L'argent ? Un outil au service de l’homme. Ni le libéralisme économique, ni le libéralisme sociétal ne servent l’homme. Autre est l’absolu
Robert, prêtre ouvrier à la retraite, très attentif à la vie quotidienne pour y déceler des marques de l’Esprit, communique à ses amis cette déclaration des évêques de France au lendemain du premier tour des présidentielles. Je ne peux que le donner à lire en ce lieu. Voir ci-dessous et sur le site officiel.
Dans le texte déposé ici, les soulignements en gras sont de Robert. Le principal est dit. On retrouve ce qu’indique le CCFD avec solidarité17.
Néanmoins, cette déclaration épiscopal me parait timide sur un point essentiel : le capitalisme. À sa source, il n’est pas tolérable. Alors, dans ses développements ultérieurs, que pouvons-nous en dire ? La politique du moindre mal qui consiste à se satisfaire de ce qui ne convient pas parce qu’il est impossible d’agir autrement dans le présent demeure dans l’inacceptable. Le fait qu’il n’y ait de modèle économique que l’actuel capitalisme ne le rend pas justifiable. François en parle très nettement. L’air est vicié par le règne de l’argent devenu dieu.
En conséquence, comment imaginer que l’on puisse gérer un libéralisme économique ingérable dès sa source ? Ce qui doit être combattu n’est pas modifiable ; on ne peut que le combattre, le convertir radicalement dans une perspective de « sauvegarde des mécanismes de protection sociale » ; mais au service de l’homme. Ni le libéralisme économique, ni le libéralisme sociétal ne servent l’homme. Je regrette une fois de plus que cela ne soit pas dit avec force. Est-ce à cause de la crainte de voir quitter l’Eglise les nombreux partisans chrétiens d’un développement économique sans limite ?
Paris, le 23 avril 2017
ÉLECTIONS PRÉSIDENTIELLES : L’ÉGLISE REDIT SON ROLE ET RAPPELLE SES FONDAMENTAUX
À l’issue du résultat du premier tour des élections présidentielles, la Conférence des évêques de France rappelle différents points évoqués à de nombreuses reprises au cours des derniers mois.
SUR LE RÔLE DE L’ÉGLISE CATHOLIQUE
À la lumière de l’Evangile qui inspire son Enseignement social, l’Eglise catholique veut éclairer les consciences en donnant des éléments pour le discernement.
Ainsi, n’appelle-t-elle pas à voter pour l’un ou l’autre candidat mais, en rappelant les enjeux de l’élection, elle souhaite donner à chacun des éléments pour son discernement propre. Elle redit l’importance du vote : acte citoyen, acte responsable dans une démocratie.
Elle replace ce scrutin présidentiel dans un processus démocratique qui ne s’y limite pas mais qui se prolongera dans les législatives (juin) et les sénatoriales (septembre) ; qui se traduit aussi dans d’autres formes de participation à la démocratie (démocratie participative locale, fonctionnement associatif) ; et qui s’accompagne enfin de l’engagement des citoyens dans la vie sociale.
LES FONDAMENTAUX POUR AIDER AU DISCERNEMENT
Dépositaire du message de l’Évangile qui inspire l’Enseignement Social, l’Église catholique en rappelle certains principes fondateurs comme la recherche du bien commun, la destination universelle des biens, la mise en œuvre de la fraternité, l’attention aux plus fragiles, la dignité de la personne humaine et la subsidiarité.
Un an avant le scrutin présidentiel, en juin 2016, dans une déclaration, le Conseil permanent avait souligné 7 points, autant de critères, dans le cadre de cette élection, pour exercer un discernement.
Pour que notre démocratie ne se transforme pas en société de violence, il faut favoriser un véritable débat national sans posture, petite phrase, ni ambition personnelle ; un débat favorisé par un rôle ajusté des médias, qui n’amène pas à l’hystérisation ; un débat dans lequel le fait religieux a une place et les religions ont un rôle.
Quelle société voulons-nous construire ? À quel projet de société pouvons-nous aspirer ? Nous croyons en une société où l’être humain est plus qu’un élément du processus économique ou technologique. La dignité de notre société se reconnait au respect des plus faibles de ses membres depuis le début de leur vie jusqu’à leur fin naturelle.
C’est par un véritable pacte éducatif que les familles et l’école se rapprocheront alors qu’un climat de concurrence ou de méfiance ne peut que les éloigner. Et c’est en soutenant la famille, tissu nourricier de la société, en respectant les liens de filiation, que l’on fera progresser la cohésion sociale.
Une société vivante repose nécessairement sur la recherche du bien commun et la mise en œuvre de moyens de solidarité efficaces. L’État doit intégrer la solidarité dans la construction du projet de société et mettre en œuvre concrètement sa préoccupation des plus pauvres, des personnes âgées, des personnes handicapées, des chômeurs. Négliger les plus fragiles revient à diviser la société. L’État doit donc gérer positivement la tension entre un libéralisme sans contrôle et la sauvegarde des mécanismes de protection sociale.
Concernant les migrants, l’accroissement du phénomène migratoire, dû à de nombreux facteurs, est un constat, pas un combat. Quand certains pays accueillent des millions de réfugiés, comment notre pays pourrait-il reculer devant la perspective d’accueillir et d’intégrer quelques dizaines de milliers de ces victimes ? Notre volonté de solidarité ne peut pas se réduire au cadre restreint de notre pays.
La solidarité doit aussi s’exercer au niveau européen : l’Europe doit s’engager courageusement dans des politiques d’accueil. Elle doit, parallèlement, mettre en œuvre de véritables programmes de soutien dans les pays d’origine des migrations.
C’est une véritable adhésion des peuples d’Europe au projet européen qu’il faut favoriser. Et cette adhésion suppose de respecter davantage le fait historique et culturel des nations qui composent le continent. Enfin, il faut définir et entrer dans une véritable pratique de la subsidiarité où chaque niveau (États, Europe) exerce les responsabilités qui lui incombent.
Enfin, ainsi que l’a rappelé le Pape François dans son encyclique Laudato Si (mai 2015) ainsi que les états participants à la Cop 21 à Paris (décembre 2015), nous avons une responsabilité commune envers l’humanité et les générations à venir sur le plan écologique.
La sagesse nous invite à revoir urgemment nos modèles de consommation et à inventer un monde moins destructeur et plus juste.
Aujourd’hui, le risque principal serait de renoncer à lutter pour l’avenir et de céder à la tentation du fatalisme.
Notre foi chrétienne nous appelle à l’Espérance : les difficultés que nous rencontrons ne sont pas un appel au renoncement. Au contraire, elles nous invitent à investir toutes nos capacités pour construire une société plus juste, plus fraternelle dans ses diversités et plus respectueuse de chacun.
Mgr Olivier RIBADEAU DUMAS
Secrétaire général et Porte-parole