Que l’humanité, avant qu’il soit trop tard, prenne conscience que là réside son salut.

Publié le par Michel Durand

Robert Divoux, prêtre ouvrier en retraite, de la famille du Prado, envoie à ses amis et connaissances, souvent plusieurs fois par semaine, sa sélection de textes.

Je l’en remercie et je suis heureux de vous partager ses découvertes.

Aujourd’hui je vous propose une étude sur l’illusion de la croissance permanente, durable. Vous avez déjà des propos identiques ; mais comment ne pas en parler encore et encore surtout quand on entend parler de croissance. François Hollande tablerait sur 120 milliards pour relancer la croissance. Robert présente ce texte en disant que cet article d’un économiste, court et compréhensible, éclaire entre autres, l’enjeu du sommet de Rio.

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Même si nous en sommes encore loin, il devient possible d’esquisser les voies d’une transition vers une société plus apaisée, plus sobre et plus solidaire.

La Croix 15 juin 2012, Vers un développement plus immatériel, Bernard Perret, économiste

 

Le progrès de nos sociétés passe-t-il forcément par la croissance ? Vu la somme de souffrances provoquée par le marasme économique actuel, la question peut sembler déplacée. Et pourtant, sauf à se mettre la tête dans le sable, il n’est plus possible d’ignorer que la croissance – au sens habituel du terme, qui suppose un accroissement continu des flux de matière et d’énergie – n’a rien de durable. Année après année, elle détériore l’environnement, défigure la planète et épuise les ressources naturelles au risque de condamner les générations futures à des conditions de vie profondément dégradées. Cette contradiction majeure hypothèque notre avenir ; rien n’est plus urgent que de tracer la voie étroite qui permettra d’en sortir « par le haut », sans renoncer aux acquis les plus précieux de l’abondance.

Même si nous persistons à négliger les droits de nos descendants, il se pourrait que le réel nous rattrape très vite et nous oblige à inventer enfin ce « nouveau modèle de développement » si souvent invoqué et, pour l’heure, à peine esquissé. Les limites de la croissance avaient été annoncées dès 1972 dans un fameux rapport du club de Rome, longtemps brocardé pour son pessimisme jugé excessif. Or, quarante ans plus tard, les faits lui donnent amplement raison. Non seulement les menaces écologiques deviennent chaque jour plus précises et menaçantes, mais nous voyons se multiplier les signes avant-coureurs d’un épuisement de la dynamique sociale de la croissance. L’abondance matérielle ne fait plus rêver et nous ne croyons plus qu’elle soit synonyme de progrès social.

On ne peut qu’être frappé par le peu d’attention accordé par les médias à un fait majeur pourtant clairement lisible dans les statistiques, le ralentissement tendanciel du taux de croissance du PIB, décennie après décennie, depuis la période faste des Trente Glorieuses. Le phénomène est trop rémanent pour s’expliquer par des facteurs conjoncturels ou des erreurs de politique économique. Les crises qui se succèdent depuis 2008 en sont l’aboutissement : elles ne sont donc pas d’abord financières, mais économiques et déjà pour partie écologiques. Elles signent l’échec de diverses stratégies d’endettement (des États, des banques ou des ménages) dont le seul point commun a été la volonté constante de retarder une panne inscrite depuis longtemps dans le prolongement des courbes.

Les causes de ce déclin sont nombreuses, mais la hausse du prix de l’énergie et des matières premières, ainsi que les coûts induits par la dégradation de l’environnement en font partie. Parmi les nombreux indices d’un choc en retour de l’écologie sur l’économie, on mentionnera la multiplication, très probablement liée au changement climatique, des catastrophes naturelles (tempêtes, inondations) dont le coût économique croissant a un impact notable sur les primes d’assurance. Mais ce n’est pas tout : on assiste parallèlement, au moins dans les pays riches, à un divorce progressif entre la dynamique des besoins et celle de la circulation marchande. La demande sociale se porte en effet vers des enjeux (santé, sécurité, environnement, etc.) qui appellent des réponses en termes de services et d’organisation collective plus que de production matérielle, au moment même ou celle-ci se heurte au mur de la finitude des ressources et aux conséquences des dégâts qu’elle provoque sur l’environnement.

Ce double constat ouvre sur la perspective de plus en plus souvent évoquée d’un développement immatériel axé sur les services, le social et la culture. On sent poindre une remise en cause du postulat qui veut que l’accumulation d’objets matériels et la consommation effrénée d’énergie constituent les seules voies d’accès au bien-être. Même si nous en sommes encore loin, il devient possible d’esquisser les voies d’une transition vers une société plus apaisée, plus sobre et plus solidaire.

Observons au passage que rien n’oblige à parler ici de décroissance, ce mot ayant l’inconvénient d’évoquer une forme de retour en arrière. Il faudra au contraire innover à marche forcée, inventer de nouvelles techniques (énergies renouvelables, technologies vertes, etc.) et de nouveaux modes d’organisation (apprendre, par exemple, à mutualiser les équipements matériels les plus coûteux), tout autant que de nouveaux modes de vie. Rien de tout cela n’est impossible à l’humanité si elle prend conscience, avant qu’il soit trop tard, que là réside son salut.

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