J'aurais aimé qu'il y ait autant de publicité dans les paroisses de France pour la démarche Diaconia 2013 que pour la Manif pour tous

Publié le par Michel Durand

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Des catholiques affichent leur soutien au mariage pour tous

 

Je recommande la lecture de cet article dans le blog de Laurent Grzybwoski dont voici un extrait qui correspond bien à ma façon de penser :

 

  • "En ce qui me concerne, je l'ai déjà dit, je l'ai déjà écrit, dans ce débat, je refuse de choisir mon camp. Je ne veux pas entrer dans une confrontation que je juge stérile. Citoyen français, catholique de surcroît, j'essaie de comprendre et d'accueillir la réalité, non pas telle que je voudrais qu'elle soit, mais telle qu'elle est : il y aujourd'hui, dans notre pays, des couples homosexuels qui souhaitent bâtir leur vie de couple et leur vie de famille sur le mariage". L. G. .

 

"Ce qui me peine et qui m'inquiète, c'est de voir tous ces jeunes manifestants, dont certains ont été enrôlés malgré eux dans une confrontation qui les dépasse, alors qu'il y aurait aujourd'hui tant de grands combats à mener, vitaux et urgents, où les chrétiens (les plus jeunes en particulier) ne sont pas toujours présents : la résistance à la société de consommation, la lutte contre la pauvreté et contre la faim dans le monde, la promotion des droits de l'homme (et de la femme !), le refus de l'injustice, le combat pour la paix, la recherche de la fraternité et du vivre ensemble à travers le dialogue interculturel ou interreligieux, le défi écologique ou le développement durable... Ah, comme j'aurais aimé qu'il y ait, ces dernières semaines, autant de publicité dans les paroisses de France ou sur les réseaux sociaux, pour la démarche Diaconia que pour la Manif pour tous."

 

Je suis aussi heureux de vous communiquer le texte de Michel Quesnel de qui j'ai parlé il y a quelques jours.

Libres réflexions sur le prétendu « mariage pour tous »

Le 24 octobre 2012, Saint-Bonaventure organisait une soirée de présentation du document daté de septembre 2012 émis par le Conseil famille et société de la Conférence des évêques de France, intitulé Élargir le mariage aux personnes de même sexe ? Ouvrons le débat ! » Depuis cette date, de nombreuses prises de parole ont eu lieu, des manifestations ont été organisées, des personnes ont bougé, le Parlement est saisi du projet de loi « Taubira ». Il nous a semblé bon d’en reparler, ce que propose ici le P. Michel Quesnel.

Forgée par un habile publiciste, l’expression « mariage pour tous » est une duperie. Le projet de loi ne prévoit aucunement que tout le monde puisse épouser tout le monde. En dessous d’un certain âge, le mariage ne sera pas autorisé ; une personne ne pourra pas non plus épouser son frère, sa soeur, l’un de ses parents ou l’un de ses enfants. Mieux vaut alors garder la tête froide, appeler les choses par leur nom et parler, pour le projet de loi en cours, de « mariage entre personnes de même sexe ».

Quelle est la question ?

Des personnes de même sexe vivant en couple et voulant légaliser leur union demandent à pouvoir se marier devant un officier d’état civil.

Certaines voudraient même pouvoir le faire devant le ministre d’une Église. Cela au nom d’un amour partagé. Elles voudraient aussi pouvoir élever des enfants qui soient reconnus comme enfants des deux membres du couple, au nom de l’amour que tous deux leur portent. De telles unions sont déjà autorisées par douze à quatorze pays dont la plupart sont de tradition chrétienne, voter une telle loi a donc un caractère de modernité. Cela semble aussi rendre justice à des personnes homosexuelles qui ont vécu depuis des siècles des situations humiliantes. Rappelons qu’être homosexuel n’est ni une tare ni un péché ; c’est une disposition physique et psychologique en partie innée et en partie acquise, dont il faut bien que la personne homosexuelle s’accommode.

Quelles sont les solutions ? Ne rien faire ne serait pas juste. On ne peut faire durer une situation qui fleure l’exclusion. Le PACS (Pacte civil de solidarité) créé en France en 1999 ne répond pas à toutes les attentes. Il ne donne que peu de droits aux partenaires, en particulier dans le cas où l'un des deux décéderait ; 85% des couples pacsés sont d’ailleurs hétérosexuels. Plaider qu’un enfant a besoin d’un père et d’une mère est légitime en un sens, mais il faut bien reconnaître que de très nombreux enfants dans le monde occidental n’ont pas ce privilège : les familles monoparentales sont nombreuses ;  peut-être vaut-il mieux être élevé par deux hommes ou par deux femmes que par un seul parent ? L’éducation n’est d’ailleurs presque jamais assurée uniquement par les seules personnes vivant au foyer.

Sans doute, faut-il donc élargir les droits que donne le PACS. Sans doute aussi faut-il lui donner un autre nom que ce sigle un peu ridicule. Doit-on parler d’ « union civile » ? Peut-être.  La question du nom est importante. Il n’est d’ailleurs pas sûr qu’il faille donner le même nom à des réalités aussi différentes que l’union juridique entre personnes de sexe différent (où la femme peut porter un enfant de l’homme), l’union entre deux femmes  (où les deux femmes peuvent être mères, de pères biologiques pouvant rester « anonymes ») et l’union entre deux hommes (dont aucun ne peut être « mère », et qui, pour être père, ont besoin de mère biologique).  L’intelligence humaine possède l’aptitude de nommer différemment des choses différentes ; ne pas voir ces différences ou les refuser peut être une régression… ou une malhonnêteté.

Reste, et elle est importante, la question de la procréation dans un couple homosexuel. La plupart de ceux qui veulent se marier la revendiquent.  Les pouvoirs publics ont décidé de la traiter dans un autre projet de loi,  mais il faudra bien qu’elle le soit un jour. Faire appel à un donneur de sperme anonyme dans un couple féminin semble possible ; c’est déjà légal pour un couple hétérosexuel. En  revanche, faire appel à une mère porteuse dans le cas d’un couple masculin est beaucoup plus problématique ; la loi ne peut ouvrir la porte à la marchandisation des corps !  La solution pour un couple d’hommes serait alors l’adoption par les deux conjoints d’un enfant déjà né. En France, un célibataire peut adopter.

Pourquoi pas deux « pères » ?

Terminons par une question posée aux Églises et aux religions. L’homophobie a imprégné des siècles de civilisation dite chrétienne, avec au moins la complicité des dirigeants religieux.

Les progrès des sciences humaines aidant, la plupart des Églises et des religions en France reconnaissent maintenant qu’une telle attitude n’est pas digne de l’amour universel du prochain qu’elles prônent. Mais se laissent-elles, dans leurs déclarations et dans leurs pratiques, suffisamment interroger par les personnes homosexuelles qui essaient de concilier leur état avec une foi authentique ? Pas encore suffisamment, semble-t-il.

On le voit, ces questions sont complexes. S’enfermer dans le « pour » ou dans le « contre » est simplificateur. Les chrétiens ont d’ailleurs, sur ces questions, des positions qui tiennent à l’intérieur d’un large éventail,  conduisant les uns à manifester dans un sens, les autres dans l’autre ; et c’est faire un mauvais procès à l’Eglise, de proclamer que les « cathos » sont tous contre. Chacun est d’abord renvoyé à sa conscience ; et la société dans son ensemble, à poursuivre sa réflexion.


Michel Quesnel, prêtre de l’Oratoire, chapelain à Saint-Bonaventure

3 février 2013, Numéro 5


 


Publié dans Anthropologie

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