel.
Enjeux et défis écologiques pour l’avenir, Bayard/Cerf/Fleurus-Mame, collection « Documents d’Église », 80 pages, 3 €.