Ce n’est pas préserver le futur de l’Église que de rendre service en acceptant de dire une messe pour remplacer un curé absent
Un prêtre en charge de paroisse : « Michel, acceptes-tu me rendre un service ? Je dois me rendre à une réunion propre aux mouvements d’Action Catholique où je suis en responsabilité et les prêtres auxiliaires qui sont habituellement présents ne peuvent pas me remplacer ce dimanche-là pour dire la messe ».
Ou encore : « il n’y a personne ce jour de la semaine pour dire la messe du soir, peux-tu rendre ce petit service ? »
Vu de l’autre côté, celui des prêtres déchargés de responsabilités paroissiales propres à la charge de curé ; les retraités des paroisses. Ils disent : « je rends de petits services à droite et à gauche en disant la messe quand un besoin se présente ; cela soulage les curés ».
Comme je n’aime pas ce genre de questions ou d’affirmations ! Non, je ne peux pas rendre ce service, car je ne le comprends pas. Une messe, ça ne se dit pas. La messe (mais que veut dire ce mot sinon que c’est la fin : ite missa est), elle se vit. Ce n’est pas un acte à faire, un service à rendre, une action à poser, une fonction… c’est une communion priante avec des gens qui aiment se réunir pour rendre grâce, se reconnaître liés à Dieu, le Père, par le Fils, Jésus, dans l’Esprit.
Certes, des confrères me rappellent que depuis des siècles, on agit de la sorte et que ce n’est pas maintenant que cela va changer. Les catholiques sont trop habitués à se réunir quand un prêtre vient dire la messe. Avoir une autre conception de l’Église est un rêve !
Soit ! J’entretiens donc ce rêve. J’affirme que ce n’est pas au prêtre de réunir les fidèles du Christ ; mais aux baptisés de se convoquer dans un même lieu et à une même heure pour vivre, selon l’Evangile entendu de Jésus, la plénitude du don de Dieu.
Ce n’est pas parce que depuis les moines de Charlemagne les fidèles du Christ ne se réunissent que quand un curé les convoque à entendre la messe qu’il doit dire qu’on va continuer à trahir l’Évangile. En effet, nous y lisons : « quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux » (Mat. 18, 20). La réunion de prière s’organise à partir des baptisés eux-mêmes. Les chrétiens prient et Christ est présent.
Prêtre, si je n’ai pas à rendre le service de dire une messe en remplacement d’un curé absent, je peux plus justement partager la prière d’une communauté. Qu’il y ait un « curé » ou non, cela ne devrait pas conditionner, cela ne conditionne pas le désir d’une communauté de se réunir pour prier. Un prêtre est-il présent ? Alors la prière sera une rencontre eucharistique. En absence de prêtre, demeure l’assemblée en prière avec les psaumes et divers chants, avec l’écoute des lectures bibliques, dans le silence de la méditation, dans le partage des témoignages et des exhortations pour que la Parole entendue se concrétise dans le quotidien de la vie. Une prière qui s’étend à l’universel.
Non, je ne peux rendre service en disant une messe, car la messe ne se dit pas ; elle se vit au sein d’une communauté. Elle se prie sous le mode d’une action de grâce, une eucharistie où le Christ lui-même nous convie à sa table.
« Puis, ayant pris du pain et rendu grâce, il le rompit et le leur donna, en disant : « Ceci est mon corps, donné pour vous. Faites cela en mémoire de moi » (Luc 22, 19).
Ça ne se dit, pas se pratique.