Ce qui compte, ce n’est pas ce que l’on dit, mais ce qui se fait en conformité avec les paroles. Montre-moi tes œuvres je te dirai qui tu es

Publié le par Michel Durand

Je ne sais trop comment cela m’est venu, mais voilà, c’est bel et bien présent dans mon esprit et, aujourd’hui, je ne vois comment cela pourrait disparaître. Je veux parler de la conviction que, pour que le monde change, se convertisse, il est totalement illusoire d’en appeler à une autorité qui nous dépasserait tous et à laquelle nous ne pourrions que nous soumettre.
Ce qui compte, ce n’est pas ce que l’on dit, mais ce qui se fait en conformité avec les paroles. Montre-moi tes œuvres je te dirai qui tu es

Il n’y a pas d’ordre naturel impératif que tous, au-deçà des variétés culturelles et des politiques, devraient reconnaître comme inéluctablement respectable. Un ordre auquel, quelle que soit les options philosophiques, religieuses et politiques, tous devraient obéir. Il n’y a pas de Loi naturelle absolue, universelle applicable dans toute culture. La présente mondialisation révèle cette inexistence.

Enfin, supposons encore qu’une Loi valable pour tous, une Loi que tous devraient respecter puisse exister. Les psychologies contemporaines, modernité enracinée dans le libéralisme philosophique du XVIIIe siècle, ne pourraient le supporter tant est encré dans nos esprits modernes l’impératif de se construire soi-même par ses propres capacités.

Si cette idée d’un ordre transcendant est venue, c’est dans la lignée de la philosophie grecque, largement présente dans les tentatives chrétiennes d’explication du monde et de la Révélation biblique. Et je pense que cela fut un bien pour la construction de l’humanité. Parler en ce sens du transcendant demeure fort utile, car emprunter ce chemin permet d’expliciter les élans spirituels présents en tout homme.

Pour autant, ce concept de loi universelle, n’est plus opératoire. Comment alors agir afin de rejoindre la pensée de l’Unique Dieu créateur ? En effet, nier la réalité ou l’opportunité d’une loi universelle à laquelle toutes les cultures et convictions devraient se soumettre, n’entraîne pas la négation de Dieu.

L’agir

Avec cette affirmation, je quitte le domaine spéculatif de la philosophie pour ouvrir la porte du témoignage, du récit.

J’ai une conviction morale, un art de vivre qui, selon mes engagements personnels, me semble tellement incontournable qu’autrui doit également adopter cette façon d’être. Ce n’est donc pas en en appelant à un universel que sera obtenu l’adhésion de l’autre afin qu’il vive ainsi, mais par le témoignage personnelle.

Je note que cette méditation m’est venue à la lecture de l’évangile selon Matthieu (5, 38-48). « Vous avez appris qu’il a été dit (parole de la Loi) : œil pour œil, dent pour dent. Eh bien, moi je vous dis de ne pas riposter au méchant ». Je passe sur l’exégèse de cette phrase, somme toute bien connue, pour souligner que Jésus sort du terrain législatif afin d’entrer dans une pratique. Il n’invite pas à argumenter mais à agir : « si l’on te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l’autre ». « Si quelqu’un veut te prendre ta tunique, laisse-lui encore ton manteau ». Jésus cite la Loi mais il ne cherche ni à la justifier, ni à la contredire, ni à la compléter –du reste il n’en n’a pas le pouvoir, n’étant ni scribe, ni docteur de la Loi de l’école des pharisiens- il invite tout simplement à adopter une mode de vie qui s’oppose à cette Loi. On t’a dit : « tu haïras ton ennemi. Eh bien moi, je vous dis : Aimez vos ennemis ».

Seule la pratique de ce « commandement » apportera des arguments aptes à prouver la valeur fondamentale et universelle de la Parole de Jésus. Seule la mise en œuvre de cet art de vivre : saluez même ceux qui ne sont pas des frères prouvera que Jésus apporte des conseils qui, par leur force, conduisent à accomplir sur terre, dans un domaine culturel déterminé et une politique précise, la Pensée de Dieu. Il s’agit essentiellement de vivre comme Jésus, de le suivre, de faire comme lui, certes avec et par une transposition de son vécu dans notre propre culture. Pratiquer la Parole et non accomplir une loi.

Que Jésus veuille conduire les gens à qui il parle dans un mode de vie qui réponde à ce que Dieu, le Créateur de l’univers, veut pour l’humanité se lit dans le dernier verset : « Vous donc, soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait ».

Comment connaître l’attitude politique à mettre en œuvre ? Comment savoir ce qui convient universellement et absolument pour l’homme ? Comment enseigner un art de vivre conforme à Dieu ? Tout simplement en vivant comme Jésus nous le demande ; se mettre à sa suite, et dire par le récit témoignant ce qui est vécu. Comme Dieu fait lever le soleil sur les bons et les méchants (voir de nouveau Mat 5, 38-48), il s’adresse à tous et tous sont invités à bénéficier de ses conseils. Ceux-ci ne seront pas acceptés suite à des démonstrations spéculatives ou des obligations légales face auxquelles il faut se soumettre sous peine de condamnations pénales, mais grâce aux vécus des suiveurs du Christ, à la pratique des convaincus de bienfaits de ces modes de vie connus par les récits qui s’en fera. D’abord faire et ensuite dire. L’enseignement de la morale à vivre devient le récit d’une pratique et non l’obéissance à une loi universelle. Bien évidemment, dans l’observation de la somme des pratiques on s’apercevra qu’il y des points communs, un universel incontournable. Universel reconnu et accepté parce que non imposé de l’extérieur.

« Et si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous d’extraordinaires ? Les païens eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Vous donc, soyez parfaits comme votre père céleste est parfait ».

Allons donc, vite au boulot.

 

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