Être dans la joie avec Dieu. Il n’y a rien à mon avis de plus formidable. C’est, je pense, par la prière que je peux être en amitié avec Dieu
Alors que je saisis sur mon ordinateur ces pages de mon journal des années cinquante, je me dis que j’accomplis une tâche bien inutile tellement la banalité des propos relatés se montre évidente. En même temps, surtout en ce moment où tous les journaux, chaque jour, parlent des répercussions sur l’Église de la publication des travaux de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église catholique (Ciase), je me dis que ce compte rendu objectif du contenu d’un journal d’adolescent peut être utile pour montrer ce que pense un adolescent et indiquer comment s’inscrit l’appel à être actif dans l’Église. Naissance d’une vocation à la prêtrise. Que les prêtres, les évêques écoutent ce qui se dit et se vit dans le peuple au lien de mettre en avant les dogmes.
Dans un commentaire sur une page Facebook, j’ai écrit ceci : oui, on parle de synode, de synodalité, alors "Ne laissons pas les débats sur le secret de la confession occuper le devant de la scène." Ne mettons pas les "dogmes" en avant. Ils sont marqués par l'histoire. Écoutons. Mettons l'Évangile en pratique.
Voici le contenu de cette page Facebook : « Vendredi 15h. L'heure de la mort du Christ sur la croix. Le Christ souffre avec toutes les victimes de la pédocriminalité dans l'Église. Cette Église, mon Église, n'est pas épargnée par ce fléau criminel. Nous ne pouvons pas nous taire. Nous devons aux victimes de lutter contre tout ce qui a conduit à l'étouffement de leur parole, à leur destruction psychologique. Ne laissons pas les débats sur le secret de la confession occuper le devant de la scène. Que la parole des victimes soit au premier plan. Que les mécanismes d'abus et de domination sexuelle dans l'Église soient au premier plan.
Laïcs, hommes et femmes, nous avons tous une vocation de prêtre, prophète et roi ou reine. Nous aussi sommes l'Église, nous aussi la faisons vivre. Nous ne partirons pas, nous prendrons part à sa reconstruction.
C'est parce que nous aimons l'Église que nous, laïcs, parlons aujourd'hui sous ces hashtags #MyChurchToo #AussiMonÉglise Parce que nous ne voulons pas laisser des prêtres et des évêques imposer une politique de l'autruche et jeter un voile pudique sur les propositions de la CIASE.
#MyChurchToo #AussiMonÉglise
Dimanche 2 mars 1958
Bien qu’il y ait toujours de la neige, je sors avec mes parents qui sont venus accompagnés de Claude, ma sœur. Comme il faisait froid, nous nous sommes rendus au cinéma. C’est peut-être lui qui rendit la journée agréable. Lui ou le restaurant, ou la promenade en voiture, ou le tout réuni.
Après le film, nous nous sommes rendus au pied du Puy-de-Dôme en voiture. Il y avait beaucoup de neige et ici, papa voulant lancer une boule a perdu sa chevalière. Ce n’est qu’après une demi-heure de recherche que nous l’avons retrouvée. Tous et moi-même étaient contents.
Vers 18 heures mes parents et Claude sont repartis. Ils m’ont laissé rapidement ce qui m’a permis de voir que j’étais heureux de les rencontrer. Je me suis également dit que si j’étais sorti seul ma joie ne serait pas la même. Seul, il n’y aurait peut-être même pas eu de joie.
Mardi 4 mars
Aujourd’hui tout est calme. J’ai sans peine repris le travail. Ce qui ne m’empêche pas de regretter la liberté tant désirée. J’ai besoin de liberté et je dois lutter contre ce besoin qui, si je ne le lutte avec volonté, m’envahirait et me ferait détester la boite.
Je reçois une lettre de maman qui m’annonce qu’elle m’envoie une montre. Comment va-t-elle être cette montre ?J’ai peur qu’elle soit de bon marché. Je suis difficile, mais surtout exigeant. Pourquoi demander à mes parents plus que je dois avoir ?
La nécessité d’avoir un ami se fait de nouveau sentir. Ce besoin, je l’ai vu en attendant dimanche soir le retour de Charles. Des liens d’amitié peuvent se former entre lui et moi ; et pour obtenir ces liens, pour les créer, je pense de discuter, de lui dire les nombreux avantages qu’il y a de posséder un ami. Cette conversation serait sans doute facile, mais je n’ose pas lui en parler. D’autant plus que les amis, pour moi n’existe qu’à moitié, malheureusement.
Mercredi 5 mars
Mes notes de quinzaine sont mauvaises. J’ai un zéro en sciences et des notes pour les autres matières sont très basses. Cet échec est un joli remerciement pour mes parents qui m’ont offert une montre. Ils m’ont donné, je ne leur ai rien donné, même pas la seule chose minime, mais capitale, mon travail suivi de succès. Ce n’est pas être mal classé qui me peine, c’est de l’être quand on m’offre un présent. Je m’accuse de n’avoir pas fait plaisir alors qu’on m’a fait plaisir. J’ai ceci sur le cœur et mon moral en est abaissé.
Vendredi 7 mars
La catastrophe est totale, car j’attrape de mauvaises notes à d’autres devoirs. Mon mécontentement s’accentue donc. Tout me dégoute et il ne le faut pas. Le mieux est de surmonter ce dégoût par la volonté. J’ai tendance à prier Dieu, la Vierge afin d’obtenir leur aide pour ces lassitudes passagères. Je ne pense pas que ces demandes soient de bon augure, car Dieu puissant apporte une aide pour ce qui en fait la peine. Et cette déception humaine ne lui est certainement pas importante. D’autant plus que notre vie ne doit pas être totalement facile - ma prière à Dieu tend quelquefois à cette facilité de vie. Mon mécontentement dure toujours et progresse. Qu’est-ce que vont dire mes parents ? Quels remerciements je leur apporte ? Je suis tellement attristé et ennuyé que le soir même j’écris une longue lettre où je me condamne et où j’exprime mon mécontentement sur moi-même. Cela m’a un peu soulagé et m’a mis dans l’espoir de ne pas recevoir une dispute, une réprimande à cause de ma place.
Dimanche 9 mars
Il neige depuis longtemps ce qui fait que tout, ou à peu près tout, est recouvert de blanc.
Hier en instruction religieuse, le professeur nous a expliqué qu’on était infiniment heureux si on se trouve en amitié avec Dieu. Et ce matin, pendant la messe je me suis senti près de Dieu, ma pensée s’unissait facilement à ce que je connais de lui. J’étais heureux, très heureux, en dépit de mes déceptions précédentes. Suis-je en amitié avec Dieu puisque je suis heureux près de Lui ? Mais ce bonheur peut aussi venir de mon indifférence. Je ne le pense pas, car je ne me suis pas trouvé souvent indifférent.
Comme tous les dimanches, mon âme est envahie de mélancolie. Cet état, bon ou mauvais, je ne sais pas, m’a montré une différence avec l’an passé. Je ne recevais avant que des lettres des parents et de Claude. Tandis que maintenant mon courrier est plus abondant. La réception des lettres me plait beaucoup et je suis d’autant plus content que je réponds plus souvent que je n’écris le premier. Cela peut être la preuve que mes lettres sont intéressantes puisque certains cherchent à en avoir.
Mercredi 12 mars
Remplir ce journal devient de plus en plus difficile. J’ai oublié de l’ouvrir depuis une semaine au moins. Aussi, je dois me mettre à jour. Ceci est chose faite.
Je reçois une lettre de mes parents qui ne disent rien sur ma place si mauvaise.
Je donne à Charles une photo où je suis vu en entier ; il m’en donnera une. Ce qu’il fit le soir. J’étais un peu déçu, car il me donna une simple photo d’identité, abimée et moche. Mon être à ce moment était triste ; j’aurais aimé changer de lieu ou me divertir.
À six heures et demie à l’atelier, j’ai remarqué que l’esprit de la classe était bon. Pour la séance de limage, nous devions commencer une pièce de composition (examen de Pâques). Personne n’était prévenu et on était en droit de rouspéter pour la cause que l’on n’était pas suffisamment prêts. Aucun élève n’a crié ; la pièce s’est faite sans haine contre le professeur. À Saint-Gilles (Moulins), on aurait tous faits du pétard et le prof. aurait été traité de salaud : ne pas nous prévenir. Il n’est pas utile de dire, je pense, que je préfère les réactions de Godefroy.
Avant de m’endormir, un souvenir de l’enfance me revient en esprit. Je devais acheter une ceinture, et comme je fis cet achat seul, j’apportais deux genres différents à la maison. Il y avait quatre-vingts francs de différence entre les deux articles. Je préférai la plus chère, car elle était mieux travaillée, plus fine. L’autre un peu grossière était plus solide. Papa me fit prendre la moins chère, cela m’ennuya, mais je dus abdiquer. Cette leçon que papa me fit d’une manière indirecte sur l’économie sonne toujours à mon oreille.
Vendredi 14 mars
À la chapelle de la pension, nous assistons à une cérémonie ayant pour but le Carême. Pour les faits extérieurs, tout était très bien, mais je n’avais pas envie de prier. Je m’efforçais de penser à Dieu et vers la fin ma prière était meilleure. Être dans la joie avec Dieu ; il n’y a rien à mon avis de plus formidable. C’est, je pense, par la prière que je peux être en amitié avec Dieu. Comme je suis heureux quand je suis ou quand je crois y être. Comme je suis heureux quand une joie incompréhensible et divine m’étreint.
Dimanche 16 mars
Hier, maman m’a téléphoné pour me demander si je voulais sortir. J’ai refusé à cause de mes dernières notes qui n’étaient pas bonnes. Par la suite, j’ai regretté ce refus ; mais je pense qu’une telle privation me forgera la volonté. La récompense d’être resté en boite, je la trouve aujourd’hui. Je peux en effet travailler tout le dimanche et je suis content d’étudier. J’étudie aussi le soir, à la place du film que j’ai déjà vu.
La promenade du jour fut quelconque, mais avec l’aide joyeux des camarades, je l’ai quand même trouvé intéressante.