Pour avoir la Vie, Jésus Christ se donne en nourriture. Il ne nous invite pas seulement à devenir son disciple. Il nous en donne le moyen
Méditation/homélie du 19 août 2018 - lecture de Jean 6
Je continue à rendre compte de mes homélies de cet été en l’église Saint-Maurice
Pr 9, 1-6 : « Venez, mangez de mon pain, buvez le vin que j’ai préparé »
Psaume 33 (34) : « Goûtez et voyez comme est bon le Seigneur »
Ep 5, 15-20 : « Comprenez bien quelle est la volonté du Seigneur »
Jn 6, 51-58 : « Ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson »
Le mercredi 15 août, je présentais la vie chrétienne située entre deux événements qui nous dépassent totalement, Incarnation et Assomption et je rappelais l’importance de l’acte de foi. Il surpasse toute possibilité humaine de comprendre.
Je disais que le moyen de recevoir la gloire du Royaume vécue par Marie passe par la communion au Christ. Jésus, fils de Dieu et fils de Marie. Être avec lui, bien le connaitre, le suivre, car il est notre Maître. Quand nous recevons le Christ, nous devenons, par lui, enfants de Dieu. Nous devenons Dieu. C’est Saint Irénée qui le dit : « Dieu s’est fait homme pour que l’homme se fasse Dieu ».
Poursuivons notre méditation sur le chapitre 6 de l’évangéliste Jean. Il montre que le Maître Jésus nous a donné de pouvoir devenir les enfants bien aimés de Dieu :
« Telle est la volonté de mon Père : que celui qui voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour. » Jn 6,40
« Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ; je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître ». Jn 15, 15 :
Selon Jean, Jésus-Christ l’explique :
dans la mesure où vous accomplissez la volonté de mon Père, où vous croyez que je suis le Fils, vous aurez la vie éternelle et je vous ressusciterais au dernier jour. (cf Jn 6,40).
Saint Pacien, évêque de Barcelone, mort en 392, dit : « De même que le Christ est ressuscité des morts, ainsi mènerons-nous une vie nouvelle, nous aussi, c’est-à-dire, après avoir abandonné les erreurs de la vie ancienne... pour que par l’esprit, nous ayons une conduite nouvelle dans le Christ ».
Précisons encore cela avec Jean 6,51-58.
Pour que nous ayons la vie, le Christ se donne en nourriture. Jésus ne nous invite pas seulement à devenir son disciple. Il nous en donne le moyen. En effet, communier au corps et au sang du Christ, c’est recevoir sa force qui nous permet de rejoindre le but de notre vie. Autrement dit, Jésus nous donne les moyens de notre salut. En effet, notre bonheur ne dépend pas seulement de nos efforts, il vient aussi et surtout d’un ailleurs. Il se reçoit.
« Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour ».
La culture actuelle est peu portée à accepter cet apport extérieur à l’homme. Nous voulons tout connaître par nous-mêmes. Nous voulons maîtriser nos évolutions. Nous voulons, par notre propre sagesse et capacité à comprendre les mystères du monde, obtenir par nous-mêmes la vérité. Les tenants de cette gnose, connaissance épanouissante à partir de son ego, disent que, pour accéder à la transformation de soi, de sa conscience, il n’y a que la voie de l’expérience personnelle par des techniques appropriées : concentration sur soi, psychothérapie, alimentation saine... Autant de recommandations entendues dans les milieux ésotériques du « Nouvel Âge » (Cf P. Vernette, le Nouvel Âge, 2003, p 23ss). Dans le moteur de recherche de votre ordinateur entrer les mots : développement personnel et vous verrez les surprenantes propositions d’une spiritualité sans sans Dieu, sans transcendance.
Même si toutes ces techniques ont une part réelle d’efficacité, chrétiens, nous disons que « l’humanité ne peut pas, par elle-même, atteindre une parfaite plénitude intra-historique ». En effet, notre histoire d’homme et de femme ne se développe totalement que si elle se projette dans une espérance illimitée : tout faire dans sa vie terrestre pour que vienne la réalité post-historique, éternelle : le royaume de la résurrection.
Les mots que j’emploie vous paraissent assurément très abstraits. Je vous invite à les concrétiser en fouillant dans votre vie intérieure. N’avez-vous jamais expérimenté le besoin de vivre un amour encore plus intense, une plénitude plus pleine, un absolu plus absolu ? Et vous avez pris conscience de vos propres limites. C’est que la plénitude dernière que nous espérons tant n’appartient pas à notre histoire. Elle est d’un autre monde.
« Tel est le pain qui est descendu du ciel… celui qui mange ce pain vivra éternellement. »
Je voudrais pour terminer souligner un danger : la fuite du monde présent et concret puisqu’il n’apporte pas la plénitude espérée.
Effectivement, en faisant le constat de nos limites, nous rencontrons la tentation de ne miser que sur le spirituel. Puisque le monde n’apporte pas l’essentiel, il faut s’en détacher, le fuir. La réflexion de Vatican II rappelle avec force que ce spiritualisme n’est pas chrétien. C’est en travaillant sur le concret de son histoire, en améliorant l’histoire de son milieu de vie que l’homme, marqué par l’Esprit-Saint, se sauvera. Rappelons-nous que « ce n’est pas ceux qui disent Seigneur, Seigneur, qui entreront dans le Royaume des cieux, mais ceux qui font la volonté du Père ». Et, faire la volonté du Père, c’est avoir le souci des gens qui forment l’histoire de l’humanité: qu’as-tu fait de ton frère ? Que fais-tu pour que la gestion de ton pays ne sombre pas dans un économisme nationaliste égoïste ?
L’enseignement social de l’Église le dit sans cesse : tout en pensant au monde qui vient, il nous faut transformer le monde présent en suivant les directives qui nous viennent de Dieu. Et, la grâce du Christ nous étant donnée, transformer le monde dans ce sens est possible. Oui, l’Esprit-Saint étant donné aux hommes, sans oublier les nécessités du quotidien, l’histoire de l’humanité s’achemine vers son accomplissement qui est hors de l’histoire, accomplissement méta-historique dans le Christ ressuscité.
Cette orientation réelle vers sa Plénitude définitive, l’histoire ne la tient pas d’elle-même, elle la reçoit de la grâce du Christ.
Je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : celui mange de ce pain vivra éternellement.