Ce que tu sèmes ne peut prendre vie sans mourir d’abord ; ce que tu sèmes, ce n’est pas la plante qui va pousser, mais une simple graine

Publié le par Michel Durand

Arcabas Christ ressuscité

Arcabas Christ ressuscité

Au cours de la récollection avec les prêtres du Prado de Lyon, ayant médité sur la résurrection, j’ai reçu cette expression d’Alexis. Je la donne à lire ci-dessous.

Je souscris à ce qu’écrit Michel Deneken (voir en fin de page, deux textes,  jugés pas faciles comprendre, mais très riches en méditation et contemplation du ressuscité pour la résurrection.

« Être chrétien, signifie croire… à cette nouvelle réalité qui commence avec la résurrection de Jésus d’entre les morts ». « Être chrétien c’est (étant en fin de vie) avoir la passion pour l’être nouveau ».

« C’est dans la mort que Dieu fait œuvre de vie ».

« Avec quelle puissance, Jésus meurt, dit Antoine Chevrier. « Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature » (2 Co 5, 17).

La mort – acte d’amour suprême.

« Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout ». Et suit le service du lavement des pieds. Jean 13.

Le service de l’Eucharistie,  Mon corps livré. Marc 14, 12

La mort est inséparable de la Résurrection, de la vie nouvelle en Christ. Et alors, Jean parle de sa glorification. Élevé de terre, élevé sur la croix, il est élevé dans la gloire.

Nous le voyons ainsi, dans la foi. Sans poser les questions du « comment la résurrection est-elle possible ? ».

témoignages d'une bonne préparation de sa mort/résurrection

1- Ma sœur, 95 ans, a été marquée par la mort de son fils Denys, chercheur au CNRS de Grenoble ; totalement étranger à toute adhésion religieuse. Il fut incinéré après une célébration laïque au centre funéraire.

« Il n’y a pas d’espérance » disait-elle.

Elle a voulu laisser un message d’espérance à sa mort. Aussi, dés le 15 janvier, elle avait tout préparé : textes, chants,

Elle insista sur 1 Co 15 35-45.

Ce que tu sèmes ne prend vie qu’à condition de mourir.

Dans l’homélie, j’ai précisé ceci : « C’est en sortant de chez une voisine de 102 ans, aveugle, qu’elle a fait un AVC et qu’elle s’est écroulée dans le couloir. J’ai dit que, selon moi, elle avait fait une belle mort, non parce qu’elle ne s’était rendu compte de rien, comme un cousin le disait, mais parce qu’elle est morte en posant un geste de service, d’amour significatif de toute sa vie, en « semant ce qui donnait sens à sa vie, à leur vie – ce qui les aidait, dans leur isolement, à vivre, à revivre, à ressusciter déjà.

On vit déjà aujourd’hui en « ressuscité », même si c’est « sans commune mesure avec la gloire qui sera révélée en nous » lors de la résurrection à la fin des temps Rm 8,18

http://www.aelf.org/bible-liturgie/Rm/Lettre+de+saint+Paul+Ap%C3%B4tre+aux+Romains/chapitre/8

 

Au sujet du baptême :

Ce sont bien souvent ceux qui se sont éloigné de l’Église -ou qui en ont toujours été loin- qui nous rappellent la nouveauté que le baptême peut apporter à une vie. À nous qui considérons le baptême comme un événement du passé (on a été baptisé), non actuel (on est, on vit du baptême), ou alors à nous qui sommes des chrétiens par habitude, est cette parole… écoutons.

À notre dernière réunion de notre collectif PO (prêtres ouvriers), un copain nous a parlé d’une militante qui n’est pas dans le « milieu ecclésial ». Pourtant, il l’a invité le 2 avril à l’anniversaire de la reprise des ministères prêtres ouvriers (PO) et à qui il a montré un tract de la Mission ouvrière. Après l’avoir lu, elle dit : je signe. Le PO lui explique que c’est un texte particulier ; il fait relation à la foi chrétienne...

Elle répond : qu’est-ce que tu crois ? Je n’ai pas renié mon baptême.

Cette attitude montre qu’il est important de porter le message chrétien de la résurrection jusqu’aux périphéries.

2- À la veille de la mort de Claude, PO de la région parisienne, avec d’autres confrères, nous avons lu à ses côtés son testament : ses paroles, son acte de foi :

« être apôtre en étant disciple. Apôtre en mourant soi-même dans l’accomplissement de l’œuvre de Dieu. L’œuvre de Dieu, pas la mienne. Plus on est mort, plus on a la vie, plus on donne la vie. Ne pas faire obstacle à l’œuvre de Dieu. Compter sur la vie de Dieu. « Tu me suivras dans la gloire ». 

 

Michel Deneken -  La foi pacale, p. 219-223

1 Corinthiens 15,3-5.

À l'analyse, ce qui apparaît comme le premier credo kérygmatique recèle une formule complexe. L'aspect très élaboré de la formule de 1 Co 15,3-5 n'empêche pas que l'on ait affaire, pour une bonne part, à une formulation ancienne. Ce texte se donne comme une expression des plus anciennes du kérygme. Il convient donc de s'y arrêter.

3 Je vous ai transmis en premier lieu ce que j'avais reçu moi-même :

A. Christ est mort pour nos péchés, selon les Écritures.

B.4 II a été enseveli,

C. il est ressuscité le troisième jour, selon les Écritures.

D.5 I1 est apparu à Céphas, puis aux Douze.

Paul doit remettre de l'ordre dans la théologie des Corinthiens. Pour ce faire, il se place lui-même sous l'autorité de la Tradition. C'est pourquoi il a soin d'affirmer que le kérygme qu'il délivre n'est pas le fruit de son invention, mais qu'il l'a reçu, ne faisant que le transmettre après avoir découvert lui-même le Ressuscté dans sa vie. Quel que soit le découpage retenu, quadripartite pour certains ou diptyque (deux fois 3 + 1) pour d'autres, tout le monde reconnaît à cette formule son ancienneté et sa portée christologique.

1 Co datant vraisemblablement des années 55-56, la formule est donc antérieure à cette date de composition. Paul l'a vraisemblablement apprise soit lors de la catéchèse qu'il reçut après son expérience de Damas, soit, quelque temps après, à Antioche, autour de 42, lors du séjour qu'il y fit.

L'étude de la composition du texte montre à l'évidence qu'il ne s'agit pas d'un conglomérat d'éléments disparates, mais bien d'une structure ayant vu le jour telle quelle. 1 Co 15, 3-5 se révèle aussi important pour comprendre la situation de Paul que les récits qu'il fait ou qui sont rapportés de son expérience de conversion. Il y mêle le kérygme et la traduction d'une expérience existentielle.

Les quatre stiques marquant la scansion de la formule sont elles-mêmes doubles. La structure est donc de 4 x 2. Mort (A) s'oppose à résurrection (C) ; ensevelissement (B) s'oppose à apparition (D). Il suffît d'ailleurs d'étudier les seuls verbes, au nombre de quatre, pour mettre au clair une structure binaire (2x2). On trouve des formulations assez proches de celle-ci ailleurs dans la littérature paulinienne, mais tantôt il s'agit de l'évocation de la mort de Jésus (Ga 2,20), tantôt de sa résurrection (Rm .10), tantôt des deux (1 Th 4, 14). 1 Co 15, 3-5 n'est donc pas le résultat de l'amalgame de deux éléments préexistants.

Il n'y a guère de raison de mettre en doute la sincérité de Paul lorsqu'il affirme avoir reçu cette formule. Au contraire. Le passage de relais entre les apôtres qui ont vécu avec Jésus avant sa Passion et ceux qui sont devenus chrétiens après Pâques-Pentecôte est assuré par la transmission du kérygme. Il se dégage donc de cette structure deux couples antithétiques : A-C et B-D. De la sorte, AB peut s'opposer en tant que double articulation à CD, chaque élément renvoyant également de manière croisée à l'autre. Cette structure permet de comprendre que les deux événements de la mort et de la résurrection se trouvent liés de manière indissociable dans l'histoire de Jésus Christ. Mort et résurrection du Christ ne pourront plus être proclamées séparément. Ainsi, les chrétiens ont voulu confesser très tôt une foi qui se réalise comme la relecture du destin de Jésus, déterminant pour les hommes et leur histoire. Le mystère ne peut donc plus être réduit à un événement du passé, mais, dans le kérygme même, il est présent. Il est ressuscité "au présent", le « présent du discours étant celui de la vie ressuscitée du Christ. »

La formulation du kérygme en 1 Co 15,3-5 est ancienne. Beaucoup pensent que la formule présuppose les affirmations baptismales de Col 2, 12 et Rm 6, 3 s. (évocation de la descente rituelle dans l'eau durant le baptême). Ainsi, les connotations sotériologiques de la formule de 1 Co 15, 3-5 représenteraient déjà des élaborations théologiques primitives à partir des formules baptismales. Paul aurait donc transmis aux Corinthiens une formule révélant deux niveaux d'ancienneté : le rituel baptismal et sa connotation sotériologique ultérieure.

Le kérygme de 1 Co 15, 3-5 concerne la personne de Jésus et Dieu. Il confesse le Ressuscité en raison de ce que Dieu, l'auteur de la résurrection, a fait pour lui en l'exaltant. Dans cette perspective, on notera l'emploi absolu de "Christ", qui semble attester le style kérygmatique (voir Rm 5, 6, « aux temps fixé le Christ est mort pour des impies » ; 6, 4.9, « par le baptême, en sa mort, nous avons été ensevelis avec lui » ; « ressuscité des morts, Christ ne meurt plus »). L'allusion à la mort pour se réfère certainement à l'antique tradition de la vie donnée en rançon (1 Co 11, 24). Si l'ensemble de la formulation apparaît donc bien comme traditionnel, certains aspects tout aussi antiques et traditionnels font toutefois défaut, tels le ek nekrôn et le détail des listes de témoins. Si 6b et 8 sont des ajouts pauliniens destinés à asseoir l'autorité de l'Apôtre des nations, 6a et 7 constituent des éléments prépauliniens.

La formule qu'il transmet permet donc à Paul de centrer son propos sur l'essentiel. Inséré dans une tradition qui le dépasse et dont les autres chrétiens ne sont pas davantage les propriétaires, pas même ceux qui ont vécu avec Jésus avant Pâques, le kérygme de 1 Co 15, 3-5 permet de comprendre d'emblée que les formulations de la foi pascale ne se font jamais en dehors d'une Tradition, que celle-ci revendique son autorité en se réclamant d'une chaîne de témoins, d'une expérience dont il nous faudra, plus loin, tenter de définir les aspects. On peut donc en conclure, avec J. Schmitt, que « la haute ancienneté de la formule, singulièrement proche des événements dont elle traite, n'en dément pas la formation déjà complexe ».

La communauté destinataire de Corinthe est une Eglise pagano-chrétienne au sein de laquelle vivait cependant un petit groupe non négligeable de judéo-chrétiens. Pour cette raison, la formulation même de 1 Co 15, 3-5 évoque des thèmes juifs tels le motif du troisième jour et la référence à Pierre. La formule apparaît donc déjà « codée » et décryptable selon les horizons religieux des auditeurs. Les motifs du troisième jour et de la conformité aux Écritures y sont déjà thématisés avant Paul. Le thème de l'ensevelissement - par ailleurs absent chez Paul - peut également être parlant pour un chrétien d'origine juive (voir Jges 8,32 ; Ac 2,29). Malgré la spécificité de l'expérience que l'expression désigne, la tournure « ôphthè » peut évoquer les théophanies vétérotestamentaires.

On notera enfin que la formule ne s'appuie pas sur la tradition des apparitions, telles que les évangiles les présentent, et ne se réfère qu'indirectement à l'expérience pascale proprement dite. Il est certes fait allusion à un "apparaître" et l'on évoque bien des témoins. Mais le kérygme semble ici plus soucieux d'affirmer ce que l'on considère comme un fait, que de présenter les modalités par lesquelles les apôtres sont parvenus à la foi pascale.

Après les formules, il y aura des récits ; ces derniers ressortissent à des genres littéraires qui correspondent à des formes plus ou moins identifiables de la narratologie biblique, alors que les premières sont des formules théologiques de confession de foi. Ce sont elles qui constituent le premier état de la confession de foi pascale. Rien n'est dit du "comment" de la résurrection, ni de "qui est" Jésus. Celui-ci, en effet, n'est désigné par aucun titre christologique, comme si l'action ressuscitante de Dieu suffisait pour lui conférer sa dignité. Cependant, la formule de 1 Co 15, 3-5 n'en recèle pas moins une christologie et une sotériologie implicites. Une christologie implicite, car celui que Dieu a ainsi délivré de la mort n'est pas n'importe quel homme. Une sotériologie implicite, visée par la formule "pour nos péchés", car la résurrection se trouve incluse dans la dynamique de l'histoire du salut exprimée par la préposition hyper. L'argumentation de conformité aux Écritures n'est pas seulement une légitimation de l’exousia de Jésus. Elle constitue également une inscription du destin de Jésus dans l'histoire du salut. L'épisode d'Emmaüs mettra en scène Jésus exégète du Père, à la fois sujet de l'Écriture et son interprète. Nous y reviendrons.

La forme se révèle difficile à déterminer. À l'égard d'autres traditions reçues ou postulées, la paradosis que porte 1 Co 15, 3-5 est déjà désignée comme une formule. Sa construction interne et sa performance recouvrent en soi de manière exemplaire le concept de "formule". Celle-ci, à beaucoup de points de vue, ne connaît  aucun  parallèle  dans  le  Nouveau  Testament :   toute comparaison avec d'autres traditions ne peut se faire qu'avec beaucoup de prudence par l'éventuel rapprochement des stéréotypes mis en œuvre. Un examen plus attentif de la formule ne permet pas de ranger 1 Co 15, 3-5 dans une catégorie précisément définie de l'histoire des formes, puisqu'il manque pour cela des éléments de comparaison.

1 Co 15,3-5 apparaît donc comme plus qu'une formule et représente l'insertion d'une expérience personnelle dans la concaténation des témoins et une canonicité reconnue par le langage et l'emploi de ôphthè. En fait, aucune formule, aussi lapidaire, aussi théologiquement aboutie et formellement parfaite soit-elle, n'a de consistance en dehors de la transmission d'une expérience et du témoignage qu'elle a produits.

 

La résurrection de Jésus, promesse de la résurrection du croyant.

Michel Deneken, La foi pascale, Cerf, 2002

La théologie chrétienne a rapidement fait le lien entre résurrection de Jésus et résurrection du chrétien. Les théologies de Paul et de Jean le montrent. Mais dans les premières expressions du kérygme, il n'est pas possible de dégager la perspective d'une résurrection des morts à côté ou à la suite de celle de Jésus. La résurrection de Jésus commence par être comprise de manière strictement - et exclusivement - christologique1. Les annonces les plus anciennes de la résurrection de Jésus parlent de cet événement comme d'un fait exceptionnel de l'agir de Dieu. Elle manifeste la puissance de Dieu dans le Crucifié. Pour cette raison, le kérygme pascal n'est pas lié à la thématique de la résurrection générale, eschatologique des morts2. Jésus est venu pour que ceux qui croient en lui aient la vie éternelle (Jn 3, 16), car l'envoi eschatologique du Verbe n'est pas destiné à les confondre, mais à les sauver (Jn 3, 17). Pour Paul, la résurrection du chrétien se donne comme le résultat d'une symbiose baptismale, fruit de l'adoption filiale : l'espérance de la résurrection se fonde, pour le croyant, dans la communauté humaine de destin avec le Ressuscité. « Par le baptême dans la mort [de Jésus Christ] nous avons donc été ensevelis avec lui, afin que, comme Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous menions nous aussi une vie nouvelle. Car si nous avons été totalement unis, assimilés à sa mort, nous le serons aussi à la Résurrection » (Rm 6, 4-5). La Résurrection, acte seigneurial du Père, manifestant ainsi sa gloire, est garantie au chrétien par la solidarisation du Christ avec les hommes et par l'entrée en communion des hommes avec le Christ.

Celui qui est baptisé revêt le Christ (Ga 3, 27), enseveli avec Christ lors du baptême, le croyant ressuscite aussi avec lui (Col 12). Même l'expression la plus primitive de l'espérance pascale, telle qu'elle apparaît en 1 Th 4, 13-18 fait découler la résurrection des chrétiens de celle du Christ. Ce que nous pouvons espérer luit dans la lumière de Pâques : « Si, en effet, nous croyons que Jésus est mort et qu'il est ressuscité, de même aussi, ceux qui sont morts, Dieu les ramènera par Jésus et avec lui » (1 Th 4, 14). Pour Paul, la foi en la résurrection des morts ne peut se fonder que sur la résurrection du Christ. « Si l'on proclame que Christ est ressuscité des morts, comment certains d'entre vous disent-ils qu'il n'y a pas de résurrection des morts ? », s'offusque-t-il à rencontre de certains Corinthiens (1 Co 15, 12). Mais, inversement, la reconnaissance de la résurrection de Jésus procède de la foi en celle-ci : « S'il n'y a pas de résurrection des morts, Christ n'est pas ressuscité, et si Christ n'est pas ressuscité, notre prédication est vide et vide aussi notre foi» (1 Co 15, 13-14). Aussi, « si nous avons mis notre espérance en Christ pour cette vie seulement, nous sommes les plus à plaindre des hommes » (1 Co 15, 19). La mystique paulinienne de l'être-avec-le-Christ représente une constante recherche de conformation au Christ {sun-morphizô). Il s'agit d'entrer avec lui sur le chemin de la mort (Ph 10), compagnonnage qui, consenti dans la kénose, conduit le croyant à participer à la gloire transformante de la résurrection (sun-morphô) (Ph 3,21). Accepter d'être avec le Christ dans sa kénose est le plus sûr moyen d'être rendu participant à sa résurrection.

Jean souligne lui aussi le lien étroit entre la résurrection du Christ et celle du croyant, mais il le fait en termes non plus d'être mais de pistis. Partager la condition glorieuse du Ressuscité est possible à l'homme dès lors qu'il confesse la foi christologique en l'Envoyé et eschatologique en la Trinité. Alors qu'elle est confessée comme l'œuvre du Père s'agissant de Jésus, la résurrection du croyant est l'œuvre du Fils : « Telle est en effet la volonté de mon Père : que quiconque voit le Fils et croit en lui, ait la vie éternelle ; et moi je le ressusciterai au dernier jour » (Jn 6, 40). La communion de vie avec le Ressuscité fonde et garantit la résurrection du croyant : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle, et moi je le ressusciterai au dernier jour » (Jn 6, 54). Le motif du « demeurer », si important dans la théologie johannique, est pascal dans la mesure où « demeurer-avec-le-Christ », c'est-à-dire croire en lui dans la fidélité, est le gage de la vie éternelle. La résurrection de Lazare, signe parmi les signes d'un Christ vainqueur de la mort et donateur de vie, est un appel à la foi du disciple en vue partager le sort du maître. L'espérance de la résurrection se fonde sur la promesse faite par Jésus à Marthe: «Ton frère ressuscitera» (Jn 11,23). Cette promesse, l'interlocutrice de Jésus la comprend comme une allégeance faite par Jésus à la croyance, qui avait tendance à se répandre dans certains milieux du judaïsme, en la résurrection eschatologique des morts : « Je sais qu'il ressuscitera lors de la résurrection au dernier jour » (Jn 11, 24). Mais Jésus corrige en affirmant que la présence du Verbe incarné en sa personne est déjà source de résurrection ; l'eschatologie est déjà présente, et le réveil de Lazare en est le signe : Je suis la résurrection et la vie : celui qui croit en moi, même s'il meurt, vivra ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ?» (Jn 11, 25 s.). Sotériologie et foi pascale se mêlent dans la confession de Marthe : « Je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu, Celui qui vient dans le monde » (11, 27).

Jean fait la distinction entre résurrection et vie (éternelle)3. La résurrection représente l'entrée dans la vie éternelle. Mais, inversement, on pourrait tout aussi légitimement affirmer que la vie éternelle est, dès ici bas, acquise à celui qui croit et que la résurrection manifeste ce don. Assiste-t-on dans la théologie johannique à une déconversion du kérygme en une sorte de foi en la vie donnée par Dieu ? Certains éléments de l'évangile de Jean porteraient à le croire. Jésus est le Verbe de Vie qui donne la vie (10, 10) à tous ceux qui lui ont été confiés par le Père (Jn 17, 2). De même la foi en Jésus Christ est source de vie : quiconque croit en l'Envoyé ne mourra plus mais aura la vie éternelle (Jn 1, 25 s.).

En remplaçant la prédication du Règne par celle de la Vie, Jean opère un glissement qui est de l'ordre de l'explicitation et de la prise de position par rapport au sens de l'histoire. L'explicitation concerne le contenu de la prédication du Règne : il est le don que Dieu fait aux hommes en la personne de Jésus qui signifie pour eux la Vie donnée en plénitude. Le parti pris chronologique correspond à une actualisation de l'eschatologie. Le glissement de « règne » à « vie » met en lumière le point d'intersection entre les deux images qui est de type chronologique, toutes deux impliquant un présent (déjà) et un futur (pas encore)4. Le kérygme pascal n'est donc pas relativisé, mais apparaît, dans la communauté johannique, comme le désir de mettre cette résurrection en perspective : elle est le don que Dieu fait en Jésus ressuscité. Au terme de cette résurrection il y a l'entrée en plénitude dans la vie qui est alors vie éternelle.

Jésus Christ n'est pas un revenant. La foi chrétienne en la résurrection de Jésus est autre chose qu'un miracle tombé comme un météorite dans l'histoire. Dans la foi chrétienne en la mort-résurrection de Jésus l'histoire a trouvé sa fin (son but et son terme), son accomplissement.

Le christianisme n'est pas, comme nous a le pensons si souvent, à sa fin. Il a tout juste commencé. Etre chrétien ne signifie pas en effet avoir une religion ou seulement appartenir à une Église. Être chrétien signifie aussi croire à la nouvelle création, à la nouvelle réalité qui a commencé avec la résurrection de Jésus d'entre les morts. « Etre chrétien, c'est avoir la passion pour l'être nouveau5. » Comment trouver le chemin de cet homme nouveau ? En empruntant celui, singulier, de Jésus de Nazareth. Il passe par la mort. La foi chrétienne en la résurrection est un pari fécond sur la puissance de Dieu... tout simplement ! La foi pascale commence là où toute parole s'éteint : par la mort. Croire au Ressuscité, ce n'est pas embrasser une religion de la consolation, mais saisir la chance qu'offre le courage de la foi. C'est la nuit qu'il faut croire à la lumière, c'est dans la mort que Dieu fait œuvre de vie. Nuit d'énigme, nuit totale, l'aurore fera scandale (E. Jabès).

 

1 - J. BECK.ER, dans Auferstehung der Toten im Urchristentum, souligne que Jean Baptiste et Jésus n'ont pas intégré dans leur prédication le motif de la résurrection des morts.

2 - J. BECKER, p. 149.

3 - 1. G. KEGEL, Auferstehung Jesu. Auferstehung der Toten : « La rédaction ec-clésiale [de l'évangile de Jean] a introduit la doctrine de la résurrection afin de neutraliser les affirmations [gnostiques] proprement johanniques » (p. 121).

4 - B. RlGAUX, Témoignage de l'Évangile de Jean, p. 158. Plus loin il ajoute : « Ainsi point central du message, le thème de la vie sous-tend la dialectique de Jean et atteint le lecteur dans sa conscience croyante. L'acte divin de la résurrection de Lazare pose la vie dans une situation qui dépasse le temps et défend de la considérer sous l'aspect de récompense au bout de l'époque présente » (p. 173).

5 - H. ZAHRNT, « Gelitten, Gekreuzigt, gestorben. Die Bedeutung des Kreu-zes Christi », dans Klappert, Diskussion um Kreuz undAuferstehung, p. 150.

Publié dans Eglise, Témoignage, évangile

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