Vive la crise
Il faut remettre l'économie au service de l'homme et non de la finance.
Texte rédigé le 20 octobre 2010 par Jean-Marie Delcourt :
La crise financière que nous traversons n'est que la partie visible de l'iceberg. C'est toute notre société qui est gangrenée par le capitalisme, ce n'est que
le symptôme d'un mal plus profond. Il faudra donc adapter la thérapie à la maladie et ne pas se contenter de soigner un mal de dents avec des antidouleurs.
Churchill qualifiait d'optimiste celui qui voit une chance derrière une catastrophe, c'est dans ce sens que la crise actuelle peut être bénéfique. Elle fait apparaître les disfonctionnements et les absurdités du système capitaliste dont tant de personnes vantaient les bienfaits. Fini les mensonges, les évidences, les dogmes, la pensée unique qui finissait par nous faire croire qu'il n'y avait pas d'alternative, que c'était le seul système qui permettait de produire des richesses dans un état démocratique. Ceux qui ont vu arriver le désastre en pensant le contraire ( je suis de ceux-là) recommencent à donner de la voix et à proposer un autre modèle de société, une autre façon de " vivre ensemble". Mais avant cela, il nous faut faire un bon diagnostique, bien identifier les causes de la maladie : la perversité du système économique libéral et son idolâtrie de l'argent.
La crise n'est pas seulement économique, c'est une vraie crise de civilisation, c'est une crise profonde qui se situe à plusieurs niveaux :
1. Crise de l'argent
L'argent est devenu un but en soi au lieu d'être un moyen de faciliter les échanges économiques. Le problème majeur n'est pas un manque de liquidités comme on le dit dans certains milieux puisqu'on vient de trouver des dizaines de milliards d'euros pour renflouer les banques. Depuis les réformes des années 1980, plus de 90 % de la masse monétaire sert principalement à spéculer plutôt qu'à investir. Les chevaliers de l'industrie ont cédé la place aux chevaliers de la finance qui nous ont amenés dans le mur. Ils ont abandonné "l'économie réelle" comme on dit aujourd'hui càd les usines, les industries, les services publics, l'agriculture … pour " l'économie virtuelle".
2 Crise de l'économie.
Nous sommes essentiellement dans une économie marchande. Une entreprise est bonne si sa production se vend bien, mais on ne se pose pas la question de sa finalité. Le but de l'économie, ce n'est pas d'abord de faire du profit mais de répondre à des besoins. L'agriculture sert d'abord à nourrir la population et non à faire d'énormes bénéfices. De plus, si vous n'êtes pas solvables, càd sans pouvoir d'achat, comme l'Afrique par exemple, vous n'intéressez personne. Il faut remettre l'économie au service de l'homme et non de la finance.
3 Crise de la société de consommation.
Notre société a lié l'argent au travail ( le salaire ) et l'emploi à la croissance, stimulée par la consommation. Plus il y a de la consommation, plus il y a de la croissance. Celle-ci entraînant la production crée de la main d'œuvre. Et nous tournons dans un cercle vicieux, car enfin le PIB n'a rien à voir avec le bonheur des gens. Ne faudrait-il pas profiter de cette crise pour casser ce mécanisme pervers et trouver un autre baromètre ?
L'être humain a autant besoin de liens que de biens.
4.Crise des valeurs.
Les valeurs qui sous-tendent l'économie libérale font appel à ce qu'il y a de plus bas dans l'homme : la cupidité, la concurrence, la compétitivité, le chacun pour soi, le gaspillage. C'est du darwinisme social : la loi de la jungle. On a réduit le mot valeur à une valeur comptable (les valeurs boursières) et confondu le bonheur avec le plaisir de la consommation.
Le grand échec du capitalisme, c'est qu'il n'a pas tenu ses promesses : le développement pour tous. Il n'a fait que creuser les inégalités sociales et salariales : la rémunération du capital est plus élevée que celle du travail. Pourtant une société vraiment humaine se mesure à sa capacité d'intégrer les exclus, les pauvres, les chômeurs, les handicapés.
Il faudra donc redéfinir certaines notions comme le progrès, la croissance, le développement, durable ou non et refonder une nouvelle civilisation sur des bases plus proches de celles de l'évangile : le partage, la justice sociale, la sobriété joyeuse, l'égalité.
5. Crise écologique
Et pour ne rien arranger, la crise écologique vient coiffer toutes les autres crises, car à quoi bon relancer la machine économique telle quelle si c'est pour se rendre compte que le réchauffement climatique et ses conséquences risquent de faire disparaître l'humanité elle-même.
On peut parfois se demander comment le capitalisme a survécu à toutes les crises qu'il a lui-même suscitées. Et cela depuis 1929 ! L'explication est à trouver dans la perspicacité des tenants du libéralisme économique à mettre en application un principe simple : "Privatiser les profits et nationaliser les pertes".
"Nous avons toujours su que l'égoïsme insensible était moralement mauvais ; nous savons maintenant qu'il est économiquement mauvais" ( Le président Roosevelt en 1937)
Jean-Marie Delcourt