Nous raisonnons trop selon la distinction clercs-laïcs ; soyons attentifs aux communautés locales et non au vocabulaire de la centralisation

Publié le par Michel Durand

L’homélie que j’ai prononcée dimanche dernier ne pouvait qu’être influencée par la réflexion que j’entretiens sur l’avenir d’une paroisse dans le contexte d’un manque de prêtre.

Voir ici et aussi ici.


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Je me dis qu’une Église est d’abord composée par les fidèles du Christ qui la compose. L’Assemblée du Christ est faite par les baptisés qui, consciemment, se mettent à l’écoute de sa Parole. Certes, l’Eucharistie est le sommet de la vie en Eglise. Mais cette sommité n’enlève pas que Christ est présenté quand deux ou trois fidèles se réunissent pour le prier, le louer, le reconnaître et mieux le connaître. Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux.

Alors pourquoi les chrétiens sont-ils si lents (réticents) à se réunir autour de la seule Parole ?

Je me suis posé cette question dimanche en remettant à un jeune scolarisé le Livre de la Parole divine pour sa seconde étape vers le baptême : « Ma Parole est un trésor ». Ce livre, je l’avais  posé sur l’autel, au milieu de l’Assemblée. Martin, le jeune en question, s’en est allé prendre le livre d’un pas déterminé. Si quelqu’un a pris une photo de cet engagement, j’aimerais bien la voir. C’était beau.

Prière du marin ou prière du soir. Office de nuit, riche de méditation et d’adoration dans le chant des psaumes, des cantiques, dans le silence. Une communauté paroissiale ne vit pas par la présence du prêtre, mais par la prière des fidèles. C’est cette prière qui soutient l’engagement des disciples dans leur devoir de charité ; par exemple la présence en notre Église de familles roumaines en quête de logements.

L’article de Jean Rigal que j’ai lu avant l’office eucharistique de dimanche dernier m’a semblé excellent pour rappeler la réalité d’une Église : d’abord le peuple de Dieu. La communauté locale doit se réunir en absence de prêtre pour vivre tout simplement  la joie de la rencontre ecclésiale. Matines ou vêpres ont naturellement leur place dans les églises des villages et des quartiers.

L’eucharistie est la célébration dominicale de la Parole
par Jean Rigal

Le courrier des lecteurs du journal La Croix témoigne qu'il existe aujourd'hui en France des hésitations pour savoir si, pour célébrer le dimanche, il convient de privilégier l'eucharistie ou la célébration de la Parole. Selon l'enseignement du concile Vatican II, l'Eucharistie est « le centre et le sommet de toute la communauté chrétienne » (La charge pastorale des évêques, n° 30). Ce rappel est essentiel, mais bien des facteurs entrent en ligne de compte. Dans les diocèses ruraux, la célébration eucharistique a lieu, généralement, dans des localités qui ont une certaine importance et avec le renfort du regroupement des chrétiens géographiquement assez proches.

Toutefois, il est aisé de justifier les célébrations dominicales de la Parole dans des églises privées de l'Eucharistie. En maints secteurs ruraux, la théorie du « regroupement » se heurte à différents obstacles pratiques: difficultés de déplacement, barrières psychologiques, poids des habitudes, attachement historique et affectif à son église locale, irrégularité des horaires et des lieux de célébration, etc.

De manière plus positive, il importe de rappeler que toute communauté humaine, en tant que lieu de vie et de mission pour des chrétiens, a vocation à devenir « communauté chrétienne ». « Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d'eux » (Mt 18, 20). Ne pas être attentifs aux communautés de village ou de périphérie revient à créer un désert spirituel autour de lieux d'une certaine consistance humaine et où une vie d'Église est encore possible. Nous raisonnons trop à partir de la distinction « clercs-laïcs », au lieu d'être attentifs aux communautés locales. Il est impératif de bannir le vocabulaire de la centralisation, « des dessertes », et autres « relais » qui ne font pas droit aux possibilités du territoire local et à son importance comme « terre à évangéliser ».

Il ne saurait y avoir de concurrence entre l'eucharistie et les assemblées de la Parole: cela demande que les horaires soient aménagés en conséquence. D'autre part, le déroulement de la célébration de la Parole ne doit pas ressembler à une messe au rabais. Il existe aujourd'hui des livres ou des manuels qui évitent ce danger et, surtout, constituent des outils précieux au service des animateurs des célébrations (1).

Sans doute, est-il aussi utile de rappeler que les « Assemblées dominicales de la Parole » ont l'agrément des plus hautes autorités de l'Église catholique. D'abord, de Vatican II: « Dans les endroits sans prêtre, s'il n'y a aucune possibilité de célébrer la messe les dimanches et les jours de précepte, on développera la célébration sacrée de la Parole de Dieu, au jugement de l'Ordinaire du lieu, sous la présidence d'un diacre ou même d'un laïc qui en recevra le mandat » (Constitution sur la liturgie, n° 35).

Cinquante ans sont passés, et d'autres textes officiels sont venus compléter l'enseignement du Concile. Parmi d'autres, citons « l'exhortation apostolique sur la Parole » du pape Benoît XVI en 2010: « La célébration de la Parole de Dieu est fortement recommandée dans les communautés qui, par manque de prêtres, ne peuvent célébrer le sacrifice eucharistique aux fêtes d'obligation. »

Faut-il choisir entre l'eucharistie et la célébration de la Parole? – Mais est-ce une bonne manière de poser la question? – Célébrer la Parole de Dieu ne résulte pas d'une sous-estimation de l'eucharistie, mais de la nécessité de célébrer, en assemblée, le jour du Seigneur. Pour les chrétiens, c'est une manière de répondre à leur vocation de baptisés, actifs et responsables, dans un même Peuple Dieu.

La réponse à la manière de « célébrer le dimanche », compte tenu des possibilités locales et de l'évolution du territoire concerné, ne peut se préciser qu'au sein d'instances de consultation et de décision. D'après l'expérience de plusieurs diocèses, il semble opportun de prévoir, de temps à autre, des « rassemblements eucharistiques » qui regroupent plusieurs communautés locales, ou encore de prévoir « des célébrations de la Parole avec communion » aux grandes fêtes. Il existe en France, plusieurs manières de faire…

 

(1) Voir, en particulier, Célébrons le dimanche, 2014, de Michèle Clavier et Marcel Metzger, Éd. du Signe.

RIGAL Jean, La Croix du 1er décembre 2013

Publié dans Eglise

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