L'inhospitalité incompréhensible des Européens
Une déclaration * de Mgr Lahham Archevêque de Tunis
La question de la migration ne se pose pas seulement en Europe. Les pays du Sud de la méditerranée sont également concernés. Les Tunisiens se montrent largement plus humains que les européens.
Cela ne s'était jamais vu depuis que la Tunisie est Tunisie et la Libye la Libye. La Tunisie ne s'était pas encore relevée de son tsunami politique et social, que la Libye voisine est entrée dans une rébellion armée que personne ne prévoyait. Et comme il y a des millions (on parle de trois millions) d'étrangers qui travaillent dans tous les domaines en Libye, on a assisté à un exode de masse vers la Tunisie et l'Égypte.
Entre 250.000 et 300.000 personnes ont passé la frontière tuniso-Iibyenne. Elles étaient de toutes les nationalités... Nous avons assisté à des scènes formidables de solidarité et d'accueil.
l'Église de Tunisie a envoyé dès les premiers jours un prêtre et trois religieuses pour aider les réfugiés. Il arrivait que les Sœurs préparent, avec d'autres volontaires, des repas pour 10.000 personnes chaque jour. Nous avons un prêtre nigérian dans le diocèse, et il visite régulièrement les camps ; il a même célébré la messe de Pâques dans une grande tente que les Érythréens avaient transformée en chapelle. Plus de 150 personnes ont assisté à la messe....
Tout ceci s'est passé alors que des milliers de Tunisiens sont arrivés à Lampedusa... Je ne parle pas de la dimension juridique ou politique de ce phénomène, ce n'est pas de ma compétence. Mais je parle de la dimension humaine. Ce sont des jeunes au chômage (19% de chômage avant la révolution). Le tourisme occupait 450.000 jeunes qui se sont retrouvés du jour au lendemain sans travail, le contrôle des frontières s'étant affaibli à cause de la situation politique et sécuritaire dans les grandes villes.
J'essaie de me mettre dans la mentalité d'un Tunisien : 20.000 Tunisiens sont arrivés dans une Europe, en crise peut être, mais riche tout de même, et ils sont mal reçus, alors que plus de 200.000 (dix fois plus) d'étrangers sont arrivés dans une Tunisie, pas aussi riche que l'Europe, mais surtout qui sort d'une grave crise politique, et les Tunisiens les ont reçus à bras ouverts, leur ont ouvert leurs maisons, leurs écoles, et ont partagé avec eux leur pain quotidien.
Vu de la rive sud de la Méditerranée, où l'hospitalité est à la fois une valeur et un devoir, c'est incompréhensible... tout simplement.
Dans un article publié sur le site de la Fondation Oasis le 27/5/2011
Voir http://www.oasiscenter.eu/fr/node/6957) (où on trouve aussi ce texte en espagnol, anglais, italien et arabe)