Décroissance. Le mot est peu attirant ; pourtant, nous nous illusionnons en espérant la reprise de la croissance
« Chercher la justice du Royaume,
- c’est chercher à temps et à contretemps les moyens de la transformation de nos comportements et de nos institutions lorsqu’ils sont iniques ;
- c’est remettre en cause ces structures de péché – que sont la « soif exclusive du profit et la « soif du pouvoir dans le but d’imposer aux autres sa volonté », . Structures qui détruisent le vivre ensemble et sont antinomiques avec la solidarité.
Il s’agit de vie et de mort pour tous ceux qui sont touchés par la famine et les catastrophes naturelles, par les effets déjà perceptibles du réchauffement climatique, par les conflits liés à la possession de ressources de plus en plus rares...
La seconde conférence de Carême à Notre-Dame de Paris, était tenue par Cécile Renouard, religieuse de l’Assomption et théologienne.
Elle publié sur l’économie avec Gaël Giraud qui est intervenue au colloque de Chrétiens et pic de pétrole.
Gaël Giraud et Cécile Renouard (dir.), 20 propositions pour réformer le capitalisme, Flammarion, « Champs », 3e édition révisée, 2012.
Il est rare que les chercheurs catholiques soutiennent les positions des objecteurs de croissance. J’ai plutôt constaté, notamment au sein des Semaines Sociales, que l’on multipliait la dérision : l’économie capitaliste est la seule qui dans le monde fonctionne, comment pouvez-vous en restant réaliste et intelligent, imaginer d’autres formes ?
N’empêche que, çà et là, il nous arrive de lire, d’entendre auprès de ces auteurs chrétiens de graves mises en cause du système libéral. C’est ce que j’ai découvert dans la conférence de Cécile Renouard.
Selon ce qu’elle exprime, la multitude d’initiatives en faveur de nouvelles façons de consommer, d’échanger, de produire démontre le véritable désir de vivre l’expérience de l’épanouissement, de l’harmonie, du bonheur dans une vie où les liens comptent plus que les biens. Moins de biens, plus de liens prêche à tout public, le décroissant Paul Ariès. Le secteur de l’économie sociale et solidaire se porte de mieux en mieux ; de nombreux projets en vue de renforcer l’ancrage territorial de l’activité économique et de promouvoir une économie fondée sur l’usage partagé des biens plutôt que sur leur propriété privée réussissent. « Ceci, écrit Cécile Renouard, selon La Croix, nous met donc en route afin d’avancer vers une transformation radicale de nos systèmes de production et de consommation : la question est alors de savoir comment nous acheminer vers une tempérance solidaire, qui passe par la décroissance de notre consommation dans certains domaines, afin d’assurer les conditions d’un développement vraiment durable dans les pays du Sud.
Décroissance ? Le mot est peu attirant, car il est à la fois contre-intuitif, porteur d’une lourde charge idéologique, et insupportable, sans doute, pour ceux qui font les frais d’une croissance ralentie. Pourtant, nous nous illusionnons en espérant la reprise de la croissance selon les modalités que nous avons connues au cours des décennies passées. Il faut savoir regarder la réalité et admettre que la croissance, telle qu’elle est encore conçue aujourd’hui, est suicidaire pour l’humanité. Parler de tempérance solidaire, c’est d’abord parler d’un mode de vie et d’une façon d’être en société ; et c’est peut-être dans les temps de crise, comme en temps de guerre, que l’appel à la créativité en vue d’une transformation radicale de l’appareil économique est le plus fort. Tempérance semble s’opposer à passion. C’est une erreur ! Il s’agit, au contraire, d’être des passionnés de la solidarité, et c’est bien dans cet élan que nous apprendrons à être tempérants. »
Cécile Renouard poursuit ( voir la fin de sa conférence) :
Tempérance pour consommer moins et autrement ; tempérance pour mettre de la mesure face à l’hybris de nos comportements prédateurs, et pour identifier les limites de notre monde commun. Elle est possible !...
Il nous faut apprendre ... à privilégier des styles de vie qui évitent de dépenser des sommes folles pour réparer les dommages que nos prétendus « progrès » ont engendrés. Il nous faut donc maintenant consentir à la remise en cause radicale de notre modèle de croissance pour parvenir à une meilleure qualité de vie.