Depuis les origines de l’espèce toute l’histoire est celle des migrations, lentes, inorganisées – sauf les conquêtes militaires

Publié le par Michel Durand

Le pape François est allé à la rencontre d’un groupe de migrants à la fin de l’audience générale du 11 avril 2018, place saint-Pierre au Vatican. / Raffaella MidirI/MaxPPP

Le pape François est allé à la rencontre d’un groupe de migrants à la fin de l’audience générale du 11 avril 2018, place saint-Pierre au Vatican. / Raffaella MidirI/MaxPPP

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Assurément s’il y a en Europe une crise politique on ne peut pas affirmer qu’il y ait une crise migratoire. En effet, une crise est un passage. Quand la situation s’étend sur de nombreuses années, c’est une réalité que nous sommes invités à prendre en compte dans le long terme. Je lis dans le CRID (centre de recherche et d’information pour le développement : « Les politiques et les médias le répètent en chœur : l’Union européenne et ses États membres subiraient aujourd’hui de plein fouet une « crise migratoire » d’une ampleur jamais égalée qui met en péril la construction communautaire. Mais peut-on réellement parler de crise ? Les migrations ne sont-elles pas plutôt un phénomène durable qu’il faudrait appréhender comme tel ? Si c’est bien le cas, faute d’un diagnostic de départ correct, les politiques aujourd’hui déployées tant au niveau européen que français ne génèrent-elles pas plus de problèmes qu’elles n’apportent de solutions ?

 

L’égoïsme européen opte pour payer des polices aux frontières, pour renforcer les pouvoirs de Frontex afin que tout soit réglé chez les autres, dans des centres fermés, en Albanie ou en Tunisie, par exemple, pour ne parler de la Libye ou de la Turquie.

Sur France bleu, nous lisons : « Pour la France et l'Espagne, la solution serait de multiplier des centres fermés à l'arrivée des migrants sur le sol européen ou à l'extérieur  des frontières européennes dans des pays dits "sûrs", l'important étant que ce soit du personnel européen qui les prend en charge. C'est lui qui détermine s'il faut donner suite à une demande ou expulser. Les centres sont fermés donc les migrants ne pourraient pas disparaître.

L’égoïsme européen ne voit pas que tous les migrants le sont par détresse. Elle distingue les bons  migrants qui risquent de mourir sous les bombes de fabrication européenne des migrants qui n’ont pas vocation à émigrer, car ils ne risquent de mourir que par la faim, la mauvaise gouvernance corrompue.

Mais cela, nous le savons de longue date. Et les militants des associations d’aide aux migrants croulent sous les demandes d’urgence et les modifications des lois visant à plus d’expulsion. Il y a tellement à faire pour répondre aux basiques demandes humanitaires, que l’engagement nécessaire pour que changent les lois n’est plus possible par manque de temps et de cohésion entre les diverses associations. Oui, là il y a vraiment crise. Crise face à l’obtention d’une juste et bonne gouvernance. Ainsi, à la Coordination Urgence

Migrants on observe à l’occasion de son Assemblée générale ordinaire : « A la lecture des deux rapports d’activité 2017/2018, une chose parait évidente : pendant toute l’année, les membres de la CUM (ou une bonne partie d’entre eux !) ont participé à une multitude d’initiatives et ont été présents sur de très nombreux fronts en vue de promouvoir une autre politique d’accueil des migrants en France et en Europe … mais, en fin de compte, pour quels résultats concrets, pour quelle réelle efficacité en tant que Coordination Urgence Migrants ? »

 

Le catho que je  suis (ou que j’essaye d’être) me fait dire : et si l’on écoutait les appels de l’Église à l’accueil de tous ? Aucun migrant ne quitte son pays par plaisir. Les exilés le sont tous par détresse, soit à cause de la guerre, de la corruption, de la famine, des méfaits de la dictature…

 

Le pape François au milieu d'un groupe de migrants, le 6 juin dernier./ Photo AFP, archives

 

Dans La Dépêche, nous lisons à propos de la rencontre entre Emmanuel Macro et le pape : « le dossier des migrants, qui déchire l'Europe et sur lequel le pape François met en avant l'impératif évangélique de l'accueil, devrait être en tête de l'ordre du jour. En effet, juste avant l'entrevue avec le pape François, Emmanuel Macron petit-déjeunera en compagnie de la communauté catholique Sant'Egidio, cheville ouvrière de plusieurs «couloirs humanitaires» acheminant des exilés syriens en Europe. Dans la délégation présidentielle figurera la présidente du Secours catholique, Véronique Fayet, qui n'a pas ménagé ses critiques contre la politique migratoire de l'exécutif, jugée trop restrictive ».

 

Parmi les articles du journal sur ce sujet, je souhaite citer la chronique de Bruno Frappat du 24 juin : la migration n’est pas une crise, mais une réalité qui dure depuis des millénaires. Seuls les gouvernements volontairement aveugles par replis sur leurs privilèges ne le voient pas.

 

« Marées

Ces douteux personnages (les hommes capables de séparer les familles) qui font la une de l’actualité sont non seulement cruels, mais aveugles. Ils s’imaginent que l’on peut désormais empêcher l’humanité de continuer à errer sur la terre au gré de ses besoins et de ses envies. Depuis les origines de l’espèce, sans doute dans l’est de l’Afrique, toute l’histoire est celle des migrations, lentes, inorganisées – sauf les conquêtes militaires par le fer et par le feu – un lent investissement spontané et souvent conflictuel des zones inoccupées par ceux qui cherchaient à améliorer leurs conditions d’existence.

Il y a des millénaires que cela dure, comme durent les assauts des mers et des océans sur les falaises et les plages où nous aimons bronzer. Rien n’a jamais réussi à arrêter ce flot. Ni la muraille de Chine, ni le « Limes » romain, ni le mur de l’Atlantique. Les tristes sires qui prétendent organiser aujourd’hui l’immobilité de l’humanité sont comme des enfants qui érigent des châteaux de sable et croient que leurs petites pelles et leurs râteaux leur permettront de résister à la marée montante et à la destruction de leurs édifices.

Il suffit de regarder la planète d’un peu plus haut que le bout du nez de nos médias pour comprendre que la migration n’est pas un phénomène du passé, mais qu’il se prépare à nos portes d’énormes mouvements de population. Que le milliard d’hommes que comptera bientôt l’Afrique ne va pas stagner là où le hasard les a fait naître. Qu’ils vont monter vers nous à pied, en voiture, en bateau, en avion, poussés par la nécessité. Les drames de ces derniers mois ne sont que les prémices de ce qui va advenir et que les démagogues veulent nous faire croire évitable par la force.

Il y a un peu plus d’un siècle, nous étions allés chez eux pour les pousser à adopter notre religion et leur piquer leurs richesses. Aujourd’hui, dans un mouvement de balancier, ils réclament un juste retour des choses et venir chez nous pour se servir. Appelons cela une « inondation », une « invasion », un « remplacement », ce sera de toute façon une réalité prévisible. Illusion que l’utilisation des seuls moyens de force, d’interdictions, de refoulement, et de renvoi à l’expéditeur !

Le rêve de la forteresse inexpugnable est illusoire et dangereux. Au fond nous n’avons le choix qu’entre deux attitudes visionnaires. La magique, qui s’imagine que l’on peut tendre les bras contre la foule qui se rassemble à nos portes. L’autre, la réaliste, qui dit qu’il faut se préparer à les accueillir en grand nombre. Les « bonnes âmes » et les idéalistes ont sans doute meilleure vue que les cyniques et les brutaux. »

Bruno Frappat

Publié dans Eglise, Politique, migration

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