La culture du bien-être, qui nous amène à penser à nous-même, nous rend insensibles aux autres nous fait vivre dans des bulles de savon qui sont belles mais ne sont rien

Publié le par Michel Durand

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Jardin des Tuileries. Le Bon Samaritain. François Sicard. 1896.

 

Parler d'environnement, de protection de l'environnement, aujourd'hui n'est absolument pas porteur.

Il est politiquement plus correct de parler de croissance, de progrès technique, Jean-François Hollande en ce 14 juillet n'hésite pas à dire : "La reprise, elle est là" ; "Il y a une production industrielle qui repart", a-t-il argué, affirmant que la France était le pays d'Europe où la production industrielle est le plus rapidement repartie". "La reprise économique est là". Parler de la sorte, relève d'un refus de voir la réalité."Mondialisation de l'indifférence", comme le dit François dans son commentaire de la Parabole du Bon Samaritain (voir l'homélie de ce jour à Saint-Polycarpe, Lyon).

Jean-Claude Guillebaud le dit très clairement dans sa chronique hebdomadaire pour La Vie.

Il me semble que mettre son texte à côté de celui de l'homélie de François à Lampedusa convient très bien. Le souci développé par mes amis de La Décroissance rejoint celui de l'accueil de l'éranger.

 

L'écologie en perdition

par Jean-Claude Guillebaud

 

Sale temps pour l’écologie ! On aurait bien tort d’analyser le limogeage de Delphine Batho en regardant les choses par le petit bout de la lorgnette. J’y vois quant à moi le signe d’un paradoxe extravagant et qui dépasse largement le cas français. Sur le plan des idées, la prise de conscience écologique n’a jamais été aussi urgente (et novatrice). Elle est même la seule réflexion à désigner un « horizon d’espérance ». En matière politique et économique, en revanche, l’écologie n’est plus prioritaire, loin s’en faut. Dans un climat de panique économique et de croissance à tout prix, le vieux productivisme revient en force. Ce qui est vrai en France l’est un peu partout dans le monde.

Cet oubli – volontaire – des urgences liées à l’environnement est à la fois compréhensible et désastreux à terme. Certains théoriciens jusqu’alors « modérés » s’en alarment. Je pense à un philosophe français comme Dominique Bourg, qui enseigne à l’université de Lausanne. Il fut longtemps le conseiller politique de Nicolas Hulot, après avoir inspiré certaines analyses de Daniel Cohn-Bendit. Or, il n’hésite pas à parler d’effondrement. « Aujourd’hui, soulignait-il dans le journal lyonnais La Décroissance, nous faisons face à une dégradation continue de la biosphère, un appauvrissement continu des ressources. L’ensemble des écosystèmes s’affaiblit. […] Nous n’avons jamais connu une période aussi difficile dans l’histoire. » Un peu plus loin, il ajoute : « Sans décroissance de ces flux de matières et d’énergie, on ne s’en sortira pas. »

Face à ce désastre amorcé, les palinodies françaises entre le parti Europe Écologie-les Verts et les socialistes paraissent bien frivoles. Alors ? Osons remettre sur la table une question de principe que l’on avait glissée sous le tapis. Celle-ci : était-il raisonnable de créer un « parti écologiste » au sens traditionnel du terme, à l’instar de ce que firent, dès 1980, Die Grünen en Allemagne ? Oh, certes, avoir des ministres au gouvernement et un groupe au Sénat n’est pas un gain politique négligeable. Mais que pèsera-t-il, à terme, s’il contraint les écologistes à se taire en avalant des couleuvres ?


Je rappelle que Jacques Ellul, maître à penser de José Bové, de Noël Mamère et de bien d’autres, n’était pas favorable à cette stratégie. Il pensait que cédant à ce projet d’entrée en politique – même en voulant « faire de la politique autrement » –, les écologistes contracteraient la peste politicienne. Patrick ­Chastenet, le président de l’Association internationale Jacques Ellul, en témoigne. Pour Ellul, rappelait-il, « la cause écologiste n’a rien à gagner à entrer dans le jeu politicien. Jusqu’au bout, fidèle à sa devise, il préférera les initiatives locales, les mouvements sociaux et le combat associatif. »

La vision d’avenir que porte en elle l’écologie politique implique un changement de paradigme civilisationnel si dérangeant que sa défense ne peut passer par le truchement des majorités, des secrétariats d’État ou des marchandages électoraux. C’est l’opinion qu’il faut culturellement convaincre pour accélérer cette « révolution des consciences ». Elle est devenue urgente, pour ne pas dire vitale.


Publié dans Eglise

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