La fidélité au pape, le désir de s’émanciper des compromissions avec le libéralisme économique ouvre vers une politique humaine, fraternelle

Publié le par Michel Durand

La fidélité au pape, le désir de s’émanciper des compromissions avec le libéralisme économique ouvre vers une politique humaine, fraternelle

Yann Raison du Cleuziou :

Un grand renversement s’opère dans le catholicisme français. Le renouveau attendu des avant-gardes des années 1960 n’est pas arrivé. Alors que la pratique religieuse s’effondre, l’avenir de l’Église dépend maintenant de ceux qui restent. Refusant l’alternative de l’intégrisme et du progressisme, ces catholiques ont accepté le concile Vatican II mais compensent ses effets déstabilisateurs par un surcroît de fidélité au magistère romain. Ancrés dans la théologie de Jean-Paul II puis de Benoît XVI, ils considèrent que la démocratie ne doit pas s’affranchir de l'ordre naturel. Depuis l’opposition à la loi Veil qui a légalisé l’avortement, leur savoir-faire militant n’a cessé de s’enrichir. L’ampleur des Manifs pour tous a dévoilé leur force.

Mais cette capacité de mobilisation ne peut être comprise en dehors des évolutions de la vie politique. Instrumentalisé comme frontière de l’identité nationale, renfort moral de la République ou levier d’une prise de conscience écologique, le catholicisme est redevenu une ressource politique légitime et la conquête de son électorat un enjeu disputé à droite. Ce livre vif et passionnant retrace l’histoire politique du catholicisme conservateur depuis la fin du XXe siècle. Il apporte un éclairage inédit sur la genèse de La Manif pour tous et les transformations de la société française qui l’accompagnent.

 

Yann Raison du Cleuziou est maître de conférences en science politique à l’université de Bordeaux et chercheur au Centre Émile-Durkheim (CNRS). Il a déjà publié Qui sont les cathos aujourd’hui ? Sociologie d’un monde divisé (Desclée de Brouwer, 2014).

 

 

Je trace cette page pour me donner des éléments de réflexion sur l’actuelle vie de l’Église plongée dans une crise profonde. Tous les chrétiens actifs et crédibles sont-ils désormais de droite ? Tous les cadres de l’Église ne songent-ils qu’à un mouvement de restauration ?

Si je me pose (et pose) ces questions, c’est que l’air du temps ecclésial semble bien être celui d’une restauration catholique. Les anciens sont régulièrement accusés d’avoir vidé les églises. Alors, pour une bonne transmission de l’Évangile il convient de retrouver les années d’avant Vatican II.

Je ne suis pas dans cette mouvance, comme peut le prouver, par exemple, le choix d’avoir présenté le livre Plaidoyer pour un nouvel engagement chrétien.

Yann Raison du Cleuziou s’exprime sur ce sujet en présentant les quatre familles des catholiques français

Il y a les catholiques fraternels qui replacent aux côtés des exclus. Posture d’accueil et de compassion.

Il y a les catholiques observants qui veulent agir contre la décadence sociale. Ils défendent le modèle familial catholique.

Il y a les catholiques émancipés qui agissent contre les servitudes et invitent les hommes à assumer leur liberté dans le service du prochain. Ils s’engagent dans les luttes sociales et politiques contre les injustices (proches des fraternels).

Il y a les catholiques charismatiques qui font entrer Jésus dans tous les aspects de la vie. Intimité de vie avec Jésus-Christ.

Bien évidemment, des porosités existent entre ces diverses catégories.

 

Michel de Certeau : « Des chrétiens de plus en plus nombreux sont d’autant moins pratiquants qu’ils sont plus croyants ».

Yann Raison du Cleuziou : « Au XXIe siècle, une nouvelle aile gauche (sans être pour autant de gauche) se recrée, par opposition à la radicalisation droitière d’une partie des catholiques. Elle oppose le registre prophétique des Évangiles aux gardiens de l’ordre catholique. »

Yann Raison du Cleuziou :« Il est intéressant d’observer comment, du milieu des observants, se détachent de nouvelles gauches catholiques (sans forcément être de gauche). La fidélité au pape François, le refus d’une foi instrumentalisée en frontière ou le désir de s’émanciper des compromissions de leur milieu avec le libéralisme économique les repousse, par éthique de conviction, à distance de l’univers qui fut leur matrice. »

 

En donnant en ce lieu des éléments de réflexion, je note l’interrogation de beaucoup : l’Église en crise qui semble se déliter sous nos yeux est-elle celle du Concile Vatican II revivifiée sous l’actuel pontificat, ou celle d’une “restauration” conservatrice voulue et promue par Jean-Paul II et Benoît XVI ?

 

 

Pour aller plus loin dans la réflexion, j’invite à lire la page de René Poujol intitulée : Catholiques conservateurs : l’avenir de l’Église ? Il parle du livre de Yann Raison du Cleuziou, une contre-révolution catholique

« Au XXIe siècle, une nouvelle aile gauche (sans être pour autant de gauche) se recrée, par opposition à la radicalisation droitière d’une partie des catholiques. Elle oppose le registre prophétique des Évangiles aux gardiens de l’ordre catholique. » Et, comme pour mieux enfoncer le clou : « Il est intéressant d’observer comment, du milieu des observants, se détachent de nouvelles gauches catholiques (sans forcément être de gauche). La fidélité au pape François, le refus d’une foi instrumentalisée en frontière ou le désir de s’émanciper des compromissions de leur milieu avec le libéralisme économique les repousse, par éthique de conviction, à distance de l’univers qui fut leur matrice. »

C’est dans ce sens que je cite les auteurs de Plaidoyer pour  un nouvel engagement chrétien, P. L. Choquet - J. V. Élie - Anne Guillard.

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