J’imagine que tant que le patrimoine français sera considéré comme plus important que des vies humaines, ces gestes insensé seront possibles

Publié le par Michel Durand

A l'intérieur de la cathédrale gothique Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Nantes, après l'incendie, le 18 juillet.

A l'intérieur de la cathédrale gothique Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Nantes, après l'incendie, le 18 juillet.

Source de la photo : Libération

Incendie à Notre-Dame de Paris, une cathédrale.

Incendie dans la cathédrale de Nantes.

En France, une cathédrale est propriété de l’État. En s’en prenant à ce bâtiment, Emmanuel, rwandais de 39 ans ne pensait-il pas atteindre l’État français ? Bénévole depuis plusieurs années dans cette communauté chrétienne chargée d’une cathédrale ne pouvait qu’avoir entendu dire que l’État français était propriétaire du bâtiment et que rien ne pouvait être fait sur l’immeuble sans son accord.

Le quotidien Libération écrit qu’Emmanuel, très impliqué dans la vie du diocèse « avait la confiance des instances ordinales ». « Il était un bénévole, connu et apprécié, au sein de la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul. Il était chargé de fermer l’édifice la veille de l’incendie. Depuis son arrivée en France, il demande un statut de réfugié. »

Et, comme beaucoup de demandeurs d’asile en France, il avait reçu une obligation à quitter le territoire français (OQTF).

J’ai consulté la liste des pays dits surs, ceux dans lesquels il est possible de renvoyer un réfugié, car il n’y a aucune crainte vitale. Le Rwanda ne figure pas dans cette liste.

Imagine-t-on l’angoisse de l’exilé qui n’arrive pas à obtenir « ses papiers » ? C’est en ce contexte que je place le courriel écrit à des responsables de l’Église. Selon Libération : « Le matin de l’incendie, il a envoyé un mail à tout le diocèse et aux autorités administratives, dans lequel il «se plaignait fortement de sa situation administrative».«Il y exprimait des reproches auprès de différentes personnalités, considérant qu’il n’était pas soutenu et qu’on ne l’aidait pas assez dans ses démarches».

Le quotidien La Croix précise qu’Il aurait également épuisé toutes les voies de recours, passant notamment par la commission d’appel des réfugiés, y compris après avoir essayé d’obtenir le statut d’étranger malade.

 

 

Incendie à Notre-Dame

Nous nous rappelons tout l’élan de solidarité que cela a suscité. Des dons d’argent, ou promesse de dons se sont multipliés. Les médias en ont tous parlé. Une « pierre » historique a-t-elle plus de valeur qu’une vie humaine ? Personne ne constate un identique élan de solidarité en faveur de tous les exilés, réfugiés et migrants, venant en France, en Europe. Et pourtant, nous savons bien que personne ne quitte son pays d’origine par plaisir. On n’abandonne le terre de ses ancêtres que par détresse et on refuse d’y retourner par crainte d’y rencontrer sinon la mort, au moins une vie impossible.

Le geste est insensé

Néanmoins je l’imagine possible dans le désespoir d’un exclu de la société. Incendier un bâtiment appartenant à l’État français ne serait-il pas la réponse désespérée de celui qui, en OQTF, doit quitter par ses propres moyens le pays où il aimerait tellement vivre ? Cet esprit de vengeance risque d’être alimenté dans des esprits désespérés tant qu’une humaine politique d’accueil ne sera pas mise en place en Europe.

J’imagine que, tant que seront de la sorte surveillées les frontières, tant que le patrimoine français sera considéré comme plus important que des vies humaines -je pense ici au nombre de gens qui dorment dans la rue- tant qu’une saine politique d’accueil ne sera pas mise en place, de tels gestes insensés seront possibles. Le sort inhumain imposé à SOS Méditerranée : « Ocean Viking immobilisé en Italie : On ne sait plus quoi inventer pour arrêter ce navire » en est une bien triste preuve.

 

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