La fin d’une aventure, décidée brutalement par la direction qui n’a pas consenti aux investissements nécessaires
Je me dis qu’écrire tous les jours une page bloguante n’est pas bon, car trop de matière nuit à la lecture. On ne peut pas suivre me dit un lecteur ami. Il est certain qu’écrire une page par semaine crée chez le fidélisé une attente. Quand arrive la page, s’est développée avec le désir de lire une qualité de lecture. Si une page nouvelle se présente trop souvent, on repousse à plus tard ce qui engendre le risque de ne tomber dans l’oubli.
Bref, que faire si une nouvelle idée me taraude l’esprit, le seul moyen de m’en débarrasser étant de la coucher sur un papier (virtuel) ?
Hier, je parlais de la dimension diaconale (le service du pauvre, de la personne en détresse) d’une paroisse. Aujourd’hui je lis dans La Croix un article qui témoigne du souci des chrétiens de Bar-sur-Aube vis-à-vis de leurs concitoyens privés de salaires. Certes, à mon avis, le journaliste Adrien Bail met trop l’accent sur la personne du prêtre curé. Celui-ci ne pourrait pas manifester avec la CGT s’il ne se sentait pas en accord avec au moins une partie des chrétiens de la communauté chrétienne. En témoigne le fait que la paroisse envisage des rencontres avec des économistes, notamment à destination des collégiens. “Il nous faut apprendre à nous adapter, anticiper les besoins, travailler en partenariat et accompagner les personnes qui seront touchées par le chômage sur le long terme”, précise Monique Boulin, responsable bénévole de l’antenne locale du Secours catholique. Je ne peux que reproduire ici même cet article tellement, il concrétise ma pensée. Toute maison paroissiale devrait se doter d’une structure où se vivent concrètement les actions soucieuses des personnes en difficulté.
Dans l’Aube, un curé auprès des salariés en difficulté.
De son propre aveu, le P. Guillaume Langlois ne s’attendait pas à se retrouver ainsi, un micro à la main, au centre d’une manifestation sociale menée par la CGT. Et pourtant, le 12 mars, dans les rues de Bar-sur-Aube, c’est bien vers lui que se tourna le représentant syndical de Cauval Industries, dont les 460 salariés attendaient alors un repreneur. « J’étais un peu pris de court ; je leur ai dit que nous étions de tout cœur avec eux », relate le prêtre de 37 ans. Ce message, il l’avait déjà exprimé dans L’Est-Éclair, le quotidien régional, appelant à la « solidarité locale » et à un « soutien concret dans la longue durée », assurant chacun de sa « pauvre petite prière ». « Le peu que nous avons – notre présence, notre écoute –, il nous faut l’offrir, assure le P. Langlois. Nous devons répondre au sentiment d’abandon que beaucoup expriment. » Un mal-être qui meurtrit cette région à dominante rurale, dont l’équilibre est ébranlé par les fermetures économiques.
Cette année, trois sites historiques ont été touchés. Après trois plans sociaux depuis 2009, Cauval Industries a été repris le 17 mai par un fonds d’investissement, sauvant 420 des 460 emplois. L’incertitude plane sur la maison centrale de Clairvaux, qui emploie 200 surveillants : le ministère a annoncé à la surprise générale sa fermeture en 2017, pour cause de « vétusté ». Quant aux 32 verriers rescapés de la Cristallerie royale de Champagne – elle en a compté 600 – ils ont éteint définitivement les fours qui faisaient vivre le petit village de Bayel depuis 1678.
Moustapha Mamouri, 41 ans, représentant CGT de Cauval, est intarissable. Il est encore ébahi par la visite du P. Langlois, devant l’usine, en février. Plus encore par une lettre de soutien envoyée par le pape François en mai, en réponse à un courrier du prêtre. « Ça n’arrive pas tous les jours ! sourit Moustapha Mamouri, qui a affiché la lettre dans le local syndical. Dans l’entreprise, où il y a beaucoup de croyants, ce témoignage de foi nous touche. »
Après Cauval, le P. Langlois s’est placé sur le front de Clairvaux, où l’annonce de la fermeture, le 27 avril, a provoqué une grève du personnel pénitentiaire et une nouvelle marche. « Nous leur avons demandé ce qu’ils attendaient de nous : ils nous ont répondu que notre présence comptait déjà beaucoup », se rappelle le prêtre, qui les confia à la prière des communautés religieuses du diocèse. C’est alors qu’il alerta le pape, dont il lut la réponse au cours d’une messe, devant de nombreux élus. Gilles Noël, le maire de Ville-sous-la-Ferté – où est située l’ancienne abbaye cistercienne –, n’est pas tellement surpris par la démarche : « Cela démontre l’unité de vue des responsables de la région ; nous mesurons tous l’impact social, économique et culturel d’une telle fermeture. »
Dans les mines d’argent de Potosi
Claudette Auguste et Nadine Leroux, la soixantaine, membres actifs de la paroisse et présentes à chaque manifestation, se félicitent de l’élan porté par le prêtre. Il perpétue, selon elles, la tradition sociale d’une Église ancrée dans la vie locale. « Il rencontre tout le monde, fait fi des étiquettes partisanes… Et cela, sans outrepasser son rôle : il n’a jamais appelé l’assemblée à manifester, bien que chacun sût qu’il y allait. » Un charisme révélé en Bolivie, où il a travaillé dans les mines d’argent de Potosi, entre 2000 et 2002. Le jeune séminariste du Prado s’était alors improvisé médiateur dans les quartiers pauvres et avait rassemblé 30 000 € auprès des Aubois pour sauver des cantines populaires.
Le 13 mai, lorsque la sirène de la cristallerie a sonné pour la dernière fois, des anciens de Bayel ont entonné le « chant des verriers ». Puis, un silence étrange est tombé sur le village. « La fin d’une aventure, décidée brutalement par la direction qui n’a pas consenti aux investissements nécessaires », selon Monique Varennes, adjointe au maire de Bayel et directrice du Musée de la cristallerie. « Le P. Langlois a su trouver les mots », dit-elle, ravalant un peu de son amertume. Pour elle, la présence du prêtre semble un écho au défunt abbé Jean Vallée, grande figure du village, très proche des verriers. « Bien des peurs s’expriment, dit le P. Langlois. Il nous faut les rassurer et attiser ce qui porte une espérance. »
Adrien BALI, à Bar-sur-Aube (Aube)
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Une soirée pour donner un sens à l’économie
Sur le thème « L’économie au service de l’homme : faut-il encore y croire ? » la paroisse de Bar-sur-Aube consacre mercredi 31 mai à 20 heures, sa rencontre mensuelle « Forum chrétien » à l’économie, avec pour invité Dominique Lemelle, président de la chambre de commerce et d’industrie de l’Aube. L’objectif est d’initier « une prise de conscience réfléchie » de la part de tous les acteurs, alors que de nombreuses entreprises sont menacées.
La paroisse envisage d’autres rencontres avec des économistes, notamment à destination des collégiens. « Il nous faut apprendre à nous adapter, anticiper les besoins, travailler en partenariat et accompagner les personnes qui seront touchées par le chômage sur le long terme », prévient Monique Boulin, responsable bénévole de l’antenne locale du Secours catholique, lequel tient notamment une épicerie solidaire.
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