Homosexuels et catholiques
Connaissant plusieurs membres de David et Jonathan de Lyon, et étant parfois invité à leur rencontre de lecture biblique et de prière dans le quartier, j’ai été très heureux de découvrir dans l’Hebdomadaire « la Vie », ce dossier. J’espère que les personnes auxquelles je faisais référence dans un article du 5 mai liront à fond les pages 8 à 15 du N° 3431 de la Vie.
Bientôt il y aura les gay pride. J’ai entendu que D. et J. -Lyon souhaitait proposer une temps de prière à cette occasion. On va suivre.
Ils veulent lever le tabou
Comment concilier la foi et l’amour d’une personne du même sexe ? Et que dit aujourd’hui l’Église catholique de l’homosexualité ? À l’heure des Gay Pride, La Vie ouvre un dossier sensible. Ni provocation, ni revendication mais l’opportunité pour les chrétiens d’ouvrir les yeux sur une réalité, des vies, des personnes à accueillir, à accompagner et à écouter.
« À la fac, dans notre milieu professionnel, nous n’avons plus besoin de cacher qui nous sommes. Mais, dans l’Église, nous devons faire profil bas. »
Louis (son prénom a été changé, ndlr), 28 ans, a le sentiment de ne pas pouvoir vivre en chrétien comme les autres. Il aspire à rejoindre un groupe de lecture biblique, ou de relecture de
vie, comme tant de ses amis. « Mais comment pourrais-je y participer pleinement si je sens que je ne peux pas évoquer ma spiritualité en l’ancrant dans la dimension relationnelle et
affective de ma vie ? »
Chrétiens et homosexuels, le sujet reste bel et bien tabou dans l’Église catholique. Méconnaissance d’une réalité souvent identifiée à une culture « gay »
démonstrative et revendicatrice, amalgame avec la pédophilie – qui a pu être nourri au plus haut niveau de l’Église catholique encore récemment –, les résistances sont multiples. Comme
si les chrétiens avaient toujours du mal à reconnaître que l’homosexualité les touchent au même titre que le reste de la société. Dominique se souvient douloureusement du scandale qu’elle a
provoqué lorsqu’elle a consacré un dossier à ce thème dans la revue diocésaine, pourtant porté par le vicaire général. « L’homosexualité et l’Église sont deux mondes qui s’ignorent et entre
lesquels nous tentons de jeter des passerelles », reconnaît Jean-Michel Dunand, fondateur de la Communion contemplative Béthanie, qui se voue par la prière « au service des personnes
homosexuelles » (voir page 13). Dans l’institution, aucune commission, aucun groupe, ni au Vatican, ni dans les conférences épiscopales, ne travaille la question. Un vide désastreux,
selon Philippe Ariño, auteur de trois ouvrages sur la culture gay. « L’Église a le devoir d’investir cet univers et d’en comprendre les codes afin d’être capable de proposer correctement son
message », lance ce catho engagé de 31 ans.
C’est le théologien moraliste Xavier Thévenot qui, dans les années 1980, a révolutionné le regard de l’Église, en posant les bases théologiques et pastorales
d’un accueil des homosexuels. Depuis, le dossier n’a pas été véritablement rouvert. En France, la théologienne dominicaine Véronique Magron donne régulièrement des conférences avec un certain
« sentiment de solitude ». « On croirait presque que l’Église pense en avoir trop fait sur le sujet. Or, tout n’a pas été dit, souligne-t-elle. Si, par exemple, il est pour
nous essentiel, sur le plan théologique, de penser un couple structurellement ouvert à la fécondité et à la vie, cela n’empêche pas de reconnaître que des couples homosexuels peuvent avoir une
vie éthique très profonde. À cause de cela, nous avons encore du chemin à faire, et la réflexion anthropologique ne peut se clore. » De fait, la question du couple reste délicate, même si le
magistère reconnaît qu’il est préférable au vagabondage. Les pasteurs évoquent leur souci de ne pas choquer les autres paroissiens. Julien a essayé d’intégrer le groupe de réflexion pour jeunes
couples de sa paroisse, mais il en a été dissuadé. « Pour se construire chrétiennement comme homosexuel, tout est à inventer, on se sent très seul », déplore-t-il.
En pratique, l’accueil des personnes homosexuelles dans l’Église catholique se vit essentiellement dans la discrétion d’un accompagnement personnel. Afin de
s’inscrire dans une démarche collective, certains se tournent vers les associations, comme Devenir un en Christ ou David & Jonathan. C’est ce qu’a fait Louis, un peu à contrecœur, se sentant
renvoyé à un communautarisme dans lequel il ne se reconnaissait pas a priori. « Je voudrais n’être perçu que comme un enfant de Dieu. Mais il n’y a pas de raison pour que j’occulte mon
homosexualité ! » Les paroisses dans lesquelles sont implantées ces associations, comme Saint-Merri, à Paris, témoignent de fait de leur ouverture. Les ordres contemplatifs se montrent
également particulièrement réceptifs à la demande des mouvements. 25 communautés ont accueilli la cinquantaine de retraites qui se sont déroulées ces cinq dernières années, telles les
cisterciennes de Cabanoule pour la Communion Béthanie.
Certaines personnes homosexuelles choisissent néanmoins de rejoindre l’un de ces lieux dits « inclusifs », qui accueillent nommément les minorités de
toutes sortes. De très nombreux catholiques fréquentent ainsi le temple protestant de la Maison verte, à Paris, l’Église MCC (Metropolitan Community Church), à Montpellier, ou le groupe Lambda de
la cathédrale américaine (anglicane) de Paris, voire les Vieux Catholiques d’Utrecht, ancrés dans l’héritage romain, pour tempérer le choc du changement de tradition.
« Pour que les personnes puissent sortir de la clandestinité, il faut changer les regards. Il ne s’agit pas de banaliser à tout prix l’homosexualité, elle ne
le sera jamais ; mais l’Église ne doit pas rajouter à la souffrance », déclare Claude. En 2000, ce Nantais fait témoigner des parents de personnes homosexuelles dans le cadre d’un
rassemblement de Pentecôte, lancé par l’évêque. Le groupe Réflexion et Partage naît dans la foulée, pour la sensibilisation des prêtres et les laïcs. Après trois ans de travail, il publie un
livret, Orientation sexuelle et vie chrétienne, qui s’est diffusé à 1 000 exemplaires.
Depuis, un timide mouvement de sensibilisation s’est amorcé dans l’institution. Ce sont souvent des parents désemparés qui révèlent le vide de proposition lorsque,
en quête d’information et de soutien, ils se tournent vers l’Église. C’est sur leur interpellation que Fanny Chaligne, responsable diocésaine de la pastorale familiale d’Orléans, a mis en place
un groupe de partage. À Cambrai, Marie-Reine Guérin, ancienne enseignante, a vu la souffrance des adolescents, et l’homophobie à l’œuvre dans les classes. Membre du service diocésain de la
pastorale des jeunes, elle a organisé une conférence pour sensibiliser parents, étudiants et enseignants. « On passe à côté de beaucoup de jeunes parce qu’on fait l’autruche. On sait
toujours très bien lesquels sont concernés dans un groupe, mais on est très maladroits et peu audacieux pour oser les aider à avancer. Avec cette conférence, on ose dire qu’on est désarmés et
qu’il faut chercher à comprendre ensemble », explique-t-elle.
À Valenciennes, des rencontres avec l’association David & Jonathan ont été organisées par Myriam Dubois, déléguée du Cler-Amour et Famille pour la
région Nord, afin de former son équipe, active tant au titre du conseil conjugal, que de l’éducation affective et sexuelle des jeunes. « 5% des gens s’interrogent sur leur orientation
sexuelle ; et il y a un énorme refoulement : il est indispensable que dans notre façon d’évoquer la sexualité, les gens sentent qu’il y a une porte ouverte pour se confier. Pour cela,
il ne faut pas que nous ayons peur d’aborder le sujet : parler de l’homosexualité ne la provoque pas. »
Dans l’Église aujourd’hui, la démarche est donc de s’informer sur cet univers et sur les questions qui s’y posent, pour mieux accompagner. « On commence à
entrevoir que l’homosexualité n’est pas une revendication identitaire mais une réalité expérimentée par des personnes qui essayent de la vivre de façon responsable », commente le père
Bernard Massarini, qui accompagne des membres de Devenir un en christ. La question de l’accueil se pose avec une acuité particulière sur le plan sacramentel. De nombreuses personnes demandent à
communier, à être confirmées ou baptisées. Elles ne l’auraient pas envisagé autrefois, se sachant en dehors de la norme établie par l’Église de l’homosexualité continente ou de l’hétérosexualité
dans le mariage. On les voit aussi demander le baptême d’un enfant. Des demandes gérées au cas par cas, et qui trouvent une issue ou pas, à la discrétion des pasteurs.
Toute la difficulté, de fait, pour les prêtres, est de parvenir à se situer par rapport au magistère, qui prescrit la chasteté continente à tous. « Le but de
l’accompagnement est d’aider la personne à déployer ce qu’elle est intérieurement et qu’elle doit reconnaître », estime le père Massarini. Le magistère n’est pas une feuille de route à
mettre en œuvre : c’est un garde-fou, qui permet d’éviter, quand on passe des virages trop forts, de tomber. En rappelant qu’il y a d’autres schémas, que la différence sexuelle est
structurante, que la génitalité n’est qu’une part de la sexualité, il engage à être plus attentif à ce que l’on fait et vit. Et alors il devient un outil pour plus d’humanité. »
Mais les personnes homosexuelles continuent d’attendre un engagement qui vienne du plus haut niveau de l’institution. Aux États-Unis, la lettre pastorale Ils sont
toujours nos enfants, adressée par les évêques en 1996 aux parents et aux prêtres, a fondé une véritable démarche d’accompagnement ecclésial. Rien de tel en France. « Les évêques français
font preuve d’une grande ouverture dans l’intimité des bureaux mais ne vont pas au-delà, alors qu’ils peuvent être si audacieux sur d’autres sujets », regrette Jean-Michel Dunand. « Ils
craignent qu’on les soupçonne de cautionner les questions de société qui vont avec, comme le mariage ou l’adoption », analyse une animatrice en pastorale. « En fait, ils sont heureux
qu’il y ait des laïcs pour dire les choses. » En 2006, à l’issue d’un synode diocésain, Michel Santier, alors évêque de Luçon, avait demandé pardon à tous ceux qui témoignent « de
blessures reçues de l’Église et de ses membres », citant ceux « qui vivent une orientation sexuelle qu’ils n’ont pas choisie ». La démarche avait suscité le scandale, orchestré par
les traditionalistes du diocèse. « L’homosexualité suscite une telle agressivité dans certains milieux catholiques qu’il faut être très prudent dans notre approche pastorale. La parole de
l’Église risque d’être systématiquement mal comprise », analyse-t-il aujourd’hui. De son côté, Gérard Daucourt, évêque de Nanterre, reconnaît se sentir « assez démuni pour faire des
propositions qui formaliseraient l’accueil des personnes homosexuelles, dans un contexte qui se tend, entre ceux qui militent, et ceux qui condamnent. »
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