Entrons en utopie et traçons le mode de vie pour ce temps présent afin de vivre l’alternative à la crise économique liée à la globalisation
Avec cette pandémie, partout on entend dire : « demain ne sera plus comme hier ». « Nous devons trouver un nouveau paradigme ». Anne Ponce dans la Croix-Hedo du 18 avril 2020 : « Des voix s’élèvent déjà pour conclure : “rien ne sera plus comme avant”, “tout va changer”, “tout doit changer” ».
Au Vatican, le Service du développement humain intégral souligne l'engagement en faveur des "Églises locales pour sauver des vies et aider les plus pauvres". Cinq groupes de travail sont créés pour faire face à l'urgence et réfléchir à l’avenir. Lire la suite.
Guy Roustant (Encyclopédie du Changement - lettre d’information N° 26) parle de tirer les leçons du grand malheur actuel.
Du poète au politique, on reconnait qu’il faudra bien prendre en considération ce qui se passe avec ce covid et en tirer les conséquences. Ainsi Emmanuel Macron affirma dans son allocution du 16 mars 2020 : « le jour d’après, quand nous aurons gagné, ce ne sera pas un retour au jour d’avant ». Également : « Beaucoup de certitudes, de convictions (…) seront remises en cause ».
Pourtant, à la lecture de ce qui est proposé ou ressenti, ne doit-on pas constater que tout le monde attend que cela soit avant ? On ne veut rien perdre de ce qui nous a fait vivre jusqu’à maintenant. Bref, de nombreux observateurs constatent qu’un changement est désormais inévitable. Je lis, au hasard du moteur de recherche : ce coronavirus est « la graine d’un changement de paradigme… L’impact le plus profond de la pandémie sera qu’elle nous place au moment même de l’inflexion, où nous devons opter cycliquement pour une expérience similaire ou changer l’économie et l’humanité elle-même »
Gaël Giraud situe la réflexion dans ce changement nécessaire. « Avec cette pandémie, la fragilité de notre système nous explose à la figure ».
Changer. Modifier ses modes de vie. Réviser l’économie… Oui, mais dans quelle direction ?
Je souhaite répondre à cette question, car j’en ressens un besoin impérieux en écoutant tout ce qui se dit sur l’après-coronavirus. Rien ne pourra plus être comme avant alors que tout ce qui est projeté par les décideurs politiques et économiques donne à penser que tout sera exactement comme avant.
Dans cette description utopique, je ne peux rien inventer. Ma mémoire est trop chargée de ce qui fut de longues dates imaginé. N’empêche que cela peut être utile à notre réflexion de tracer un profil complet du mode de vie valable pour notre temps. Il me semble, pour que cela soit efficace, que le tableau soit brièvement esquissé afin de l’avoir devant les yeux en une seule vision. Le 10e § de ce décalogue sera une ouverture à toujours chercher au-delà de ses habitudes et convictions usuelles.
1 - Je note en premier la règle d’or : « Ne fais pas à autrui ce que tu n'aimerais pas que l'on te fasse. » Voir ici.
2 - En tant que chrétien, je ne peux oublier les recommandations de la Lettre à Diognète : « Les chrétiens habitent les cités grecques et les cités barbares suivant le destin de chacun ; ils se conforment aux usages locaux pour les vêtements, la nourriture et le reste de l’existence, tout en manifestant les lois extraordinaires et vraiment paradoxales de leur manière de vivre. Ils résident chacun dans sa propre patrie, mais comme des étrangers domiciliés. Ils s’acquittent de tous leurs devoirs de citoyens, et supportent toutes les charges comme des étrangers ». « Ils sont dans la chair, mais ils ne vivent pas selon la chair. Ils passent leur vie sur la terre, mais ils sont citoyens du ciel. »
3 - La vie au quotidien est communautaire. Personne ne vit seul. En ce sens, la famille élargie est préférable à la famille nucléaire actuellement en vigueur. L’humain est une personne est non un individu, disait Emmanuel Mounier.
4 - Fraternité et solidarité sont attachées à cette vision d’une grande famille humaine où libéralisme et nationalisme n’ont pas leur place. Le § 1 en donne l’orientation. Sortir seul son épingle du jeu n’est pas humain.
5 - Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Voir ici.
En conséquence, celui qui est défavorisé par la nature recevra plus. Tel est le rôle de l’État providence qui n’est en aucun cas, une action d’assistance démobilisant la personne. Dans le vocabulaire biblique, il est usuel de parler de justice distributive. Voir par exemple ici.
Suivre le regard de Frédéric Rognon.
6 - L’organisation de l’Église, notamment dans les monastères ou couvents, peut donner une orientation. Quelle que soit tâche accomplie, le « salaire » pour vivre est le même. Il n’y a pas d’écart de ressource entre celui qui a grandes responsabilités et celui qui demeure « au bas de l’échelle ». Nous pouvons parler de revenu universel de base, et des observateurs estiment que le coronavirus semble ouvrir le chemin vers le revenu universel. Voir, par exemple ici.
Dans une lettre ouverte, le pape François se prononce pour un revenu universel de base. Voir ici.
Fançois propose l’instauration d’un « salaire de base universel qui reconnaîtrait et honorerait les tâches nobles et essentielles » accomplies notamment - énumère François – par « les vendeurs ambulants, les ferrailleurs, les forains, les petits agriculteurs, les ouvriers du bâtiment, couturiers, les soignants ». Pour lui, un tel « salaire de base universel » permettrait « d’accomplir concrètement l’idéal à la fois humain et chrétien de la fin des travailleurs sans droits ». La Croix.
7 - Le travail ? Quand les décideurs parlent de travailler plus pour gagner plus, je réponds qu’il convient de travailler moins pour partager le travail et ses revenus. Tel est le chemin à prendre pour lutter contre le chômage. Il n’importe pas de relancer l’économie. Il importe de mettre les systèmes économiques au service de l’homme.
Dans la perspective de l’épanouissement personnel et communautaire, il importe de travailler moins pour avoir plus de temps à consacrer au repos. J’en ai déjà parlé.
8 - Le drame des sociétés occidentales industrielles c’est que dans ce climat libéral, tout est orienté vers un progrès sans fin. Productivisme, consumérisme, extractivisme ne servent qu’à augmenter le capital de quelques grandes fortunes. La société à mettre en place est orientée vers le bien de tout homme et ce bien, sans oublier la part du matériel, est spirituel. L’humain de maintenant doit comprendre l’importance de la sobriété pour son propre bonheur.
Laudato si N° 11 : « Si nous nous approchons de la nature et de l’environnement sans cette ouverture à l’étonnement et à l’émerveillement, si nous ne parlons plus le langage de la fraternité et de la beauté dans notre relation avec le monde, nos attitudes seront celles du dominateur, du consommateur ou du pur exploiteur de ressources, incapable de fixer des limites à ses intérêts immédiats. En revanche, si nous nous sentons intimement unis à tout ce qui existe, la sobriété et le souci de protection jailliront spontanément. La pauvreté et l’austérité de saint François n’étaient pas un ascétisme purement extérieur, mais quelque chose de plus radical : un renoncement à transformer la réalité en pur objet d'usage et de domination ».
9 - Pour que ce mode de vie puisse se mettre en place, les logements doivent s’adapter à une vie communautaire effective. Ils ne peuvent donc être trop petit et surtout doivent donner la possibilité d’une grande pièce où toute la parenté puisse se réunir. L’espace est plus important que la multiplication des outils domestiques. L’habitat groupé met en relation avec les voisins d’un même immeuble. Voir, par exemple ce que dit colibris.
10 - La liste des nouveaux modes de vie n’est certainement pas terminée. Soyons curieux et regardons autour de nous. Seulement, que la quête ne soit pas éternelle. Si, avec cette « grille » nous entreprenons à plusieurs une « révision de vie », mettons-nous sans tarder en action pour concrétiser les découvertes. Il s’agit tout simplement de lire la Bonne Nouvelle et de la mettre en pratique.
« Tu es mon Seigneur et mon seul et unique Maître. Parles, je t’écouter et mettre ta parole en pratique. Je veux écouter ta divine parole, parce que je sais qu’elle vient du ciel. Je veux l’écouter, la méditer, la mettre en pratique, parce que dans ta parole il y a la vie, la joie, la paix et le bonheur. Parles, Seigneur, tu es mon Seigneur et mon Maître et je ne veux écouter que toi. » Père Antoine Chevrier