Prêtres, Gérer la pénurie

Publié le par Michel Durand

De par le monde, la question se pose à beaucoup d’évêques et à leur presbytérium ; peut-être plus spécialement, en Europe que nous connaissons mieux, mais pas seulement.

Un diocèse de l’Océan Pacifique, celui de l’Ile Maurice est également aux prises avec la même question. L’évêque, Mgr Piat et son presbytérium viennent de publier un texte : « REFLEXION SUR COMMENT AVEC MOINS DE PRETRE POURSUIVRE FIDELEMENT LA MISSION QUE LE CHRIST NOUS CONFIE »

Titre long d’un texte court,  3 pages !

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Ne serions-nous pas invités –malgré l’éloignement géographique entre ce diocèse et le nôtre– à nous mettre à l’écoute et à entendre le contenu de ce texte particulièrement précieux ? Invitation que Jean de Patmos adressait jadis aux membres des églises locales d’Asie mineure, afin d’être informées de ce que disait l’Esprit-Saint aux autres églises, cf Ap. 2, 7. 11. 17. 29 ; 3, 6. 13. 22.

 

1. L’EVOCATION DE LA PENURIE :

Elle est certainement par trop expérimentée par les diocésains mauriciens pour que les auteurs du texte s’y attardent. Seulement quelques chiffres : 83 Prêtres dont 22 ont plus de 75 ans (en pourcentage : 26% des prêtres ont dépassé 75 ans). Ce pourcentage est faible par rapport aux pourcentages donnés par les diocèses français. Il se rapproche de celui du diocèse de Bayonne : 27% et s’écarte de celui de Lyon : 47%. 5 sont malades et 2 ont quitté le ministère depuis janvier 2010. Pour l’ensemble des diocèses français, c’est une centaine qui ont quitté le ministère de 2000 à 2010.

La pénurie affecte le clergé, pour l’instant, mais le texte ne parle pas de pénurie quant aux laïcs actifs dans la vie des paroisses et du diocèse.

 

2. LA CONVERSION :

Le terme est souvent utilisé, 9 fois exactement, au singulier ou au pluriel, comme s’il s’agissait d’un maître-mot, un fil rouge qui traverse tout le texte.

Le contenu, la compréhension du terme ne relève pas d’une conversion spirituelle, personnelle, pour changer quelque chose de mauvais en soi, mais d’un comportement nouveau face à la pénurie, par exemple :

L’adaptation pastorale des hommes et des femmes d’Eglise à la situation nouvelle et générale face à la Société. Cf. l’intuition de Jean XXIII concernant l’aggiornamento de l’Eglise et l’appel d’un Concile

L’accueil , raisonné, urgent, de la distinction des charges du prêtre et du baptisé et, en même temps, de leur complémentarité des unes par rapport aux autres, et, même, de leur nécessité réciproque. Ce qui appelle un renouveau de la confiance mutuelle ; et, éventuellement, une re-lecture et une ré-appropriation, de Lumen Gentium, 9, 34…

L’attention aux personnes, à chacune et à toutes, pour ce qu’elles vivent, pour ce qu’elles pensent, pour la part originale qu’elles apportent à la construction du monde et de l’Eglise d’aujourd’hui.  Cf. Gaudium et Spes.

L’acceptation, dans la foi, que l’Eglise ne soit pas parfaite ; elle a donc besoin, elle aussi de renouveau, cf. L.G. 4, 7-8 ; acceptation réaliste, est particulièrement libératrice pour bien travailler « fidèlement » à la mission… et sans tarder :

« Si nous attendions des hommes parfaits pour travailler à l’œuvre de Dieu, où les trouverions-nous ? »  P. Chevrier.

 

3. MARCHER QUAND MEME…

Non  seulement les appels à la conversion adressés aux diocésains mauriciens, mais l’appel à poursuivre la marche avec l’Eglise sont d’une telle pertinence qu’ils peuvent être retenus dans d’autres diocèses…  comme s’il s’agissait de paroles dites selon le Saint Esprit. Il est écrit dans le texte :  « Puisque l’Eglise est en marche et ne va pas attendre que nous soyons parfaitement convertis (prêtres comme laïcs) pour continuer, c’est en marchant avec l’Eglise, telle qu’elle se manifeste aujourd’hui avec ses faiblesses et son dynamisme que notre conversion se réalisera ».

Toutes nos pénuries, personnelles et communautaires, n’empêchent pas l’Eglise du Christ d’être en marche vers son terme : la réconciliation de tous les êtres dans le Fils, cf. Co. 1, 11-20 ; marche « accompagnée » par la présence quotidienne du Ressuscité, cf. Mt. 28,20 ; marche « en genèse », en tout temps, par le Souffle qui crée « naissance », cf. Hymne de Pentecôte, à Laudes, cf L.G. 4,6 ;  Marche « exodale » aussi, qui doit affronter des épreuves, des difficultés, des murmures, des refus d’avancer… analogues, quoique différents, à ceux que les hébreux ont connus lors de leur marche dans le désert, vers la Terre promise. L’Eglise, elle aussi, en situation exodale vers le Royaume définitif doit se laisser instruire par les leçons du passé, du premier Israël, cf. 1 Co. 10, 1-10 ; He. 3, 7-17 ; 13,14 et L.G. 9.

Parmi les nombreuses épreuves subies par les hébreux, lors du premier exode, il y en a trois particulièrement pénalisantes qui ne semblent pas être épargnées aux chrétiens du second et dernier exode : la perte des repères dans la nouveauté de l’expérience et la tentation de revenir en arrière, en Egypte, Ex. 16, 1-3 ;  15, 24 ; 17, 2 ; l’ignorance du lendemain, des routes à prendre, des sources vitales, Ex. 15, 24 ; 17, 1-7 ; 32, 1-6 ; la fatigue de nourriture trop monotone, cf. Nb. 11, 8.

« Marcher quand même » doit entrevoir d’assumer de telles épreuves.

 

CONCLUSIONS :

Merci à l’Eglise qui vit en l’Ile Maurice : ses exigences de conversions et la poursuite de la marche en Eglise peuvent être acceptées par nous.

Robert Beauvery

Diocèse de Lyon – France.


Publié dans Eglise

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